Dossier d’œuvre objet IM14006234 | Réalisé par
Billat Hélène (Contributeur)
Billat Hélène

Chercheuse à l'inventaire général du patrimoine culturel de Basse-Normandie puis de Normandie depuis 2013 : architecture civile et religieuse, patrimoine rural, objets mobiliers civils et religieux étudiés dans le cadre d'inventaires topographiques et ponctuels. Suivi scientifique de l'étude du patrimoine bâti du Parc naturel régional du Perche.

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  • opération ponctuelle, Abbaye aux Dames de Caen
Œuvre étudiée
Auteur
Copyright
  • (c) Région Normandie - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Caen - Caen-6
  • Commune Caen
  • Adresse place Reine Mathilde
  • Emplacement dans l'édifice rez-de-chaussée de l'aile sud du cloître, escalier sud-ouest

Le tableau (Inv. 773) est daté vers 1770 sans preuve historique retrouvée à ce jour. II a été acquis avec quatre autres (Mort de Sainte Scolastique, Saint Vigor, Sauvetage du moine Placide) - dont l'un (Saint non identifié) a depuis officiellement disparu (jugé en trop mauvais état par le pôle conservation-restauration de la Fabrique de patrimoines en Normandie, il a été détruit) - par la Région Basse-Normandie le 23 mai 1986 à la commune de Cerisy-la-Forêt qui décide par délibération du 2 mai 1986 de les lui vendre pour un montant global de 25 000 francs (3 811 euros). Alerté par l'état de péril de ces œuvres, entreposées sur décision du prêtre affectataire dans les parties hautes du bras sud du transept de l'église abbatiale de Cerisy-la-Forêt en 1870, puis dans celles du chœur, l'abbé Lelégard (1925-1994), conservateur des antiquités et objets d'art de la Manche, engage des négociations en 1985 avec les collectivités, l’État, le prêtre affectataire et l'association des Amis de l'Abbaye, pour les sauver. La Région Basse-Normandie, récemment installée dans les bâtiments de l'ancienne abbaye aux Dames de Caen, est pressentie pour les accueillir et les restaurer. La collectivité est alors en recherche d'objets mobiliers pour meubler les espaces collectifs et de réception ainsi que l'Hôtel de Région. Elle peut assurer financièrement l’acquisition de cet ensemble et sa restauration tout en disposant de cimaises pour son exposition. Une repose dans l'église abbatiale de Cerisy paraissant compromise, faute de place, il a paru pertinent de pérenniser leur exposition dans l'ancienne abbaye caennaise soumise à la règle bénédictine comme celle de Cerisy.

La représentation du saint en extase se réfère au récit de la Légende dorée de Jacques de Voragine : "Une nuit que le serviteur de Dieu regardait par une fenêtre et priait Dieu, il vit se répandre en l'air une lumière qui dissipa toutes les ténèbres de la nuit. Or à l'instant tout l'univers s'offrit à ses yeux comme s'il eût été rassemblé sous un rayon de soleil et il vit l'âme de saint Germain, évêque de Capoue, portée au ciel." (trad. J.-B. M. Roze, 1902, p. 365). Agenouillé devant un pupitre et un crucifix, le saint se détourne pour capter la lumière divine qui se révèle à lui, les yeux et les bras levés au ciel. Il ne se tient pas dans une cellule mais est environné de rochers en référence à la vie érémitique qu'il choisit de mener vers 500 en se retirant dans une grotte près du lac de Subiaco, appelée plus tard Sacro Speco, avant de fonder l'abbaye du Mont-Cassin. L’œuvre a été peinte dans le sens de la gravure - gravures connues signées de Nicolas Bazin, Simon Thomassin et d'Étienne Gautrel - d'après un tableau perdu de Philippe de Champaigne (1602-1674)*. Le sujet s'inscrit dans la spiritualité de Port-Royal à laquelle adhéra le grand maître flamand. Le catholicisme trouve dans la vie solitaire des premiers ermites et saints fondateurs des grands ordres religieux en Occident un terreau favorable à la mise en œuvre de sa réforme. Au-delà de l'évocation d'un épisode précis de la vie du saint fondateur de l'ordre bénédictin, il y a la volonté de rappeler la force du message originel. Une lumière irradiant sur la tête du saint depuis le triangle trinitaire matérialise cette révélation mystique de la transcendance. Transcriptions gravées et copies témoignent de la postérité de l’œuvre de Champaigne jusqu'au siècle suivant. Il est, avec le tableau de même sujet peint par Jean Restout (1692-1768) en 1730 pour l'abbaye bénédictine de Bourgueil (Inv. 1793-2-1, musée des Beaux-Arts, Tours), l'un des modèles copié en Normandie.

