Dossier d’œuvre architecture IA61001398 | Réalisé par
Allavena Stéphane
Allavena Stéphane

Chercheur (Conservateur du patrimoine) à l'Inventaire général du patrimoine culturel de Basse-Normandie de 2005 à 2012, en charge de l'étude sur la ville de Cherbourg-Octeville (Manche).

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  • opération ponctuelle, bibliothèque d'Alençon
église de jésuites, puis école centrale du département, puis bibliothèque municipale d'Alençon, actuellement médiathèque Aveline
Œuvre étudiée
Auteur
Copyright
  • (c) Région Normandie - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Alençon - Alençon
  • Commune Alençon
  • Adresse Cour Carrée de la Dentelle
  • Cadastre 2020 AH 123, 560
  • Dénominations
    église, école, bibliothèque
  • Genre
    de clercs réguliers de la compagnie de Jésus
  • Précision dénomination
    médiathèque

La bibliothèque d’Alençon a ouvert ses portes en 1803 dans l'église du collège des jésuites. A l'exception d’un modeste corps de logis qui jouxte la partie méridionale de l’église, ce dernier a entièrement disparu. L'église, dont la distribution et l’environnement ont été transformés depuis la Révolution, fait aujourd’hui partie d’un vaste ensemble à vocation culturelle dit « îlot Aveline », que délimitent la rue du Collège, la rue Jullien et la rue de Bretagne. Les bâtiments qui le composent accueillent le musée des Beaux-arts et de la dentelle (1981), la médiathèque (1983), l’atelier national du point d’Alençon (1987), les archives municipales (1989), l’auditorium (1994) et l’école nationale de musique (2001).

La salle de lecture du second niveau. Détail : étagère - bibliothèque.La salle de lecture du second niveau. Détail : étagère - bibliothèque.

Les qualités architecturales de l’édifice, le raffinement du décor rapporté et la richesse exceptionnelle du patrimoine écrit font de la bibliothèque un édifice remarquable, tant sur le plan artistique que sur le plan historique. Ce monument est un des rares témoignages de l’architecture baroque dans l’ouest du royaume. La bibliothèque conserve une partie du décor intérieur de l'église des jésuites, dont la construction, initiée en 1679, s'est achevée en 1708, ainsi que de remarquables boiseries datées du XVIIIe siècle, provenant de la chartreuse du Val-Dieu, dans le Perche.

Le fonds ancien des collections est constitué de précieux ouvrages issus du collège des jésuites et des bibliothèques des grandes abbayes voisines (Saint-Evroult, le Val-Dieu, La Trappe, Saint-Martin de Sées).

Inscrite au titre des Monuments historiques en 1926, l'église des jésuites a fait l'objet en 2003-2004 d'un programme de restauration portant sur le gros œuvre et sur l'ensemble des éléments intérieurs. Les salles du rez-de-chaussée et du premier étage ont été équipées d'un mobilier contemporain. La « nouvelle » bibliothèque a été officiellement inaugurée le 16 avril 2005.

La salle de lecture du second niveau.La salle de lecture du second niveau.

