Dossier d’œuvre objet IM14006237 | Réalisé par
Billat Hélène (Contributeur)
Billat Hélène

Chercheuse à l'inventaire général du patrimoine culturel de Basse-Normandie puis de Normandie depuis 2013 : architecture civile et religieuse, patrimoine rural, objets mobiliers civils et religieux étudiés dans le cadre d'inventaires topographiques et ponctuels. Suivi scientifique de l'étude du patrimoine bâti du Parc naturel régional du Perche.

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  • opération ponctuelle, Abbaye aux Dames de Caen
Œuvre étudiée
Auteur
Copyright
  • (c) Région Normandie - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Caen - Caen-6
  • Commune Caen
  • Adresse place Reine Mathilde
  • Emplacement dans l'édifice rez-de-chaussée de l'aile ouest du cloître, escalier d'honneur

il est traditionnellement admis que les deux tableaux, en pendant, de Jésus chez Marthe et Marie et de la Samaritaine au puits ont été commandés par les religieuses de la Trinité de Caen pour orner leur réfectoire. Légèrement diminués dans leurs dimensions, suite à une restauration réalisée au cours du 20e siècle, ils ont perdu toute inscription à l'exception du premier où se lit en bas à senestre la signature de "RETOUT" et la date un peu tronquée de 1720. A l'époque de leur commande, le monastère était dirigé par l'abbesse Gabrielle Françoise de Froulay de Tessé qui s'était engagée à reconstruire les bâtiments conventuels. Les sources n'indiquent pas si les tableaux ont été accrochés dans le nouveau réfectoire (actuellement dénommé salle des abbesses), une fois la moitié septentrionale de l'aile ouest construite durant la seconde phase des travaux qui débute en 1767.

Disparues, les deux inscriptions portées au revers des toiles ont heureusement été relevées par M. Laumonnier en 1893. Celle qui figurait au revers du jésus chez Marthe et Marie spécifiait le commanditaire : "Ces tableaux ont été fait faire par Mme Retout, religieuse de cette maison" identifiée comme étant l'une des sœurs de Jean Restout (1692-1768) et une nièce d'Eustache. Si aucun document d'archives ne précise les circonstances de cette commande, il est en effet fort plausible que Marie-Catherine Restout (1687 - ?), religieuse à la Trinité (?), ait donné au monastère les deux tableaux. L'inscription qui avait été peinte au revers de la Samaritaine au puits renseignait l'auteur et la date : "Ce tableau a été fait par Eustache Restout, chanoine régulier de Prémontrés. 1720".

L'établissement de l'Hôtel-Dieu dans l'ancienne abbaye aux Dames en 1821 engendra le transfert de ces œuvres dans l'église Saint-Michel de Vaucelles (faubourg de Caen) qui dépendait de l'abbaye de la Trinité. Plus d'un siècle après, dans les années 1950, ils furent entreposés dans les réserves du théâtre de Caen avant de rejoindre l'abbaye de Mondaye, après avoir été restaurés par la Ville de Caen dans les années 1960 à l'instigation de l'abbé Lelégard, conservateur des antiquités et objets d'art de la Manche. A la faveur des travaux de réhabilitation des bâtiments monastiques entrepris pour accueillir le conseil régional de Basse-Normandie, les deux tableaux ont retrouvé leur lieu d'origine vers 1990 et ont été accrochés au pied de l'escalier d'honneur.

Selon une pratique courante, Eustache Restout s'inspire d'une estampe de Charles Simonneau, qu'il reproduit fidèlement, avec l'aide plausible de son atelier, mais dans un format horizontal monumental, d'après un tableau d'Annibal Carrache (ca. 1597, Budapest, musée des Beaux-Arts, Inv. n°3823) qui, au 18e siècle (avant 1727), faisait partie des collections de la maison d'Orléans au Palais-Royal après avoir été la propriété de Jean-Baptiste Colbert, marquis de Seignelay (1651-1690), et a été abondamment copié. La description qu'en livre Louis-François Du Bois de Saint Gelais indique que la gravure a été réalisée dans le sens inverse. L'estampe plus tardive (ca. 1786, British Museum, inv. 1855,0609.352) de Robert Delaunay (1749-1814) confirme la source iconographique - les dimensions reportées sur la gravure coïncidant avec celles du tableau de Budapest - que l'on retrouve dans une copie partielle à la sanguine conservée au musée du Louvre (anonyme d'après Annibal Carrache, INV 7543, recto).

