Dossier d’œuvre architecture IA76002958 | Réalisé par ;
Chéron Philippe (Rédacteur)
Chéron Philippe

Chargé d'études à l'Inventaire général du patrimoine culturel depuis 1991. Ingénieur d'études (DRAC Haute-Normandie jusqu'à la loi de décentralisation), puis ingénieur et ingénieur principal, Région Normandie.

Spécialités : vitrail (correspondant du centre Chastel pour la Haute-Normandie), patrimoine rural, construction navale, patrimoine militaire (fortifications du mur de l'Atlantique dans le cadre du PCR mur de l'Atlantique), patrimoine aéronautique, patrimoines commémoratifs.

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  • inventaire topographique, canton d'Elbeuf
cinéma Grand Mercure
Œuvre étudiée
Auteur (reproduction)
Copyright
  • (c) Région Normandie - Inventaire général
  • (c) Métropole Rouen Normandie

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Seine-Maritime - Elbeuf
  • Commune Elbeuf
  • Lieu-dit
  • Adresse rue Pierre Brossolette , square Raoul Grimoin Sanson
  • Cadastre 1974 AO 157, 297
  • Dénominations
    cinéma
  • Appellations
    Grand Mercure
  • Parties constituantes non étudiées
    cour, garage, passage

Le Cinéma Grand Mercure d’Elbeuf date de la Reconstruction. Il a été édifié par les architectes Marcel Lods et Raymond Laquerrière sur un îlot unique, l’îlot F, délimité par les rues Jean Gaument, de Roanne, Pierre Brossolette et du président Roosevelt, qui lui avait été spécialement dévolu. Inauguré en 1963, il est venu remplacer l’ancien cinéma-théâtre de la rue de la Barrière (actuelle rue des Martyrs), détruit dans l’incendie de juin 1940.Elbeuf possédait une salle de théâtre permanente depuis le début du 19e siècle. Celle-ci avait été bâtie en 1817, même si la ville avait auparavant connu des spectacles donnés par des troupes ambulantes dans de petits locaux de fortune. A cette date, une société animée par Mathieu Bourdon avait entrepris la construction, au n° 16 de la rue de la Barrière, d’un théâtre authentique, dont l’exploitation allait rester privée durant une vingtaine d’année.

En 1838, cette salle changea de propriétaire : acquise par un certain Prieur-Quesné, elle fut revendue l’année suivante à la municipalité, qui la transforma en un vaste établissement au prix de coûteux aménagements. Elle y fit installer l’éclairage au gaz, qui remplaça l’ancien système des quinquets, très dangereux car susceptible de provoquer des incendies. En 1854, la ville procéda à de nouveaux agrandissements et à un renforcement des protections du théâtre et de ses abords, car il se situait sur une parcelle très densément occupée, à proximité immédiate d’autres immeubles. En 1914, le théâtre, qui n’accueillait jusqu’alors que des spectacles, devint également un cinéma dédié à la projection de films et se dota d’un éclairage électrique moderne. En 1926, la ville, tout en en conservant la propriété des murs, en céda l’exploitation à la société Leroy, qui y opéra d’importantes transformations. La façade du cinéma fut élargie et surmontée d’un majestueux fronton en accolade ; on y installa des balcons cantonnés de frises sculptées, son nombre de places fut porté à 1250 et sa décoration intérieure subit quelques modifications.

En juin 1940, le ciné-théâtre de la rue de la Barrière fut entièrement détruit par l’incendie provoqué par les bombardements allemands. Les photographies prises au lendemain du sinistre montrent que seule sa façade subsista, debout au milieu des décombres, tandis que la salle elle-même fut totalement ravagée par le feu. Dès lors, il fallut songer à la reconstruire. En 1941, l’urbaniste Roger Puget reçut la mission de travailler au Plan d’Aménagement et de Reconstruction d’Elbeuf. Dans son projet, approuvé en août 1943 par le conseil municipal, il consacra une part notable au cinéma-théâtre, qui constituait selon lui l’un des lieux de sociabilité de la cité qu’il importait de préserver.

Mais Puget ne souhaita pas reconstruire ce cinéma-théâtre à son ancien emplacement. Pour l’accueillir, il envisagea le percement d’une nouvelle place, qu’il décrivit ainsi : entre la rue Jean Gaument, la rue du Maréchal Pétain (ancienne rue de la Barrière) et l’artère nouvelle qui remplace la rue du Maurepas, une place a été prévue qui sera la place de la ville, celle où l’on se réunira pour toutes les manifestations de la vie collective, cette place que nous avons voulu indépendante de la place commerçante, afin de ne pas créer de vide préjudiciable à son activité, est bordée d’un seul côté par la voie publique. Elle ne sera pas comme tant d’autres (comme la place Aristide Briand par exemple) un carrefour ou un parc de stationnement, ce sera une place pour les hommes et non pour les machines.