Par lettres patentes du 15 mai 1620, le roi Louis XIII autorise les jésuites à fonder u collège à Alençon. Les religieux s'installent dans la cité trois ans plus tard, où ils ouvrent trois classes de grammaire dans le quartier des Etaux, rue du Château. De nouvelles classes (humanités et rhétorique) sont ouvertes dans les années suivantes. Accueillant des élèves de plus en plus nombreux (507 sont recensés en 1626), la communauté manifeste en 1637 le souhait d'agrandir ses bâtiments. Accédant à cette requête, le roi fait don aux jésuites du petit parc de l'ancien château ds ducs d'Alençon, où ils pourront "faire bastir et édifier leur église, collège, logement et autres bastimens". Au terme de plusieurs contestations et revendications (dont celle du marquis de Rânes, qui met en avant les droits d'usage dont il jouit sur le petit parc en tant que gouverneur du château), leur installation ne devient effective qu'en 1675. La construction de l'église est engagée à partir de 1679, sur l'initiative du père Antoine de La Bretonnière : cette même année, les religieux acquièrent trois maisons situées rue du Marché aux Porcs, qu'ils font détruire pour y aménager un lieu de culte. La première pierre est posée par Isabelle d'Orléans, duchesse d'Alençon, quatrième fille de Gaston d'Orléans. Le gros oeuvre est achevé en 1686 mais les travaux secondaires tardent davantage, notamment la toiture qui, d'après les livres de comptes, ne semble toujours pas entièrement terminée en 1708 comme en témoigne ce commentaire au ton légèrement désabusé : "on commence à voir, qu'à moins de travailler chaque année à la couverture de l'église, ce qu'on ne faisait pas, la charpente, à la fin, se pourrira".

En 1762, les jésuites font l'objet d'un arrêté d'expulsion rendu par le Parlement de Rouen. L'église, affectée au culte jusqu'en 1792, est transformée en Temple de la Raison en 1793. En 1799, Jean Delarue, architecte départemental, se rend adjudicataire de travaux destinés à modifier l'intérieur de l'édifice, qu'il coupe horizontalement en deux parties - le rez de chaussée devenant salle "d'exercices publics", où sont organisés conférences, lectures et bals, le premier étage étant aménagé en salle de dessin puis en bibliothèque ; il adapte au lieu les boiseries provenant de la chartreuse du Val-Dieu, dans le Perche, et fait percer six lucarnes dans la toiture pour distribuer une lumière abondante. Le 25 janvier 1803, la bibliothèque acquiert le statut de bibliothèque communale. Au cours de la seconde moitié du 19e siècle, les autorités municipales achètent le rez-de-chaussée de l'église, puis le premier étage. L’architecte Cartel installe un nouvel escalier dans le chevet en 1875.

A la fin du 19e siècle, la bibliothèque acquiert l'aspect que nous lui connaissons aujourd'hui. Ce monument, dont les lignes ondulées et le profil galbé s'écartent des préceptes établis par la toute jeune Académie Royale d'Architecture fondée par Colbert en 1671, est un des rares témoignages de l'architecture baroque dans l'ouest du royaume.

En empruntant la rue du Collège, ancienne rue du Marché-aux-Porcs, on débouche directement sur le parvis de l’église, dont la façade est orientée à l’est. Le premier et le second niveau sont réunis par des pilastres monumentaux. L’avant-corps, au profil convexe, reçoit une porte à deux vantaux ornée des armes de la ville d’Alençon (d’azur à un aigle à deux têtes d’or) et des initiales de la compagnie de Jésus (IS). Les bas-côtés, de forme concave, présentent des murs aveugles. Ils sont surmontés, ainsi que le porche central, d’un entablement aux lignes ondulées orné de quatre pots à feu. Un toit à l’impériale en ardoise, coiffé d’une lanterne octogonale pourvue d’un clocheton en zinc, couronne l’ensemble. Les pilastres et l’entablement sont traités en granit apparent, les parois murales sont recouvertes d’enduit.

Malgré sa très grande sobriété, le style de la façade tranche avec la sévérité d’autres églises jésuites, comme Notre-Dame de la Gloriette à Caen. Ici, la dichotomie traditionnelle établie par les architectes de la Contre-Réforme et leur goût pour des formes rectilignes cèdent la place à une conception plastique beaucoup plus mouvementée, caractérisée par la présence de courbes et de contre-courbes associées à un puissant élan vertical apporté par les pilastres. Ces effets, plutôt rares à l’ouest du royaume, ne sont pas sans rappeler les audaces du baroque italien.