  • Période(s)
    • Principale : 1er quart 18e siècle
  • Dates
    • 1720, daté par travaux historiques
  • Auteur(s)
    • Auteur :
      Restout Eustache
      Restout Eustache

      Eustache Restout, oncle de Jean II (1692-1768), est initié à la peinture et à la sculpture par son père, Marc-Antoine Restout (1616-1684), dont il est le deuxième fils, avec son frère aîné Jacques (1653-ca. 1601). Les deux frères poursuivent sans doute leur formation dans l'atelier du peintre rouennais Pierre Le Tellier (1614-ca. 1702). Devenu chanoine prémontré, il exerce ses talents dans les monastères de l'ordre qu'il fréquente, à l'abbaye d'Ardenne (saint-Germain-la-Blanche-Herbe) où il a prononcé ses vœux en 1677 en même temps que son frère Jacques et où il est ordonné prêtre en 1679, à Saint-Jean de Falaise et à l'abbaye de Mondaye dont il fut le sous-prieur (1709) puis le prieur (1722). Vers 1691, les moines de Mondaye le chargent en 1706 de rebâtir l'abbaye et de la décorer, chantier auquel il se consacre jusqu'à sa mort accidentelle survenue en 1743, à Mondaye, en tombant d'un échafaudage. D'après Chennevières, Eustache Restout y développe une véritable école d'artistes, d'architectes, de décorateurs et de peintres. Possédant une solide culture artistique, il réalise avec l'aide de son atelier de nombreuses copies qui contribuent à la diffusion des grands modèles classiques dans les édifices religieux normands. Son œuvre reflète l'histoire du goût au tournant du 18e siècle.

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    • Auteur de la source figurée : peintre attribution par source
    • Auteur de la source figurée :
      Simonneau Charles
      Simonneau Charles

      Charles et son frère puiné Louis (1654-1727) Simonneau forment la première génération d'une dynastie de graveurs originaires d'Orléans, qui mènent une carrière à Paris où ils décèdent. Charles est baptisé le 31 août 1645 en l’église St-Pierre-Ensentelée d’Orléans. Il épouse Marie-Anne Galand le 3 février 1685 dont il aura un enfant, Philippe (1685-1751). Il se forme au dessin dans l'atelier de Noël Coypel et à la gravure dans celui de Guillaume Chasteau (1635-1683) de 1667 à 1671. Il est reçu à l'Académie royale le 28 juin 1710 avec le portrait de l'architecte Jules Hardouin-Mansart d'après François de Roy et rapidement nommé graveur ordinaire du Cabinet du roi. Il produit des gravures très diverses. Aux côtés des portraits d'artistes et d'aristocrates, il réalise des gravures d'après des peintres et des sculpteurs reconnus comme Annibale Carrache (la Samaritaine au puits), Philippe de Champaigne, Charles Le Brun (la Conquête de la Franche-Comté), Michel-ange II Corneille, Pierre-Paul Rubens, Antoine Coypel ou François Girardon mais aussi des vignettes et des frontispices, notamment pour orner les Médailles sur les principaux événements du règne de Louis Le Grand (1702).

      Sources consultées le 6 janvier 2020 :

      -Emile Bellier de La Chavignerie, Louis Auvray, Dictionnaire général des artistes de l'École française depuis l'origine des arts du dessin jusqu'à nos jours : architectes, peintres, sculpteurs, graveurs et lithographes, 1885, II, p. 509. [Gallica]

      -Thierry Depaulis et Françoise Launay, « Louis Jacques Goussier et les Simonneau », Recherches sur Diderot et sur l'Encyclopédie [En ligne], 49 | 2014, document 17, mis en ligne le 10 novembre 2016, consulté le 06 janvier 2021. URL : http://journals.openedition.org/rde/5173 ; DOI : https://doi.org/10.4000/rde.5173

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      graveur
    • Personnalité :
      Restout Marie-Catherine
      Restout Marie-Catherine

      Fille de Jean I Restout (1663-1702) et de Marie-Magdeleine Jouvenet (1655-1698), tous les deux peintres à Rouen, Marie-Catherine a été religieuse, peut-être à l'abbaye de la Trinité de Caen.

