Dossier collectif IA27004248 | Réalisé par
Real Emmanuelle (Contributeur)
Real Emmanuelle

Chargée de recherches à l'Inventaire général du patrimoine culturel de Haute-Normandie, puis de Normandie, depuis 1992. Spécialité : patrimoine industriel.

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  • patrimoine industriel, patrimoine industriel du bassin hydrographique de l'Andelle
l'Andelle rivière aménagée
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  • (c) Région Normandie - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

  • Dénominations
    rivière aménagée
  • Aires d'études
    bassin hydrographique de l'Andelle

Les aménagements hydrauliques liés à l’activité industrielle :

Du Moyen-Age aux premières décennies du XXe siècle, la rivière Andelle est utilisée comme force motrice pour entraîner les roues et turbines des moulins et usines dédiés à des activités variées (meunerie, métallurgie, textile, construction mécanique...). Mais comme on l'observe à travers les documents d'archives et sur le territoire encore aujourd'hui, ces sites hydrauliques ne sont jamais implantés sur le cours naturel de la rivière. Leur installation implique nécessairement de nombreux travaux d'aménagement pour mettre en place toute une série d’équipements amont et aval afin de créer la hauteur de chute et le débit d’eau nécessaires à la production d’une puissance suffisante. Le creusement d’un bief, c’est-à-dire d’une petite dérivation pour optimiser l’arrivée et la force de l’eau jusqu’au moteur hydraulique, est la première étape. C’est sur ce bief que sont construits les moulins et usines. Pour les sites les plus importants, comme la filature Levavasseur à Fontaine-Guérard, il consiste en un immense canal de plus de 10 m de largeur et de 500 m de longueur. Parfois les dérivations naturelles, très nombreuses sur l’Andelle, servent aussi de bief. Outre les travaux de terrassement et de maçonnerie, comme la réalisation de coursiers en brique (emplacement recevant la roue), ces aménagements réclament la pose de divers types de vannes (lançoire, motrice et de décharge) faites de planches de bois, de roues dentées et de crémaillères en métal. Au XIXe siècle, chaque usinier voulant profiter de cette énergie abondante et gratuite, une véritable ruée vers l’eau s’opère sur toutes les rivières de France jusqu’à saturation, l’Andelle en premier lieu. En 1850, on y dénombre un site hydraulique (moulin ou usine) tous les 500 mètres. Une véritable guerre de l’eau se joue entre les industriels de sorte que les plaintes et procès deviennent choses courantes.

La rivière comme force motrice :

Les moulins et usines du territoire se sont équipés de moteurs hydrauliques adaptés à leurs besoins, ainsi qu’à la pente et au débit du cours d’eau. On trouve ainsi sur le cours de l’Andelle (et de ses affluents) différents types de moteurs hydrauliques, des plus rudimentaires aux plus perfectionnés : des roues verticales à aubes ou à augets, en bois ou en métal, entraînées par-dessous ou par-dessus, voire par le côté, et des turbines à cloches, à tourbillons, à hélices, de type Francis, Kaplan ou Fontaine… du nom de leurs inventeurs. On parle de roue par-dessus quand le poids de l’eau, guidée jusqu’au-dessus de la roue par un conduit d’amenée pour remplir les augets, fait tourner la roue. Ce type de moteur hydraulique se rencontre plus fréquemment dans la partie amont de l’Andellle (et de ses affluents), là où le débit de la rivière est le plus faible. La roue par-dessus du moulin d’Héronchelles, entièrement métallique, développe une puissance de 30 000 kWh malgré ses modestes dimensions. A contrario, on parle de roue par-dessous quand l’eau vient frapper les aubes de la roue hydraulique par le bas et l’entraîne par sa seule force. Les plus importants moteurs de ce type, comme la roue hydraulique du moulin du Chapitre à Douville-sur-Andelle, mesurent 4 m de diamètre et 6 m de largeur et présentent une puissance de de 120000 kWh. Au milieu du XIXe siècle, les usines établies sur l’Andelle tirent de la rivière, grâce à leurs roues et turbines une force de plus de 5 000 CV. Il subsiste aujourd’hui 33 moteurs hydrauliques (tous types confondus) sur l’Andelle et ses affluents, alors qu’il y en avait plus de 200 à la fin du XIXe siècle. Certains sont très dégradés ou envasés, d’autres encore en parfait état de marche. Ils forment un échantillon remarquable qui témoigne des progrès technologiques réalisés durant les deux siècles derniers en matière d’hydraulique.

