Dossier d’œuvre objet IM14006250 | Réalisé par
Billat Hélène (Contributeur)
Billat Hélène

Chercheuse à l'inventaire général du patrimoine culturel de Basse-Normandie puis de Normandie depuis 2013 : architecture civile et religieuse, patrimoine rural, objets mobiliers civils et religieux étudiés dans le cadre d'inventaires topographiques et ponctuels. Suivi scientifique de l'étude du patrimoine bâti du Parc naturel régional du Perche.

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  • opération ponctuelle, Abbaye aux Dames de Caen
Œuvre étudiée
Auteur
Copyright
  • (c) Région Normandie - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Caen - Caen-6
  • Commune Caen
  • Adresse place Reine Mathilde
  • Emplacement dans l'édifice bureau du Président, 1er étage, aile ouest

Lorsque Philippe Deshayes peint l'abbaye aux Dames en 1807, selon la date portée au revers de la toile, le 22e régiment de chasseurs à cheval de l'armée des Côtes de Cherbourg vient de s'installer dans les bâtiments conventuels (décembre 1806), tandis que les jardins sont affermés. Le choix du sujet n'est pas anodin puisqu'à cette époque s'engage une réflexion sur la réaffectation du site fortement malmené par la présence militaire sous la Révolution. Au-delà de son caractère pittoresque et fantaisiste, l’œuvre offre une vue des bâtiments avant l'installation du dépôt de mendicité (1809-1812) puis de l'Hôtel-Dieu qui provoquera la destruction de la porterie et des bâtiments attenants en 1823. Inédite de par l'angle choisi, cette vue se distingue au sein du corpus iconographique connu du site monastique. Avec la vue cavalière de François-Philippe Charpentier (1774), elle est l'une des rares vues d'ensemble, les artistes privilégiant un bâtiment, le plus souvent l'église abbatiale et dans une moindre mesure la porterie avec ou sans ses bâtiments adjacents.

A partir d'un point imaginaire, qui place le regard à hauteur de l'enceinte monastique, Deshayes offre une vue perspective du site depuis le sud, au-delà du faubourg de Calix et de l'Orne qui coule à ses pieds, où s'étendent les prairies Saint-Gilles propriété de l'abbaye avant la Révolution. La distance instaurée par le regard du peintre rend moins perceptible la position dominante de cet ensemble monastique implanté sur un promontoire rocheux. inséré dans l'espace contraint de la toile, il dévoile ses bâtiments sous l'angle le plus avantageux, de l'entrée médiévale à l'extrémité de l'aile sud, bordés par un grand ciel nuageux et la prairie au premier plan. Baigné par une lumière douce, le paysage construit montre un environnement bucolique magnifié à l'écart du centre urbain. Il ne s'agit pas ici d'une retranscription topographique exacte mais d'une interprétation pittoresque où les figures des pâtres et des tailleurs pierre, plantées d'une manière incongrues au premier plan, renvoient à un passé révolu. Le langage classique de Deshayes renforce la vision idéalisée des lieux, éloignée de la réalité historique, qui contribue cependant à forger l'identité religieuse et architecturale de la cité et plaît aux antiquaires.

Comme l'indique l'inscription portée au revers de la toile, le tableau a fait partie de la collection de Pierre-Aimé Lair (1769, Caen -1853, id.) qui a contribué à la fondation de la Société des antiquaires de Normandie. Cet érudit, élu maire de la ville de Caen en 1810 et conseiller de préfecture de 1811 à 1851, a favorisé les arts en achetant des œuvres aux artistes implantés localement. Il s'attache à les faire connaître en organisant, au titre de secrétaire perpétuel de la Société d'agriculture et de commerce, des "expositions publiques des produits des arts du département du Calvados". Aux côtés de Robert Lefèvre (1755-1830), François-PIerre Fleuriau (1764-1810) et d'autres, Deshayes participe dès l'an IX (1803) à la première exposition où il expose jusque sous la monarchie de Juillet. Le rapport de l'exposition de 1834 ne tarit pas d'éloges sur deux tableaux qu'il présente montrant combien il sait "donner de vérité aux paysages par la perspective linéaire et par la perspective aérienne. Ses lointains sont vaporeux, ses ciels naturels ; et ils peuvent être jugés sciemment, car ils ont été pris dans l'état ordinaire de la nature."

