Dossier d’œuvre architecture IA27002493 | Réalisé par
Real Emmanuelle (Contributeur)
Real Emmanuelle

Chargée de recherches à l'Inventaire général du patrimoine culturel de Haute-Normandie, puis de Normandie, depuis 1992. Spécialité : patrimoine industriel.

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  • patrimoine industriel, patrimoine industriel du bassin hydrographique de l'Andelle
ligne ferroviaire Charleval-Serqueux
Œuvre étudiée
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  • (c) Région Normandie - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

Localisation

La création de la ligne ferroviaire Charleval-Serqueux est étroitement liée à la ligne reliant Gisors à Pont–de-l’Arche mise en service en 1868 par la Compagnie du chemin de fer de Pont-de-l'Arche à Gisors. En effet, pour assurer sa connexion avec la ligne Amiens–Rouen exploitée par la Compagnie des chemins de fer du Nord, les départements de l’Eure et de la Seine-Inférieure prennent la décision dès 1883 de favoriser la mise en place d’une ligne transversale faisant la jonction entre les deux axes existants. Cette nouvelle ligne doit permettre également le désenclavement de toute la partie amont de la vallée de l’Andelle, puisque son tracé longe scrupuleusement la rivière, remontant même jusqu’à sa source à Serqueux. C'est donc un territoire à deux visages qu'elle dessert, industriel dans l'Eure et rural dans le pays de Bray. De fait, la création de ce nouvel axe ferroviaire se justifie par la demande croissante de la population locale de pouvoir se rendre à Rouen, des industriels du territoire de pouvoir acheminer les matières premières dont ils ont besoin jusqu'à leurs usines et des agriculteurs de pouvoir faciliter l'écoulement de leur production.

D'abord prévue comme voie ferrée d'intérêt local, la ligne Charleval-Serqueux est finalement déclarée d'utilité publique le 16 juillet 1900 et concédée à la Compagnie des chemins de fer de l'Ouest. Dans le même temps, une convention passée entre le ministère des Travaux publics et la Compagnie des Chemins de fer de l’Ouest accorde à cette dernière la construction mais surtout l'exploitation à titre définitif de la ligne.

En raison des difficultés financières que connait alors la Compagnie des chemins de fer de l’Ouest, le lancement des travaux de construction prévu dès 1900 est retardé et la mise en service de ligne est programmée en deux phases. Le premier tronçon, de Charleval à Vascoeuil, correspondant à la partie euroise de la ligne et totalisant à peine 10 km, est ouvert le 13juillet 1907. Le second tronçon, de Vascoeuil à Serqueux, correspondant à la portion portant sur le département de la Seine-Inférieure, est ouvert le 9 juin 1910 par la Compagnie des chemins de fer de l'État, celle-ci ayant absorbé la Compagnie des chemins de fer de l'Ouest le 1er janvier 1909, héritant des droits et obligations établis par la convention de 1900.

Jusqu'en 1914, quatre trains (aller/retour) desservent quotidiennement la ligne, tous programmés en correspondance avec les convois circulant sur l'itinéraire Gisors - Pont-de-l'Arche. Conçus comme des omnibus, ces trains parcourent les 36kilomètres que totalise la ligne en 1 h 15 à 1 h 20 dans le sens Charleval-Serqueux, en 1 h 05 à 1 h 10 en sens inverse.Le service est assuré par des locomotives de la Compagnie des chemins de fer de l'Ouest, relevant du dépôt de Gisors, de type 021, 120, 130, 220 et 120T. Durant la Première Guerre mondiale, la circulation sur la ligne est réduite à deux allers et retours quotidiens, plus quelques convois de marchandises destinés notamment à ravitailler en armes et munitions le front de la Somme.

Après la Première Guerre mondiale, le trafic reprend sur la ligne de façon limitée, avec seulement trois allers-retours quotidiens. Mais lui sont affectées de nouvelles locomotives plus puissantes et plus rapides (de type 230 de la Compagnie des chemins de fer de l'Ouest et de type 140 de la compagnie des chemins de fer de l'État). Malgré cette modernisation,le nombre de passagers fréquentant la ligne ne cesse de baisser et le service des voyageurs est définitivement arrêté le2 octobre 1938.

Le trafic de marchandises est quant à lui maintenu durant la Seconde Guerre mondiale, mais fonctionne par intermittence.En 1942, l’armée allemande relance le trafic des voyageurs pour assurer le déplacement de travailleurs employés sur undépôt de munitions qu’elle a fondé près de Croisy-sur-Andelle. L’utilisation de la ligne par l’ennemi en fait une cible pourl’aviation alliée et pour la Résistance.