Les longs-côtés de l’église sont bordés au nord par un passage donnant accès à la rue Jullien, au sud par une avant-cour. Les murs sont percés de baies cintrées, qui ont été bouchées lors des travaux de réaménagement. Le chevet de l’église, orienté à l’ouest, encastré dans les murailles abattues dans le troisième quart du 18e siècle, a une forme polygonale. Trois de ses pans sont encore visibles, les autres sont imbriqués dans l’aile construite en 1829.

On accède à la bibliothèque par le chevet de l’église, dont la disposition et la décoration intérieure ont été radicalement transformées par Jean Delarue en 1799. Soucieux de donner à l’édifice une vocation clairement républicaine, l’architecte a établi dans le volume de la nef deux nouveaux espaces séparés par un plancher : une salle d’exercices publics au rez-de-chaussée, une bibliothèque au premier étage.

La salle du rez-de-chaussée, qui porte aujourd’hui le nom de « salle du collège », comprend deux rangées de cinq colonnes d’ordre toscan, en stuc et faux marbre, qui délimitent une contre-allée où sont classés environ 16 000 livres anciens. Entre les colonnes, des étagères ont été installées dès 1905 pour contenir l’accroissement du patrimoine écrit ; elles accueillent les grands formats des collections anciennes en partie haute, les livres en libre accès en partie basse. A gauche de l’escalier, se trouve la collection d’ouvrages rassemblés par Raymond Lhoste sur le jeu d’échecs. Le fonds régional normand est classé à droite. Deux niches sont disposées de part et d’autre du départ de l’escalier : celle de gauche abrite un moulage en plâtre de la Diane de Gabies (marbre antique conservé au musée du Louvre), celle de droite un plâtre d’exécution intitulé la Bouquetière, de Frédéric-Etienne Leroux (1836-1906), dont le marbre est conservé au musée de Lille.

L’escalier d’honneur, qui se déploie dans l’ancien chœur, date de 1875. Il remplace « un petit escalier tournant étroit et obscur », qui avait été aménagé à droite de la façade principale. Quatre volées aboutissent à un premier repos, d’où partent deux autres volées latérales garnies de balustres menant à un palier monumental. Tout autour, le décor de faux marbre rouge et beige, les pilastres noirs et les colonnes corinthiennes sont les seuls éléments qui subsistent du décor initial de l’église. Les stucs surmontant les encadrements de certaines fenêtres, ainsi que le tableau en grisaille datent du début du 19e siècle. La baie centrale, qui donnait autrefois sur le jardin botanique, est encadrée par deux colonnes de marbre noir de Laval aux chapiteaux blancs. Son intrados est orné d’une tête d’Apollon rayonnant. Les bas-reliefs en chêne figurant les quatre Evangélistes (16e siècle) que l’on découvre en empruntant l’escalier, proviennent de l’ancien couvent des capucins d’Alençon. Chaque apôtre est représenté en pied, accompagné de son attribut : saint Mathieu et l’ange, saint Marc et le lion, saint Luc et le bœuf, saint Jean et l’aigle.

Le premier étage, dit « salle de la chapelle », est occupé par deux salons de forme octogonale - celui reliant l’ancienne bibliothèque à la médiathèque abrite un buste en marbre de Léon de La Sicotière (1812-1895), réalisé par Denys Puech (1854-1942) en 1900 -, un grand vaisseau central, puis un petit salon aux boiseries cintrées. Le vaisseau central, entièrement parqueté au point de Hongrie, est l’œuvre de l’architecte Jean Delarue. Hormis la mise en place d’un mobilier contemporain, il n’a pas subi de transformations sa création en 1799. Il abrite 26 armoires en chêne sculpté (milieu du 18e siècle) provenant de la chartreuse du Val-Dieu (les soubassements sur lesquels elles reposent ont été installés au 19e siècle). Deux d’entre elles servent de linteaux aux deux salons, les 24 autres contiennent 14 000 ouvrages patrimoniaux. Chaque armoire est ornée d’une baie en anse de panier, dont l’encadrement est soigneusement mouluré. Des cartouches fleuronnés encadrés de feuilles d’acanthes, typiques du style rococo, couronnent le sommet des arcs. L'entablement à balustrades qui court au-dessus des travées est garni d’une frise composée d’une succession de guirlandes et de médaillons, séparés par des consoles en volute. Le vocabulaire ornemental (couronnes de lauriers, rubans et festons), de style néoclassique, laisse supposer que cette partie a été établie postérieurement, lors des travaux d’aménagement au 19e siècle. Les médaillons de la frise évoquent la mémoire d’illustres Ornais. Une voûte en châtaignier en forme de carène couvre la salle, dont les extrémités occidentales et orientales sont précédées par quatre colonnes en marbre rouge provenant de la chartreuse du Val-Dieu.

