Dossier collectif IA27003011 | Réalisé par
Real Emmanuelle (Contributeur)
Real Emmanuelle

Chargée de recherches à l'Inventaire général du patrimoine culturel de Haute-Normandie, puis de Normandie, depuis 1992. Spécialité : patrimoine industriel.

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  • patrimoine industriel, patrimoine industriel du bassin hydrographique de l'Andelle
moulins à foulon de la basse vallée de l'Andelle
Copyright
  • (c) Région Normandie - Inventaire général
  • (c) Collection Privée

Dossier non géolocalisé

  • Dénominations
    moulin à foulon
  • Aires d'études
    bassin hydrographique de l'Andelle
  • Adresse
    • Commune : Romilly-sur-Andelle
      Lieu-dit :
    • Commune : Pont-Saint-Pierre

Le foulage des draps est l’une des plus anciennes activités industrielles de la vallée de l’Andelle. Les premiers moulins à foulon y apparaissent à la fin du XVe siècle, leur présence étant attestée par des aveux de fiefs où ils sont minutieusement décrits. Mais l’activité se développe véritablement aux XVIIe et XVIIIe siècles grâce au rayonnement des cités drapières voisines : Louviers, Les Andelys mais surtout Elbeuf. Faute de rivière digne de ce nom dans cette ville, nombre de fabricants elbeuviens vont chercher dans les vallées les plus proches l’énergie hydraulique nécessaire pour fouler leurs draps. La basse vallée de l’Andelle devient dès lors un secteur d’intense activité, très recherché. Au milieu du XVIIIe siècle, pas moins de 9 moulins à foulon sont recensés sur la seule commune de Romilly-sur-Andelle : ce sont les deux moulins de Perpignan, le moulin des Ponts, les deux moulins de Bétille, le grand moulin dit de Hollande, le moulin de Repainville-Ecorcheboeuf et les deux moulins Pouchet (ce hameau de Romilly-sur-Andelle va être pendant plus de trois siècles un haut lieu de foulage des draps). Certains sont bâtis à l’emplacement d’anciens moulins à blé (comme de celui de Bétille), les autres ex-nihilo. Mais tous appartiennent alors à une seule famille : les Lancelevée. Celle-ci s’illustre très tôt dans la pratique du foulage. Son nom apparait dès fin du XVe siècle dans un aveu de 1485 relatif au moulin de Bétille, puis au siècle suivant dans deux aveux de 1507 et 1566 concernant les foulons de Repainville-Ecorcheboeuf et de Perpignan, enfin en 1693 dans un aveu où il est fait mention du moulin des Ponts. C’est à cette époque que les affaires des Lancelevée avec la fabrique d’Elbeuf s’intensifient. Pour preuve, les conflits et autres procès pour malfaçon qui les opposent régulièrement, comme ceux particulièrement bien documentés contre Lemonnier (1684) et contre Thomas Couturier (1692). Le haut niveau d’exigence des drapiers est compréhensible car le foulage est une opération cruciale dans la fabrication des étoffes. C’est elle qui donne au drap sa consistance et sa régularité, sa souplesse et sa solidité. Pour ce faire, le foulonnier imprègne l’étoffe d’une solution alcaline ou savonneuse pour la dégraisser et la dépose dans la cuve du foulon où les pilons actionnés par la force hydraulique la frappent pour resserrer les fils. Il faut 12 à 15 heures pour fouler des draps communs comme ceux d’Elbeuf. Ceux-ci sont acheminés jusqu’aux foulons de Romilly soit par la route, soit par bateau via la Seine jusqu’au au port de Pitres c’est à dire l’embouchure de l’Andelle. En 1700, pour s’assurer l’exclusivité du foulage, le grand fabricant elbeuvien Jean Delarue préfère louer à l’année, pour la somme de 190 livres, le moulin des frères Louis-Nicolas et Michel Lancelevée.