Flottage du bois :

A la fin du XVe siècle, une nouvelle activité se développe sur l’Andelle : le flottage du bois. Il est attesté par une lettre patente de Charles VIII du 16 novembre 1490 qui accorde à Jehan Le Roux, marchand de bois, l’exploitation de 200 arpents de la forêt de Lyons pour ravitailler Rouen, via la Seine, en bois de construction et de chauffage. Le document l’autorise à faire passer les troncs par la rivière - depuis le village de Transières (Charleval) jusqu’à l'embouchure dans la Seine... mais à condition d’indemniser les riverains des dommages (détérioration des rives, inondations des prairies) qui leur seraient causés par ce nouveau mode de transport. Face à l'inflation des plaintes pour dégradation de la rivière, une première réglementation est mise en place : les marchands de bois sont tenus de surveiller et de limiter le flottage, doivent demander l'autorisation aux seigneurs propriétaires des rives et leur payer un droit de flottage. Au début du XVIe siècle les droits de flottage sur l’Andelle atteignent la somme assez considérable de 100 livres par an. Parallèlement, le temps accordé au flottage est limité dans l’année. Au début du XVIIe siècle, il est défendu de flotter depuis la Saint-Jean (le 21juin) jusqu’aux moissons, de façon à ne pas nuire aux agriculteurs. L’activité prend un essor considérable au XVIIIe siècle lorsque Charles-François de Montmorency, duc du Luxembourg, propriétaire de 2 000 ha de bois autour de Forges-les-Eaux, est autorisé en 1741 à y faire flotter les troncs pour alimenter la ville de Rouen en bois de chauffage. A la même époque, le flottage des bois de l’abbaye de Beaubec et de la forêt de Bray par la rivière Andelle est autorisé par deux arrêts du Conseil du Roi rendus en 1741 et 1756. Le bois est chargé à Pitres sur de grands bateaux pour alimenter Rouen, via la Seine, mais aussi Paris. A partir de cette époque, le flottage est autorisé sur deux périodes : de mi-septembre jusqu’au début de l’hiver puis reprend en mars pendant six semaines. Durant ces périodes, l’obligation de fermer les vannages condamnait les moulins à un chômage saisonnier. Vers 1820, la quantité de bois flotté annuellement sur l'Andelle est de 12 000 stères dont 9 000 sont tirées de la forêt de Bray et 3 000 de celle de Lyons. Le flottage commence ordinairement à la fin de novembre et dure plus ou moins longtemps selon l’abondance des eaux. Les usines chôment pendant le temps que dure le flottage, leurs vannes motrices étant fermées. Le droit de flottage s’applique également sur la Lieure immédiatement en aval de Lyons-la-Forêt, « mais il a lieu par un canal dit canal du Flot dont l’embouchure est placé entre les communes de Charleval et de Menesqueville aux vannages dits des Marchands lequel canal va rejoindre la rivière d’Andelle au hameau du Pont d’Andelle ». Cette pratique avait nécessité un système particulier de pont. Le flottage du bois cesse progressivement au début des années 1830 au moment où l’industrialisation de la vallée prend tout son essor. Le déclassement de la rivière Andelle, annonçant l'arrêt définitif du flottage, est prononcé par une ordonnance du 10 juillet 1835.