Le choix du sujet montre que l'artiste partageait avec Lair un intérêt pour le patrimoine normand, en particulier de la ville de Caen dont l'érudit fut un ardent défenseur et promoteur. Deshayes entend jouer un rôle dans ce domaine. Il s'implique dans la fondation de la Société des antiquaires de Normandie, en 1824, et publie dans les Mémoires deux articles sur des édifices calvadosiens, le prieuré de Saint-Gabriel (Saint-Gabriel-Brécy) et l'église Notre-Dame du Fresne-Camilly. En 1811, il candidate, sans succès, au poste de conservateur du musée de Caen. Si on ignore précisément à quelle date le tableau de 1807 est entré dans la collection de Lair, on peu supposer, du fait des liens entre les deux hommes, qu'il ait été acquis bien avant son pendant, réalisé en 1834 par Auguste Bonnel (ca. 1767-1838), qui représente le même monument emblématique de la ville sous l'Empire (Hôpital général de Caen, vue prise de l'intérieur du parc). La bibliothèque de Caen conserve un dessin à la mine de plomb (FNI C 694) que le Baron R. Delisle a réalisé en septembre 1812 d'après le tableau Deshayes avec quelques variantes.

Les deux tableaux, au format très proche, possèdent un cadre identique, sans doute réalisé à la demande de Lair lors de l'acquisition du tableau de Bonnel en 1834, qui constitue une preuve tangible de leur même provenance, bien que l'inscription portée au revers de la toile de Bonnel ne mentionne pas la propriété de Lair. Deshayes, comme son jeune confrère Bonnel, appartient au cercle artistique et érudit de cette personnalité incontournable de la bourgeoisie caennaise que fut Lair dans la première moitié du 19e siècle.

Le tableau (Inv. 1245) a été acquis par la Région Basse-Normandie le 24 février 1992 auprès de Henri Métais, expert d'art agréé (Rouen) pour un montant de 35 000 francs (5 335 euros) en même temps que le tableau d'Auguste Bonnel vendu en pendant. Le statut juridique de l’œuvre, comme celle de Bonnel, doit être clarifié.

  • Période(s)
    • Principale : 1er quart 19e siècle
  • Dates
    • 1807, porte la date
  • Lieu d'exécution
    Commune : Caen
  • Auteur(s)
    • Auteur :
      Deshayes Philippe
      Deshayes Philippe

      Né à Cadix (Andalousie) le 1er mai 1776, Phillipe Deshayes suit l'enseignement de peinture à l'Académie de Séville. A Caen, il mène une carrière de professeur de dessin et prend une part active à la fondation de la Société des antiquaires de Normandie en 1824. A cet égard, il publie au tome I des Mémoires un article sur le prieuré de Saint-Gabriel (Saint-Gabriel-Brécy, Calvados) et un autre sur l'église Notre-Dame du Fresne-Camilly (Calvados). En 1811, il candidate au poste de conservateur du musée de Caen. Son œuvre reflète son intérêt pour les monuments emblématiques du patrimoine normand autour desquels se mobilisent les érudits. Elle est diffusée par la lithographie qui se développe à Caen dès 1818 à l'instigation de Benard et de l'ingénieur Pattu. Deshayes décède à Caen le 5 septembre 1849. D'après les rapports d'exposition, il résidait rue de la Poste à Caen.

      Sources :

      -SOCIÉTÉ ROYALE D'AGRICULTURE ET DE COMMERCE DE CAEN. Cinquième exposition publique des produits des arts du département du Calvados : séance publique tenue par la Société royale d'agriculture et de commerce de Caen, le mardi 29 avril 1834, pour la distribution des prix d'encouragement. Caen : A. Le Roy, 1834, p. 99-100, 110.

      -SOCIÉTÉ ROYALE D'AGRICULTURE ET DE COMMERCE DE CAEN. 5e exposition. Catalogue des produits des arts du département du Calvados qui seront exposés à l'Hôtel-de-Ville de Caen, depuis le 13 jusqu'au 27 avril. Caen : A. Le Roy imprimeur-libraire, 1834, p. 14.

      -MARCHETEAU DE QUINÇAY, Christophe. Monumental, pittoresque et romantique : Caen vu par les artistes au XIXe siècle. In [Exposition. Caen, Musée de Normandie. 2019-2020]. Caen en images : la ville vue par les artistes du XIXe siècle à la Reconstruction. Caen : Musée de Normandie ; Grand : Editions Snoeck, 2019, p. 87, 89.