L’importance que revêt cette opération et la demande croissante des drapiers incitent les foulonniers à l’innovation. En 1713, les frères Louis-Nicolas et Michel Lancelevée engagent la somme de 12 000 livres, un investissement considérable, pour édifier à Romilly-sur-Andelle, sur l'emplacement de l’ancien moulin à blé de l’abbaye de Lyre, un moulin à foulon révolutionnaire dit à la façon de Hollande. Cette technique bien connue en Hollande et en Angleterre, reste encore rare en France (le seul en activité est à Abbeville). Contrairement aux moulins ordinaires, ce foulon d’un nouveau type comporte trois roues hydrauliques au lieu d’une : « la première est fort grande et très élevée de sorte que la rivière ne la peut incommoder lorsqu’elle déborde ; la seconde est placée dans le moulin laquelle fait tourner la troisième qui est au second étage de la maison laquelle fait marcher 22 pilons de 19 pieds de haut qui tombent dans 10 piles placées au premier étage et au-dessus de l’inondation de manière que les mouvements de ce moulin ne sont jamais arrêtés par les grosses eaux et par conséquent les draps ne souffrent aucun retardement, ne se refroidissent point dans leur foule et sont hors de danger de bien des défauts causés par les moulins ordinaires… ». De plus, contrairement aux moulins à foulon commun dont les pilons sont couchés et les cuves ouvertes, celui de Hollande est doté de pilons qui frappent verticalement et de cuves bien fermées. Les draps sont ainsi mieux foulés et sans risque de détérioration (déchirures, accrocs…). Bien sûr, cette nouvelle technique augmente le prix du foulage. Le coût par étoffe double passant alors de 3 à 6 livres. Une telle hausse est cependant difficile à faire valoir et les frères Lancelevée peinent à trouver une clientèle. Le moulin est finalement mis en vente en 1717 et acquis la même année pour la somme de 8 000 livres seulement par deux fabricants elbeuviens, Pierre Bourdon et Louis Flavigny. C’est à la même époque, en 1725, que les deux foulons implantés au hameau du Moulin Pouchet et tenus jusqu’alors par Jean-Baptiste Lancelevée sont transmis à Pierre Letourneur.

Si le nombre de foulons reste stationnaire au XVIIIe siècle, leurs exploitants n’ont de cesse d’augmenter leur puissance et leur capacité de production pour faire face à la demande des fabricants drapiers. Se procurer une chute de plus en plus grande en rehaussant l’eau de l’Andelle au-dessus de son cours, au risque de provoquer des débordements, est chose courante comme en témoigne la requête adressée en 1757 à l’administration royale par le marquis de Pont-Saint-Pierre. Pour endiguer cette anarchie et régler les conflits d’intérêt entre foulonniers, agriculteurs ou simples propriétaires, un arrêt du conseil du Roi portant règlement de l’Andelle (sur les communes de Pont-Saint-Pierre et Romilly-sur-Andelle) est édicté le 11 janvier 1757. Ce document est le premier acte qui réglemente l’utilisation de l’eau pour la rivière de l’Andelle.

Le 4 septembre 1781, la vente des propriétés Lancelevée (les moulins de Perpignan et des Ponts) à Michel Louis Le Camus de Limare, pour son projet de fonderie de cuivre, met fin à l’activité de foulage sur cette portion de rivière à Romilly. Mais elle perdure au hameau du Moulin Pouchet (avec 3 moulins à foulon, celui de M. Letourneur et ceux des frères Chardon) et se déplace en amont de la vallée sur la commune de Pont-Saint-Pierre (moulin du Barbeau, moulins de M. Mignot), sur celle de Douville-sur-Andelle (moulin de Bacqueville) et sur celle de Charleval (moulin de la famille Flavigny des Andelys, moulin de M. Templier). Ainsi malgré la disparition des quatre sites de Romilly remplacés par des ateliers métallurgiques, dix moulins à foulon sont en activité entre Charleval et Romilly-sur-Andelle, au début du XIXe siècle. En 1833, le hameau du Moulin Pouchet compte quatre foulons, appartenant à Ambroise Chardon, Jacques Letourneur, M. Decordes et Nicolas Lequeu qui n’en assurent pas forcément l’exploitation.