La rivière source de conflits, une réglementation nécessaire :

A partir du XVIIIe siècle, l’Andelle devient l’enjeu de trois activités économiques aux intérêts antagonistes : les agriculteurs, les marchands de bois et les usiniers. Les conflits se multiplient autour de l’utilisation de l’eau pour l’irrigation des labours, le transport des grumes ou l'utilisation de sa force motrice. Le 11 janvier 1757, suite à une plainte du marquis de Pont-Saint-Pierre dénonçant les dégâts provoqués par les moulins à foulon établis sur sa commune, le premier arrêté royal réglementant l’Andelle est promulgué. Le document fixe l’entretien de la rivière et la conformité des moulins sur les communes de Pont-Saint-Pierre et Romilly. La mesure est suivie d’effet comme en témoigne le procès-verbal de la visite de cette portion de rivière effectuée le 9 septembre 1760. Un nouveau règlement est promulgué le 25 germinal an IX (15 avril 1801) pour définir les modalités de l’irrigation sur l’ensemble du département de l’Eure, Andelle comprise. Mais les exactions persistent, comme le dénonce l’enquête menée en 1808 par M. Costard du Mesnil, maire de Perruel. En 1822, le premier règlement général de la vallée de l’Andelle est établi sur la base de celui de 1801. Il fixe la dévolution des eaux, la hauteur de chute accordée aux sites hydrauliques et confirme le pouvoir de l’administration (préfecture et Ponts et Chaussées) dans le domaine. Durant les deux décennies suivantes, tous les moulins et usines de Vascoeuil à Pîtres,construits sans autorisation, sont enfin règlementés. Néanmoins, l’enjeu de l’eau est tel, que les conflits entre usagers perdurent et l’administration est assaillie de réclamations tout au long du XIXe siècle. La gestion de l’Andelle est pourtant simplifiée depuis l’ordonnance du 10 juillet 1835 qui signe l’arrêt du flottage du bois (pratiqué sur l'Andelle de Charleval à Pîtres et sur la Lieure, son affluent, dans sa totalité) et classe comme rivière navigable les 3 km de rivière de Pîtres à la Seine de façon à faciliter l’approvisionnement en charbon des puissantes Fonderies de Romilly. En 1865, la demande du conseil général de l’Eure de canaliser cette portion aval de rivière est rejetée par le ministère des Travaux publics au motif que le coût estimé des travaux serait bien supérieur à leur utilité réelle (en effet seuls les usiniers de Romilly pourraient en tirer bénéfice) d’autant que la création d’une ligne de chemin de fer entre Gisors et Pont-de-l’Arche desservant la basse vallée de l’Andelle a été validée la même année. Enfin, le décret présidentiel du 4 mai 1911 qui constitue le dernier règlement d’usage partagé de l’Andelle, de sa source à son embouchure, établit un juste équilibre entre les besoins industriels et agricoles.

  • Période(s)
    • Principale : Moyen Age , daté par travaux historiques
    • Principale : Temps modernes , daté par travaux historiques
    • Principale : Epoque contemporaine , daté par travaux historiques

Depuis le XIIe siècle jusqu'à la première moitié du XXe siècle la rivière Andelle et ses affluents ont fait l'objet d'aménagements incessants par leurs multiples utilisateurs : les propriétaires ou les exploitants de moulins puis d'usines hydrauliques pour l'utilisation de sa force motrice, par les agriculteurs pour l'irrigation des cultures, par les marchands de bois pour le flottage des grumes, par les indienneurs pour les qualités intrinsèques de l'eau utilisée pour l'impression des étoffes, par quelques industriels pour le transport de matières premières sur sa portion navigable et par tous ses riverains pour les besoins quotidiens (cabinets d’aisance, lavoirs..). Ces différents usages ont entraînés des transformations profondes de l'Andelle et de ses affluents par l'aménagement des rives, la création de biefs de dérivation et de barrages, l'installation de vannages... Tous ces éléments, laissés à l'abandon aujourd'hui et particulièrement menacés - beaucoup ont déjà disparu - témoignent de l'anthropisation séculaire du cours d'eau et d'une histoire industrielle plus récente née de l’exploitation de l'eau. L’enquête menée par l'Inventaire a permis d'identifier 33 moteurs hydrauliques (roues ou turbines) encore place mais pour la plupart hors état de marche sur les cours d'eau constituant le bassin hydrographique de l'Andelle