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Le support est formé de l'assemblage de quatre lés verticaux. La couche picturale révèle "une touche large et fondue" (Catherine Boulot, 2000, p. 84), une palette colorée, froide et lumineuse.

  • Catégories
    peinture
  • Structures
    • support, rectangulaire horizontal
    • non encadré
  • Matériaux
    • toile, support, en plusieurs lés peinture à l'huile
  • Mesures
    • h : 270,7 centimètre
    • la : 353 centimètre
  • Précision dimensions

    Largeur des quatre lés en partant de la gauche : la = 64 cm ; la = 120 cm ; la = 120 cm ; la = 47,5 cm.

  • Iconographies
    • la Samaritaine au puits, de trois-quarts, figures bibliques, scène biblique, fond de paysage
  • Précision représentations

    Le tableau illustre la fin du récit rapporté par saint Jean (Nouveau Testament, chap. 4, v. 4-29) : la Samaritaine, femme de Samarie, région également convoitée par les juifs, rencontre Jésus qui lui révèle sa vraie nature, messianique. Elle s'apprête à le quitter, touchée par les révélations que Jésus lui a faite sur sa vie personnelle, au moment même où les disciples le rejoignent avec des vivres. Elle en oublie la jarre posée au pied du puits dit de Jacob, dans l'intention de porter la parole divine. Le regard et les gestes de Jésus reflètent admirablement sa sincérité. Accoudé à la margelle du puits, il exprime au travers de cette parabole l'avènement de la Loi Nouvelle. Juste derrière lui, les arbres l'évoquent, coexistant avec l'ancienne Loi symbolisée par les colonnes antiques, motifs repris de la composition d'Annibale Carrache. Au loin se voit la forteresse de Sychar environnée par les montagnes. La composition contribue à la lisibilité iconographique de la scène. Le paysage résulte d'une invention de l'artiste indépendamment du modèle gravé : le motif architectural y est plus présent et visible alors que les contours de la cité fortifiée sont rapidement esquissés dans le tableau italien. Les protagonistes du premier plan, aux expressions marquées et aux gestes grandiloquents, sont une marque du style d'Eustache Restout. L'influence de Poussin est particulièrement accusée dans les figures secondaires. L'artiste les différencie nettement du groupe principal où dominent les tons acides éclatants tandis que les tons assourdis relèguent les acteurs du second plan dans la pénombre, un parti pris qui s'oppose au clair-obscur omniprésent dans la tableau du Carrache. Restout en respecte les couleurs pour les deux protagonistes du premier plan mais des différences notables existent pour les autres figures.

  • État de conservation
    • oeuvre restaurée
  • Précision état de conservation

    Observations relatives à son état en 2013 : les semences de fixation de la toile sur le châssis transparaissent au travers du bordage de papier kraft. La surface picturale présente ponctuellement des zones mates et de réintégration visibles de loin. Le revers n'est pas protégé. Le mode d'accrochage, sommaire et inadapté, contribue à déformer le support : l’œuvre repose sur deux pattes métalliques trop courtes qui la maintiennent trop près de la paroi tandis que l'unique piton accentue son inclinaison.

  • Statut de la propriété
    propriété de la commune, Propriété la Ville de Caen, le tableau et son pendant, La Samaritaine au puits, ont été déposés vers 1990 dans les anciens bâtiments conventuels de l'abbaye de la Trinité, siège du conseil régional de Basse-Normandie, sans faire l'objet d'une convention.
  • Intérêt de l'œuvre
    À signaler

Les deux tableaux de jésus chez Marthe et Marie et de la Samaritaine au puits, le premier portant la signature et la date de "RETOUT 1720", sont représentatifs du mode opératoire et du style d'Eustache Restout auquel ils sont attribués. D'après des inscriptions relevées au revers à la fin du 19e siècle et aujourd'hui disparues, ils auraient été commandés par une nièce d'Eustache, supposée religieuse bénédictine de la Trinité, en vue d'orner le réfectoire. Relativement bien conservées et documentées, ces deux œuvres illustrent parfaitement la culture picturale et la manière classique d'Eustache, membre de l'illustre dynastie des Restout active en Normandie, en particulier dans la région Caen et de Mondaye, et dans la capitale. Exposées, elles ont fait l'objet de plusieurs analyses. Le corpus de l’œuvre d'Eustache Restout est en cours de constitution par Christine Gouzi, professeur d'histoire de l'art (Paris-Sorbonne). L'inscription avec vœu de classement au titre des monuments historiques mérite d'être étudiée pour assurer la conservation et la valorisation de ces toiles.