      -NAVEL, Henri. Procès-verbaux des Séances du 5 janvier au 7 janvier 1934. Séance du vendredi 2 février 1934. Bulletin de la Société des antiquaires de Normandie, 1934, t. 42, p. 315, note biographique.

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      peintre attribution par travaux historiques
    • Personnalité :
      Lair Pierre-Aimé
      Lair Pierre-Aimé

      Né à Caen le 21 mai 1769 de Pierre Étienne Claude Lair et de Marianne Simon, baptisé en la paroisse Saint-Jean. Après des études de médecine pour échapper à la conscription et un voyage à travers l'Europe, Noël-Pierre-Aimé Lair revient en France en 1799 pour se fixer à Caen (2 rue du Pont-Saint-Jacques) où il se consacre à ses concitoyens, fondant de nombreux établissements philanthropiques dans des domaines aussi variés que l'économie, la science et la culture. Il prend une part active dans la création de sociétés savantes telles que la Société Linnéenne (1823) et la Société des Antiquaires de Normandie (1824). Infatigable promoteur de sa ville natale et du progrès, il occupe les postes d'adjoint au maire en 1810 et de conseiller en préfecture de 1811 à 1851. Il développe un mécénat actif, acquérant nombre d’œuvres d'artistes locaux qu'il expose régulièrement. Il constitue au fil du temps une collection exceptionnelle témoignant de la création artistique normande depuis le 18e siècle. Il est décoré de la Légion d'honneur le 30 avril 1831. A sa mort, survenue le 2 janvier 1853, il lègue une grande partie de ses dessins et gravures à la bibliothèque municipale, d'autres œuvres graphiques et peintes au musée de Caen qui ont en grande partie a disparu dans les bombardements de 1944.

      Un buste sculpté par Étienne Marin Mélingue (1807-1875) est érigé en son honneur à Caen en 1859.

      La rue, anciennement des Quatre-Vents, a été rebaptisée du nom de Pierre-Aimé Lair en 1907.

      Sources :

      -MANCEL, Georges. Séance d'inauguration du buste érigé à la mémoire de Pierre-Aimé Lair. Notice biographique lue au nom de la commission chargée de recueillir les souscriptions pour l'érection de ce buste... Caen : Eugène Poisson, 1859. (Gallica).

      -MARCHETEAU DE QUINÇAY, Christophe. Monumental, pittoresque et romantique : Caen vu par les artistes au XIXe siècle. In [Exposition. Caen, Musée de Normandie. 2019-2020]. Caen en images : la ville vue par les artistes du XIXe siècle à la Reconstruction. Caen : Musée de Normandie ; Grand : Editions Snoeck, 2019, p. 86-87.

      -sites internet consultés le 3 novembre 2020 :

      Ministère de la Culture, ANF, base Léonore, http://www2.culture.gouv.fr/public/mistral/leonore_fr?ACTION=CHERCHER&FIELD_1=COTE&VALUE_1=LH%2F1446%2F55

      Cadomus, http://www.cadomus.org/forum/viewtopic.php?p=3600

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      commanditaire, personnage célèbre attribution par source

La toile est tendue sur un châssis dépourvu de clefs fixé au cadre par des clous.

  • Catégories
    peinture
  • Structures
    • support, rectangulaire horizontal
  • Matériaux
    • toile, support peinture à l'huile
    • bois, doré, cadre totalement mouluré
  • Mesures
    • h : 46,4 centimètre (sans le cadre)
    • la : 62 centimètre (sans le cadre)
    • h : 54,4 centimètre (avec le cadre)
    • la : 69,9 centimètre (avec le cadre)
  • Iconographies
    • paysage
  • Précision représentations

    Des prairies Saint-Gilles qui s'étendaient en contrebas du faubourg de Calix, de part et d'autre de l'Orne, l'ancienne abbaye aux Dames présente des bâtiments de différentes époques : les bâtiments médiévaux de l'entrée - la porte, le logis abbatial et le donjon - se détachent en avant du flanc sud-ouest de l'église romane cernée par les façades classiques des bâtiments conventuels du 18e siècle qui dominent les maisons du faubourg de Calix et les prairies. Au premier plan, des tailleurs de pierre et des pâtres rappellent, sur le mode anecdotique, deux activités florissantes du secteur riche en carrières.

