L'existence du moulin à blé de Bacqueville est attesté au XVe siècle. Il figure sur un plan de la rivière Andelle, entre les commune de Pîtres et de Douville-sur-Andelle, dressé en 1725. A la fin du XVIIIe siècle, il appartient au meunier Jacques Delaplace, également propriétaire du moulin à blé du Chapître, situé juste en aval, mais alimenté par un autre bras de l’Andelle. En 1799, le partage de succession de Jacques Delaplace attribue le moulin à blé de Bacqueville à sa fille, Mme Lefèvre et celui du Chapitre à son fils, Jacques Delaplace.
En 1821, Mme Vve Guéroult, après avoir vendu ses filatures de Fontaine-Guérard au baron Jacques Levavasseur, fait l’acquisition du moulin de Bacqueville implanté juste en aval, pour le reconvertir au foulage des étoffes de laine. Afin de développer le rendement de son moulin, elle exprime dès 1825 son intention d'y installer une seconde roue hydraulique. Sa demande se heurte à l’opposition de Jacques Delaplace, propriétaire du moulin à blé du Chapitre mais aussi à celle du baron Amédée d’Houdemare, propriétaire des herbages se trouvant sur la rive opposée. Tous deux craignent que les transformations projetées produisent un changement du régime des eaux pouvant entraîner des inondations et entraver le fonctionnement du moulin. En 1829, Mme Guéroult confie la gestion immobilière du moulin à foulon de Bacqueville au baron d’Houdemare, qui en confie l'exploitation au meunier locataire, François Thouet. Le plan de situation du moulin, relevé la même année, montre que l'édifice est constitué de deux corps de bâtiment : l’un à usage de foulon proprement-dit, l’autre à usage de dégraisseuse alimentée par une petite dérivation. La même année, le baron d'Houdemare met en service une autre filature de coton à Pont-Saint-Pierre.
En 1833, le baron d’Houdemare, devenu propriétaire du moulin de Bacqueville, relance la demande présentée en 1825 par Mme Guéroult afin obtenir l’autorisation d’installer une seconde roue hydraulique à son usine. Sa requête est acceptée et la seconde roue est installée en 1834. Le nouveau moteur sert finalement à entraîner un second moulin à foulon édifié sur la rive opposée du bief. L’administration des Ponts et Chaussées souligne que les moulins de Bacqueville et du Chapitre n’ont à cette date toujours pas d’autorisation légale.
Suite aux conflits incessants entre les usiniers du Chapitre et ceux de Bacqueville, le tribunal civil des Andelys, attribue en 1847 les 6/11e du volume des eaux de l’Andelle au moulin de Bacqueville et donne au moulin du Chapitre les 5/11e restants. L’usine de Bacqueville, regroupant les deux moulins à foulon, est finalement réglementée par l’arrêté préfectoral du 6 août 1852 qui autorise son maintien en activité. Elle appartient toujours au baron d’Houdemare, qui est alors le maire de Pont-Saint-Pierre. En 1858, le baron d'Houdemare réutilise la chute d’un de ses deux moulins à foulon pour entraîner une filature de coton. L’autre foulon est quant à lui maintenu en activité et son exploitation est confiée à Victor Selle qui en deviendra propriétaire par la suite. La nouvelle filature de Bacqueville dispose d’une chute de 1,75 m de hauteur, ce qui représente un volume de 3130 m3 et une force de 73 CV. En 1897, elle appartient toujours à la famille d’Houdemare mais est exploitée par l'industriel Charles Peynaud. La filature est incendiée en 1901 et son activité est définitivement arrêtée. En 1904, Henri Kratz, fondateur de la société « Les inventions pratiques» rachète à M. Selle son moulin à foulon et les vestiges de la filature d’Houdemare pour y installer une usine de jouets.
Chargée de recherches à l'Inventaire général du patrimoine culturel de Haute-Normandie, puis de Normandie, depuis 1992. Spécialité : patrimoine industriel.