Après la guerre, le service marchandises reprend avec des locotracteurs assurant la desserte locale des tronçons Charleval-Croisy-sur-Andelle et Nolleval-La Feuillie-Serqueux. Le trafic décroit néanmoins et la ligne est définitivement fermée le 3 novembre 1969.

Les gares désaffectées sont vendues à des propriétaires privés et transformées en habitations. L'ensemble de la ligne est déclassée par décret du 14 janvier 1972 et entièrement déferrée à la fin des années 1970. Sa transformation en voie verte est aujourd’hui à l’étude.

La ligne Charleval-Serqueux est une voie ferrée à écartement standard, de 36 km de longueur, qui dessert la haute vallée de l’Andelle, longeant la rivière sur tout son parcours. Sa rampe reste à peu près constante sur sa portion euroise entre Charleval et Vascoeuil avec une déclivité de 3 à 5 ‰, mais elle s’accentue sur sa partie seinomarine avec une déclivité allant jusqu’à 10 ‰ dans la dernière partie de son parcours lorsqu’elle franchit les coteaux du pays de Bray.

Sur sa très courte distance, elle compte 11 gares ou stations : celles de Charleval tête de ligne également située sur l’itinéraire de la ligne Gisors-Pont-de-l’Arche, Charleval-Transières, Perriers-Les Hogues, Vascoeil, Croisy-sur-Andelle, Morville-La Haye, Nolléval-La Feuillie, Sigy-Argueil, Rouvray-Catillon, Forges-les-Eaux (station thermale) et Serqueux qui constitue un noeud ferroviaire important disposant d’un triage. Son seul ouvrage d'art est un petit viaduc qui enjambe la vallée de la Lieure, un affluent de l'Andelle peu après la gare de départ à Charleval.

Le détail des voies et du ballastage nous est donné par un courrier du ministère des Travaux publics adressé au préfet de l'Eure vers 1900. La voie est donc composée de rails DC symétriques de 6 m de longueur posés sur 8 traverses. Les rails et les éclisses proviennent du renouvellement de la ligne de Malaunay à Dieppe. Les traverses, coussinets, tirefonds et coins sont un matériel neuf. Le ballast provient d’une carrière ouverte à Pîtres située à proximité de la ligne de Gisors à Pont-de-l’Arche à laquelle elle est raccordée. Il est posé sur une largeur de 3,50 m et sur une épaisseur de 40 cm.

Les gares qui jalonnent la ligne Charleval-Serqueux sont construites par la Compagnie des chemins de fer de l’Ouest peu avant l’inauguration des deux tronçons, en 1906 pour les premières, en 1909 pour les secondes. Elles sont l’oeuvre d’un architecte ou d’un ingénieur de la compagnie, restant souvent anonyme, qui propose un modèle type en fonction de l’importance de la gare.

Les petites gares, dites de 5e classe, sont les plus nombreuses sur la ligne Charleval-Serqueux. Elles sont bâties sur un même modèle, très simple, mais non sans charme : des façades identiques de trois travées s’élevant sur un étage, un toit à longs pans à demi-croupe recouvert de tuile mécanique donnant une touche régionaliste, des murs en meulière parfois enduits rappelant la petite banlieue parisienne, quelques décors de brique en façade (bandeaux, chaînages d'angle, linteaux des ouvertures...), sans oublier la plaque émaillée arborant fièrement le nom de la gare placée sur la façade ou le pignon en fonction du positionnement du bâtiment. Ces petites gares ne disposent que d’un service de billetterie et voire d'une salle d’attente minuscule au rez-de-chaussée, le reste du bâtiment servant de logement au chef de gare. Les latrines extérieures destinées aux voyageurs constituent souvent leur seul équipement. Certaines sont associées à une maison de garde-barrière également construite selon un modèle type et sur un gabarit plus petit encore.

La gare de Charleval de 3e classe, plus cossue en raison de sa fonction de tête de ligne, relève également d'un modèle type : un pavillon central flanqué de deux ailes symétriques. Mais les matériaux de construction et les éléments de décor sont les mêmes que ceux des gares plus modestes.

Malgré cette standardisation, la qualité architecturale des gares bâties sur cette ligne a joué un rôle déterminant pour leur préservation. En effet, à l'exception de la gare de Rouvray-Catillon aujourd’hui détruite, toutes les autres ont été reconverties en coquettes maisons après la fermeture de la ligne.

  • Murs
    • meulière moellon enduit partiel
    • brique
  • Typologies
    Reconversion

Documents d'archives

  • AD Seine-Maritime. Série S. Sous-Série 5 SP : 5 SP 3093. Ligne de de la vallée de l'Andelle au pays de Bray, 1882.