L'ancienne église abbatiale de Cerisy conserve plusieurs tableaux du 18e siècle dont certains sont signés et datés de Don Étienne Hyacinthe Le Fournier (ca. 1745-1801), moine bénédictin de l'abbaye du même lieu actif dans la seconde moitié du 18e siècle - plus exactement durant les décennies 1770-1780 -, peints d'après des gravures d’œuvres de Charles Le Brun, Louis de Boulogne ou Jean Jouvenet comme l'indique la base de donnée de la conservation des antiquités et objets d'art de la Manche. Bien que ni signé ni daté, le tableau de Caen présente une parenté stylistique avec certaines œuvres de Cerisy, en particulier avec une Déploration du Christ de Don Le Fournier (d'après la gravure d'une œuvre non localisée de Charles Le Brun), où s'observent des similitudes dans le dessin des drapés aux plis lourds, la forme des visages (petits yeux sombres sous des arcades sourcilières linéaires tracées dans le prolongement des arêtes d'un long nez) et la manière de rendre les éléments naturels. L'ensemble des tableaux est dû au même pinceau. Celui de Saint Vigor apparaît plus personnel, peut-être parce qu'il n'a pas été peint d'après un modèle gravé qui rend la manière de l'artiste plus rigide. Il est le seul tableau dont le cadre a pu être sauvé, les autres étant en trop mauvais état. Paul de Farcy indique dans son ouvrage sur les abbayes de l'évêché de Bayeux (1886), que ces toiles avaient été disposées dans les cinq baies du rez-de-chaussée de l'abside, ce que confirme une gravure de John Sell Cotman illustrant les Architectural Antiquities of Normandy . Cela explique leur format cintré et leurs dimensions assez proches : on discerne dans la baie axiale le tableau de Saint Vigor et à dextre, celui de la Mort de sainte Scolastique.

Si Paul de Farcy donne ces tableaux à Don Le Fournier, cette attribution reste à certifier faute de source l'attestant. L'iconographe de ces œuvres, créées pour l'église abbatiale de Cerisy, rend hommage à son fondateur et aux grandes figures de l'ordre bénédictin. Elles forment un ensemble stylistiquement cohérent que la Région Normandie valorise aujourd'hui auprès des visiteurs.

*modèle identifié par Emmanuel Luis, chercheur, Inventaire général du patrimoine culturel de Normandie.

  • Période(s)
    • Principale : 2e moitié 18e siècle
  • Dates
    • 1770, daté par tradition orale
  • Stade de création
    • copie d'estampe
  • Auteur(s)
    • Auteur de la source figurée :
      Champaigne Philippe de
      Champaigne Philippe de

      Site internet du Musée national de Port-Royal des Champs consulté le 20 novembre 2020 : https://www.port-royal-des-champs.eu/port-royal/musee/collections-xviie/99-philippe-de-champaigne.html

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    • Auteur :
      Le Fournier Etienne Hyacinthe
      Le Fournier Etienne Hyacinthe

      Né vers 1745, Don Étienne Hyacinthe Le Fournier est un moine de la communauté bénédictine de Cerisy (Cerisy-la-Forêt, Manche). En l'an 2, il est mentionné "senieur et mauvais peintre" âgé de 45 ans. Il quitte l'ordre le 27 octobre 1790 et s'établit à Saint-Sauveur-le-Vicomte. Il décède en 1800 ou 1801. Il a signé et parfois daté plusieurs tableaux conservés dans l'église abbatiale de Cerisy : Annonciation (1786), Saint jacques le Majeur, Déploration, Immaculée Conception (attribution). D'autres ont été répertoriés à Sainte-Croix-sur-Mer (canton de Ryes), Christ en croix (1781) ; à l'abbaye Saint-Étienne (actuellement hôtel de vllle) à Caen (attribution) : Visitation, Saint Paul sur le chemin de Damas, saint Pierre et saint Jean guérissant un paralytique (1771), saint Philippe diacre baptisant l'eunuque éthiopien.

      Sources consultées le 26 novembre 2020 :

      -AD Manche. 300 J/239 - 1.

      -site internet Internet Archives, FARCY, Paul de. Abbaye de l’évêché de Bayeux, 1887, http://archive.org/stream/abbayesdeleveche01farc/abbayesdeleveche01farc_djvu.txt

      -site internet de la Conservation des antiquités et objets d'art de la Manche, http://objet.art.manche.fr/

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      peintre (incertitude), attribution par travaux historiques

La toile est fixée sur un châssis cadre dépourvu de clefs.