  • Inscriptions & marques
    • inscription concernant l'iconographie, sur cartel, sur l'oeuvre
    • inscription concernant l'auteur, sur cartel, sur l'oeuvre
    • date, sur l'oeuvre
  • Précision inscriptions

    Inscriptions concernant l'iconographie et l'auteur sur cartel : Abbaye aux Dames par Deshayes né à Cadix en 1776 élève à l'Académie de Séville.

    Inscriptions concernant l'iconographie, l'auteur et la date peintes au revers de la toile à l'époque du dépôt de mendicité (1809-1812) : Vue / de l'ancienne Abbaye aux Dames / actuellement dépôt de mendicité / peint en 1807 par Philippe Deshayes né à Cadix le 1er mai 1776 / & élève de l'Académie de Séville / Ce tableau appartient à Mr Pierre Lair conseiller de Préfecture.

  • État de conservation
    • bon état
  • Précision état de conservation

    État en 2014 : couche picturale parcourue par un fin réseau de craquelures et recouverte par un verni épais. Les marques du châssis sont visibles sur l'avers de la toile. Le châssis en bois comporte des trous d'envol anciens. Le cadre a été redoré (peint faux or?). Les conditions de conservation apparaissent trop chaudes et sèches.

  • Intérêt de l'œuvre
    À signaler

Bibliographie

  • LAIR, Pierre-Aimé. Rapport sur l'exposition publique des produits des arts du département du Calvados, en l'an XI. Caen : F. Poisson, an XI-1803. [gallica]

    p. 28
  • MARCHETEAU DE QUINÇAY, Christophe. Monumental, pittoresque et romantique : Caen vu par les artistes au XIXe siècle. In [Exposition. Caen, Musée de Normandie. 2019-2020]. Caen en images : la ville vue par les artistes du XIXe siècle à la Reconstruction. Caen : Musée de Normandie ; Gand : Editions Snoeck, 2019.

    Région Basse-Normandie - Inventaire général du patrimoine culturel, Caen
    p. 87-89, 188.
  • SOCIÉTÉ ROYALE D'AGRICULTURE ET DE COMMERCE DE CAEN. 5e exposition. Catalogue des produits des arts du département du Calvados qui seront exposés à l'Hôtel-de-Ville de Caen, depuis le 13 jusqu'au 27 avril. Caen : A. Le Roy imprimeur-libraire, 1834. [https://books.google]

    p. 14, n°117
  • SOCIÉTÉ ROYALE D’AGRICULTURE ET DE COMMERCE DE CAEN. Cinquième exposition publique des produits des arts du département du Calvados : séance publique tenue par la Société royale d'agriculture et de commerce de Caen, le mardi 29 avril 1834, pour la distribution des prix d'encouragement. Caen : Imprimerie A. Le Roy, 1834. [Gallica]

    Bibliothèque nationale de France
    p. 99-100, 110

Périodiques

  • NAVEL, Henri. Procès-verbaux des Séances du 5 janvier au 7 janvier 1934. Séance du vendredi 2 février 1934. Bulletin de la Société des antiquaires de Normandie, 1934, t. 42. [gallica].

    p. 315, note
  • JUHEL, Vincent. Commémorer, sauvegarder, transmettre : l'œuvre de mémoire du caennais Pierre-Aimé Lair (1769-1853). In CONGRES DES SOCIETES HISTORIQUES ET ARCHEOLGIQUES DE NORMANDIE (46 ; 2011 ; Condé-sur-Noireau). Commémorer en Normandie. Textes recueillis et publiés par Bernard Bodinier. Louviers : Fédération des sociétés historiques et archéologiques de Normandie, 2012.

    Région Basse-Normandie - Inventaire général du patrimoine culturel, Caen
    p. 69-74

Annexes

  • Information concernant l'expert Henri Métais
Date(s) d'enquête : 2013; Date(s) de rédaction : 2014
(c) Région Normandie - Inventaire général
Billat Hélène
Billat Hélène

Chercheuse à l'inventaire général du patrimoine culturel de Basse-Normandie puis de Normandie depuis 2013 : architecture civile et religieuse, patrimoine rural, objets mobiliers civils et religieux étudiés dans le cadre d'inventaires topographiques et ponctuels. Suivi scientifique de l'étude du patrimoine bâti du Parc naturel régional du Perche.

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