  • AD Eure. Série S. Sous-série 64 S : 64 S 5. Chemin de fer de la vallée de l’Andelle.

    Rapport... Établissement d'un chemin de fer de Charleval à Serqueux, et convention passée entre l'État et la Compagnie des chemins de fer de l'Ouest pour la concession de cette ligne, 28 juin 1900.
  • AD Eure. Série S. Sous-Série 40 S : 40 S 1. Ligne de Charleval à Serqueux. Affaires générales, tracés, enquêtes parcellaires, 1899-1906.

  • AD Eure. Série S. Sous-Série 40 S : 40 S 1. Ligne de Charleval à Serqueux. Affaires générales, tracés, enquêtes parcellaires, 1899-1906.

    Plan du tracé de la partie comprise dans le département de l’Eure, par l’Ingénieur principal de la compagnie de chemins de fer de l'Ouest, 1/10000 e, 29 juillet 1902.
  • AD Eure. Série S. Sous-Série 40 S : 40 S 1. Ligne de Charleval à Serqueux. Affaires générales, tracés, enquêtes parcellaires, 1899-1906.

    Lettre du ministère des travaux publics au préfet de l’Eure présentant les détails de la superstructure de la partie comprise dans le département de l’Eure, vers 1902 (non daté).
  • AD Eure. Série S. Sous-Série 40 S : 40 S 1. Ligne de Charleval à Serqueux. Affaires générales, tracés, enquêtes parcellaires, 1899-1906.

    Lettre de la Compagnie des Chemins de fer de l’Ouest proposant l’ouverture de l’enquête publique sur le nombre et l’emplacement des stations à établir sur la ligne de Charleval à Serqueux - partie comprise dans le département de l’Eure, 5 août 1902.
  • AD Eure. Série S. Sous-Série 40 S : 40 S 1. Ligne de Charleval à Serqueux. Affaires générales, tracés, enquêtes parcellaires, 1899-1906.

    Notice explicative accompagnant l’enquête publique relative à l’emplacement des stations de la future ligne ferroviaire de Charleval à Serqueux, août 1902.
  • AD Eure. Série S. Sous-Série 40 S : 40 S 3. Ligne de Charleval à Serqueux. Acquisitions, cessions, expropriations, alignement, baux, échanges, 1899.

    Exploitation de carrières pour extraction de ballast : à Alizay, le Manoir et en forêt de Lyons, 1903.
  • AD Eure. Série M. Sous-série 5 M : 5 M 159. Établissements industriels, dangereux et insalubres. Charleval.

    Lettre de Charles Rangeard entrepreneur de travaux publics pour la ligne de chemin de fer de Serqueux à Charleval au préfet de l’Eure, 1 mai 1905.
  • AD Eure. Série S. Sous-Série 40 S : 40 S 1. Ligne de Charleval à Serqueux. Affaires générales, tracés, enquêtes parcellaires, 1899-1906.

    Extrait du registre des délibérations du conseil municipal de Perriers-sur-Andelle sur l'intérêt de mettre en service de la ligne, 25 juillet 1906.
  • AD Eure. Série S. Sous-Série 40 S : 40 S 2. Ligne de Charleval à Serqueux. Passages à niveau, bornages, 1899.

  • AD Eure. Série S. Sous-Série 40 S : 40 S 3. Ligne de Charleval à Serqueux. Acquisitions, cessions, expropriations, alignement, baux, échanges, 1899.

  • AD Eure. Série S. Sous-Série 40 S : 40 S 4. Ligne de Charleval à Serqueux. Jury d'expropriation, notifications d'offres, 1899.

  • AD Eure. Série S. Sous-Série 40 S : 40 S 5. Ligne de Charleval à Serqueux. Comptabilité, affaires diverses.

Bibliographie

  • BATHIAT Bertrand. Gares et tortillards de Haute-Normandie. Coudray-Macouard : Cheminements, 2008. (Trains d'ici). 224 p.

    p. 121 à 124
  • BANAUDO José. Sur les rails de Normandie. Breil-Roya : Éditions du Cabri, 2009. (Images ferroviaires). 287 p.

    287 p.
Date(s) d'enquête : 2016; Date(s) de rédaction : 2018
(c) Région Normandie - Inventaire général
Real Emmanuelle
Real Emmanuelle

Chargée de recherches à l'Inventaire général du patrimoine culturel de Haute-Normandie, puis de Normandie, depuis 1992. Spécialité : patrimoine industriel.

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