La mécanisation du foulage au milieu du XIXe siècle, avec l’introduction de fouleuse à cylindres et de dégraisseuses mécaniques, va modifier le système de production : les pilons sont remplacés par des mécaniques à fouler et l’énergie hydraulique est progressivement remplacée par l’énergie thermique. Ces transformations n’entrainent cependant ni concentration ni délocalisation de l’activité. Le nombre de sites de production reste stable et leur implantation peu ou prou la même car l’eau de la rivière est toujours nécessaire notamment pour le dégraissage des étoffes. Dans la plupart des cas, les moulins existants font l’objet de lourds investissements et sont transformés en usines à foulon appelées encore fouleries. En 1860, elles sont au nombre de 11 entre Charleval et Romilly-sur-Andelle et totalisent 64 fouleuses mécaniques et 45 machines à dégraisser. L’activité disparait définitivement à la fin du XIXe siècle et les fouleries sont reconverties à d’autres activité textiles : c’est le cas des établissements du hameau du Moulin Pouchet à Romilly-sur-Andelle transformés dans les années 1890 en usine de lavage et effilochage de laines ou encore en fabrique de coton hydrophile.

  • Période(s)
    • Principale : 15e siècle , daté par travaux historiques
    • Principale : 16e siècle , daté par travaux historiques
    • Principale : 17e siècle , daté par travaux historiques
    • Principale : 18e siècle , daté par travaux historiques
    • Principale : 19e siècle , daté par travaux historiques
  • Auteur(s)
  • Toits
  • Décompte des œuvres
    • repérées 11

Documents d'archives

  • AD Eure. Série S. Sous-série 18 S : 18 S 58. Cours d'eau et usines hydrauliques. Rivière de l'Andelle. Pont-Saint-Pierre.

    Plainte du Marquis de Pont-Saint-Pierre, 11 janvier 1757.
  • AD Eure. Série S. Sous-Série 18 S : 18 S 7. Police des Eaux, affaires générales, Andelle (Charleval, Douville, Fleury, Perriers).

    Arrêt du Conseil d’Etat du Roi, 11 janvier 1757.
  • AD Eure. Série S. Sous-Série 18 S : 18 S 7. Police des Eaux, affaires générales, Andelle (Charleval, Douville, Fleury, Perriers).

    Enquête de Costard du Mesnil 1808-1809.
  • Archives de l’Armée. Vincennes. Rapport du Capitaine Morin sur la Reconnaissance d’itinéraire (routier) de Rouen à Paris, 1825.

    Description technique du moulin à foulon

Bibliographie

  • AN Paris. F12 1365. Industrie textile. Étoffes de laine, draperie. 1665-an XII [septembre 1803-septembre 1804].

    Mémoire à l’Intendant Desmaret sur l’utilité d’installer des moulins à foulon à la façon de Hollande, 9 février 1714.
  • PASSY, Louis. Rapport sur le progrès de l'Agriculture et de l'Industrie dans l'arrondissement des Andelys. 1862.

    p. 69
  • DUCHEMIN, Pierre. La baronnie de Pont-Saint-Pierre. Gisors : Imprimerie typographique de "l'Echo républicain", 1894. 269 p.

    Chapitre VI
  • LECOEUR, Eric. Moulins et usines de la vallée de l'Andelle : recherches d'histoire et d’archéologie industrielle, 1780-1880. Thèse sous la dir de Jean-Pierre Chaline. Université de Rouen, 1989.

    p. 198 à 203
  • BECCHIA, Alain (dir). La draperie d'Elbeuf (des origine à 1870). PUR : Rennes, 2004. 544 p.

    p. 87 à 90

Périodiques

  • VIDALENC, Jean. Quelques témoignages sur les Pays de la forêt de Lyons et de la vallée de l’Andelle dans la première moitié du 19e siècle. Etudes Normandes, n° 2, 1980.

    p. 56
  • AZEMA, Jean-Pierre Henri. Le moulin à foulon, premier moulin de l’industrie textile lainière. Le monde des moulins, n°20, avril 2007, p. 14-17.

Documents figurés

  • AD Seine-Maritime. Série 12 Fi : 12 Fi 179. Documents figurés.

    Plan de la rivière Andelle de Pitres à Douville. 1725.

Annexes

  • Détail des sources
Date(s) d'enquête : 2016; Date(s) de rédaction : 2019
(c) Région Normandie - Inventaire général
Real Emmanuelle
Real Emmanuelle

Chargée de recherches à l'Inventaire général du patrimoine culturel de Haute-Normandie, puis de Normandie, depuis 1992. Spécialité : patrimoine industriel.

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