Le petit cabinet abrite un imposant meuble-coffre réalisé en 1822 par l’ébéniste local Houel, d’après les dessins de l’ingénieur-géographe Edme-François Jomard (1798-1862). Ce meuble en chêne plaqué d’acajou, doté de sept larges tiroirs, d'un casier pour les 21 volumes de texte et d'un pupitre pour déployer les 14 volumes de planches figurant paysages, monuments antiques et cartes, contient la magistrale Description de l'Egypte. Les murs du petit cabinet sont ornés de deux angelots en stuc du début du 19e siècle symbolisant l’Automne et l’Hiver.

  • Murs
    • calcaire moellon enduit
    • granite
  • Toits
    ardoise
  • Plans
    plan allongé
  • Étages
    rez-de-chaussée, 1 étage carré
  • Couvrements
    • voûte en berceau
  • Élévations extérieures
    élévation ordonnancée
  • Couvertures
    • toit à l'impériale
  • Escaliers
    • escalier intérieur : escalier de type complexe en charpente
  • État de conservation
    restauré
  • Statut de la propriété
    propriété de la commune
  • Protections
    inscrit MH, 1926/10/22
  • Référence MH

Bibliographie

  • ALLAVENA, Stéphane, CHAMPION, Alain, PIONCHON, Catherine, CORBIERRE, Pascal. La bibliothèque d'Alençon - Orne. Cabourg : Les cahiers du Temps, 2006. (Itinéraires du patrimoine ; n° 289).

  • BARC, Annick, BONNET, Nathalie. Patrimoine des bibliothèques de France. Vol. IX : Basse-Normandie, Haute-Normandie. Paris : Payot, 1995.

  • COUVRAT, Nathalie. Richesses de la bibliothèque d’Alençon, exposition, Alençon, 1998.

  • DESMEULLES, Paule. Le collège des jésuites à Alençon. Thèse de doctorat, Paris, 1933.

  • OMONT, Henri. Catalogue des manuscrits de la bibliothèque d'Alençon, 1887.

  • POLAIN, Louis. Catalogue de la bibliothèque de M. Léon de la Sicotière, 1902.

  • RICHARD, Edmond. Catalogue de la bibliothèque de la ville d’Alençon, 1904-1905.

  • A. Poulet-Malassis. Catalogue de l'exposition organisée à la bibliothèque municipale d'Alençon pour le centième anniversaire de l'édition des Fleurs du Mal, Alençon, octobre 1957.

Périodiques

  • BESNARD, Félix, DUVAL, Frédéric. Les boiseries de la bibliothèque d’Alençon. Bulletin de la Société Historique et Archéologique de l’Orne, 1908.

  • DESFORGES, Jean-David. L'église Saint-Joseph des jésuites d'Alençon. Société historique et archéologique de l'Orne, mars-juin 2005.

Date(s) d'enquête : 2006; Date(s) de rédaction : 2012
(c) Région Normandie - Inventaire général
Allavena Stéphane
Allavena Stéphane

Chercheur (Conservateur du patrimoine) à l'Inventaire général du patrimoine culturel de Basse-Normandie de 2005 à 2012, en charge de l'étude sur la ville de Cherbourg-Octeville (Manche).

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