  • Catégories
    peinture
  • Structures
    • support, rectangulaire vertical, cintré
    • non encadré
  • Matériaux
    • toile, support, en 2 lés peinture à l'huile
  • Mesures
    • h : 341 centimètre
    • la : 177 centimètre
    • la : 96,5 centimètre (largeur du lé dextre)
  • Iconographies
    • saint Benoît de Nursie, de face, agenouillé, figure
    • Triangle trinitaire, symbole
    • crosse
    • croix
    • livre
    • Tétragramme, symbole
    • nuée
  • Précision représentations

    Saint Benoît de Nursie est représenté agenouillé, devant un pupitre et un crucifix, en oraison et les yeux et les bras levés au ciel où apparaît le symbole trinitaire. La présence de rochers pourrait évoquer son retrait dans une grotte près du lac de Subiaco, appelée plus tard Sacro Speco, pour y mener une vie érémitique vers 500, avant de fonder l'abbaye du Mont-Cassin et de rédiger la Règle bénédictine. L'iconographe renvoie au récit de la Légende dorée de Jacques de Voragine : "Une nuit que le serviteur de Dieu regardait par une fenêtre et priait Dieu, il vit se répandre en l'air une lumière qui dissipa toutes les ténèbres de la nuit. Or à l'instant tout l'univers s'offrit à ses yeux comme s'il eût été rassemblé sous un rayon de soleil et il vit l'âme de saint Germain, évêque de Capoue, portée au ciel." (trad. J.-B. M. Roze, 1902, p. 365). Des rayons de lumière irradient directement sur le crâne du saint pour traduire la révélation de la transcendance divine. En signe d'humilité, l'insigne du pouvoir abbatial, la crosse, repose à terre, près de saint Benoît.

  • État de conservation
    • déformation
    • repeint (incertitude)
    • altération ponctuelle
    • oeuvre restaurée
  • Précision état de conservation

    État en 2014 : déformation des montants du châssis. État de la couche picturale : craquelures multidirectionnelles, usures et lacunes ponctuelles, effet mat ; jaunissement du verni. Le tableau semble moins repeint que son pendant.

    Le tableau a été restauré par Christine Goubot en 1987. Détail des interventions : pose de bandes de tension, pose de pièce, refixage partiel, enlèvement du vernis, réintégration des lacunes et des usures.

  • Statut de la propriété
    propriété de la région, Ensemble de cinq tableaux acquis le 23 mai 1986 à la commune de Cerisy-la-Forêt qui décide par délibération du 2 mai 1986 de les vendre à la Région Basse-Normandie pour un montant global de 25 000 francs (3 811 euros) "avec la possibilité de les rétrocéder au Conseil général de la Manche afin de les placer dans la future maison du Département de la Manche sans qu'aucun recours puisse être exercé de part et d'autre contre la commune".
  • Intérêt de l'œuvre
    À signaler

Ce tableau présente l'intérêt d'être une copie réalisée d'après la gravure d'un tableau perdu de Philippe de Champaigne. Il est supposé contemporain des œuvres d'un moine de Cerisy, Don Le Fournier, qui pourrait peut-être en être l'auteur. Une inscription au titre des monuments historiques pourrait être étudiée.

Documents d'archives

  • CAOA MANCHE. Cerisy-la-Forêt : dossier documentaire (sources manuscrites et imprimées).

    Conservation des Antiquités et Objets d'Art de la Manche, Saint-André-de-Bohon

Bibliographie

  • FARCY, Paul de. Abbayes de l'évêché de Bayeux. Laval : Impr. de L. Moreau, 1886-1888.

    Archives départementales de Seine-Maritime, Rouen : BHN 214, 288
    t. I, p. 12, 44-45

Documents figurés

  • Abbey Church of Cerisy : Interior of the choir. Eau-forte, John Sell Cotman, tiré de : Architectural antiquities of Normandy. Londres : J. and A. Arch, 1822, pl. 97.

    Bibliothèque municipale, Caen : RES C 876
    pl. 97

Annexes

  • Paul de Farcy, Abbayes de l'évêché de Bayeux. Laval : Impr. de L. Moreau, 1886.
Date(s) d'enquête : 2013; Date(s) de rédaction : 2014
(c) Région Normandie - Inventaire général
Billat Hélène
Billat Hélène

Chercheuse à l'inventaire général du patrimoine culturel de Basse-Normandie puis de Normandie depuis 2013 : architecture civile et religieuse, patrimoine rural, objets mobiliers civils et religieux étudiés dans le cadre d'inventaires topographiques et ponctuels. Suivi scientifique de l'étude du patrimoine bâti du Parc naturel régional du Perche.

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