Documents d'archives

  • DRAC Basse-Normandie. MH 14 - Caen 2 : historique des transferts successifs des deux tableaux de Restout par l'abbé Marcel Lelégard.

    Direction Régionale des Affaires Culturelles, Caen : carton 31
  • CAOA MANCHE. Cerisy-la-Forêt : dossier documentaire (sources manuscrites et imprimées).

    Conservation des Antiquités et Objets d'Art de la Manche, Saint-André-de-Bohon
    lettre du 20 novembre 1985 de l'abbé Lelégard au Président du Conseil régional de Basse-Normandie
  • Normandie Patrimoine. Compte rendu des visites au conseil régional du 30/05/2012 et du 14/06/2012 [concernant les tableaux d'Eustache Restout]. 2012

    Région Normandie, Caen

Bibliographie

  • [Exposition. Caen, Musée des Beaux-Arts. 2000]. La peinture religieuse à Caen 1580-1780 : exposition présentée à Caen du 22 juillet au 23 octobre 2000. Réd. Jean-Jacques Bertaux, Catherine Boulot, Pierre Curie et al. Caen : Musée des Beaux-Arts de la Ville de Caen, 2000.

    Région Basse-Normandie - Inventaire général du patrimoine culturel, Caen : 521 002
    p. 84-87
  • DU BOIS DE SAINT GELAIS, Louis-François. Description des tableaux du Palais Royal. Avec la vie des peintres à la tête de leurs ouvrages. Dédiée à monseigneur le duc d'Orléans, premier prince du sang. 2e éd., Paris : d'Houry, 1727. [google books].

    Bibliothèque de l'INHA, Paris : 12 RES 1101 . LAR Fonds spécifique : FIAA
    p. 36
  • ENGERAND, Fernand et Marthe. Les Trésors d'art religieux du Calvados. Tome 1 : Caen et l'arrondissement de Caen. Caen : Marigny et Joly, 1940.

    Bibliothèque universitaire - Droits-Lettres - Fonds Normand, Caen : N RB I a 8516 . BUDL. DLFDN
    p. 52
  • GOUZI, Christine. Jean Restout, 1692-1768 : peintre d'histoire à Paris. Paris : Arthena, 2000.

    Région Basse-Normandie - Inventaire général du patrimoine culturel, Caen : 531 005
  • GOUZI, Christine. Une firme artistique dans la France de l'Ancien Régime : l'atelier d'Eustache Restout à l'abbaye de Mondaye. In COLLOQUE INTERNATIONAL DU CENTRE D’ÉTUDES ET DE RECHERCHES PRÉMONTRÉES (2011 ; Mondaye). L'ordre de Prémontré au XVIIIe siècle. Dir. Dominique-Marie Dauzet, Martine Plouvier. Bern : P. Lang, 2012.

    Région Basse-Normandie - Inventaire général du patrimoine culturel, Caen
    p. 224-255
  • LAUMONNIER, M. Les tableaux de Vaucelles. Bulletin de la Société des Beaux-Arts de Caen, 1893, vol. 9, cahier 1.

    Bibliothèque municipale, Caen : FN Anc 35
    p. 35-38

Annexes

  • Constats d'état et interventions réalisés avant 2012
Date(s) d'enquête : 2013; Date(s) de rédaction : 2014
(c) Région Normandie - Inventaire général
Billat Hélène
Billat Hélène

Chercheuse à l'inventaire général du patrimoine culturel de Basse-Normandie puis de Normandie depuis 2013 : architecture civile et religieuse, patrimoine rural, objets mobiliers civils et religieux étudiés dans le cadre d'inventaires topographiques et ponctuels. Suivi scientifique de l'étude du patrimoine bâti du Parc naturel régional du Perche.

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