  • Toits
  • Décompte des œuvres
    • étudiées 33

Documents d'archives

  • AD Eure. Série S. Sous-Série 18 S : 18 S 7. Police des Eaux, affaires générales, Andelle (Charleval, Douville, Fleury, Perriers).

    Arrêt du Conseil d'Etat du Roi, portant réglement pour la rivière Andelle, 11 Janvier 1757.
  • AD Eure. Série C : sous-série C 20. Navigation de l’Andelle : Intendance de Rouen.

    Réglementation de la rivière d’Andelle 1756-1759.
  • AD Seine-Maritime. Série S ; Sous-série 7 S : 7 S 33. Andelle réglementation générale : arrêtés, enquêtes.

  • AD Eure. Série C : sous-série C 20. Navigation de l’Andelle : Intendance de Rouen.

    Autorisation de flottage des bois de la forêt de Bray.
  • AD Eure. Série S. Sous-Série 18 S : 18 S 7. Police des Eaux, affaires générales, Andelle (Charleval, Douville, Fleury, Perriers).

    Procès-verbal de visite de la rivière Andelle, 9 septembre 1760.
  • AD Eure. Série S ; Sous-série 16 S : 16 S 1. Pratique du flottage sur l'Andelle.

  • AD Eure. Série S. Sous-Série 18 S : 18 S 7. Police des Eaux, affaires générales, Andelle (Charleval, Douville, Fleury, Perriers).

    Pétition de Michel Sautelet 1821, rappelant l'arrêté du gouvernement sur la construction des usines hydrauliques du 19 ventose an VI (9 mars 1798).
  • AD Eure. Série S. Sous-Série 18 S : 18 S 7. Police des Eaux, affaires générales, Andelle (Charleval, Douville, Fleury, Perriers).

    Enquête de Costard du Mesnil 1808-1809.
  • AD Eure. Série M ; Sous-série 9 M : 9 M 3. Enquêtes administratives et industrielles (1837-1881).

    Note d'Eugène Janvier de La Motte, préfet de l’Eure, au Ministre de l’Agriculture, du commerce et des travaux publics, 7 août 1858.
  • AD Eure. Série S. Sous-Série 18 S : 18 S 7. Police des Eaux, affaires générales, Andelle (Charleval, Douville, Fleury, Perriers).

    Réglement concernant les usines - Rivièred'Andelle et affluents, 1866.
  • AD Eure. Série S. Sous-Série 18 S : 18 S 7. Police des Eaux, affaires générales, Andelle (Charleval, Douville, Fleury, Perriers).

    Décret présidentiel réglementant la rivière Andelle de sa source à sa confluence, 1911.

Documents figurés

  • AD. Seine-Maritime. Série Fi ; Sous-série 12 Fi : 12 Fi 179. Documents figurés.

    Plan géométrique de la baronnie du Pont Saint Pierre [vallée de l’Andelle de Pitres à Douville], par Guillaume Le Roux arpenteur, 1725.

Annexes

  • Liste des moteurs hydrauliques étudiés lors de l'inventaire du patrimoine industriel du bassin hydrographique de l'Andelle
Date(s) d'enquête : 2016; Date(s) de rédaction : 2019
(c) Région Normandie - Inventaire général
Real Emmanuelle
Real Emmanuelle

Chargée de recherches à l'Inventaire général du patrimoine culturel de Haute-Normandie, puis de Normandie, depuis 1992. Spécialité : patrimoine industriel.

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