Sur cette place à échelle humaine viendrait se greffer le cinéma-théâtre reconstruit, qui en occuperait l’un des côtés. Les trois autres recevraient une salle des fêtes, une bourse du travail, la bibliothèque et le musée. Puget était en effet partisan d’un regroupement des fonctions de la ville : à terme, l’îlot F hébergerait une sorte de pôle intellectuel. Le 22 décembre 1944, par décision du Ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme, l’architecte parisien Jean-Jacques Garnier fut chargé de dresser les plans du nouveau cinéma-théâtre.

A partir de 1945, Puget fut dessaisi du Projet de Reconstruction et d’Aménagement d’Elbeuf, au profit de l'urbaniste rouennais François Herr, mieux perçu par la population. Ce dernier apporta des modifications à l'îlot F : il reprit l’idée de l’affecter à la reconstruction du cinéma-théâtre, en y adjoignant plus tard un musée, une bibliothèque et une salle de conférences, mais à l’exclusion de toute bourse du travail. Dans un souci encore plus engagé de séparation des fonctions, celle-ci serait transférée sur un autre îlot, en bordure de la rue Henry.

Le plan de Herr ayant été approuvé par le Ministère de la Reconstruction le 30 avril 1947, les études débutèrent, sans que les archives ne permettent d’établir jusqu’à quel stade elles furent poussées.

En octobre 1950, le Conseil Municipal se trouva face à un dilemme car les crédits manquaient pour conduire en même temps toutes les opérations de reconstruction. Il fut décidé que le cinéma-théâtre serait prioritaire, mais qu’en revanche, la bibliothèque et le musée attendraient, pour être édifiés, que le contexte budgétaire soit plus favorable. Jusqu’alors, les activités de l’architecte Garnier s’étaient manifestement limitées à un échange de vues avec François Herr, sans plus d’aboutissement. Le 12 février 1951, Garnier informa le Ministère de la Reconstruction qu’il renonçait à sa mission, en raison d’une santé précaire et parce que d’autres affaires l’appelaient à Paris.

Le 20 mai 1951, une délibération municipale désigna Marcel Lods comme le nouvel architecte de l’îlot F et du cinéma. Il serait épaulé dans son travail par l’architecte elbeuvien Raymond Laquerrière, qui l’assisterait pour tous les détails pratiques relevant de l’exécution. Malgré cette décision, la reconstruction du cinéma-théâtre tarda à être engagée. En 1954, il fut même question de l’abandonner et d’utiliser les dommages de guerre perçus conjointement par la municipalité et la société Leroy pour moderniser et agrandir une autre salle, l’Eden, exploitée, elle, par la société Omnia et située sur le Champ de Foire. Dans cette hypothèse, l’îlot F aurait finalement servi à rebâtir des habitations.

En 1955, le montant des dommages de guerre perçus pour la destruction de l’ancien ciné-théâtre de la rue de la Barrière fut enfin estimé. Il s’élevait à 95 millions de francs. Or, d’après les premiers calculs des architectes, il n’en couterait que 75 millions pour reconstruire le cinéma sur l’îlot F. Le solde de la somme (une vingtaine de millions de différence) pourrait donc être utilisé à l’acquisition de l’autre salle, l’Eden, et à son aménagement en salle des fêtes municipale. Ainsi, le nouveau cinéma n’aurait-il aucune concurrence, une fois ouvert.

Le 13 février 1957, un arrêté du conseil municipal d’Elbeuf fixa enfin les modalités de la reconstruction du cinéma-théâtre d’Elbeuf. Le nouvel établissement comprendrait 1200 places, moyennant un forfait convenu de 70 000 francs la place. La dépense totale s’élèverait donc à 77 millions. Cette somme serait couverte à hauteur de 57 millions par les dommages de guerre perçus par la société Leroy (au titre de locataire de la salle et de propriétaire de ses biens mobiliers) et à hauteur de 19 millions par ceux perçus par le ville (au titre de propriétaire des biens immobiliers). Il fut décidé que l’entrée du cinéma se ferait par la rue Pierre Brossolette, grâce à un petit square aménagé devant sa façade.

Les péripéties n’en restèrent pourtant pas à ce stade. En avril 1957, la mairie d’Elbeuf chercha à évincer Marcel Lods du projet, sur l’insistance de Clément Leroy, directeur de la société du même nom, qui exploitait le ciné-théâtre avant la guerre (et qui gérait d’autres établissements du même type, comme le cinéma Normandy de Rouen). Clément Leroy conseilla à la municipalité de faire plutôt confiance à Raymond Laquerrière, car il craignait que Lods ne voit trop grand et ne propose que des solutions onéreuses.

Le 20 septembre 1957, la ville d’Elbeuf donna enfin son accord sur la maquette présentée par Lods et Laquerrière. Le devis du cinéma fut établi en 1958. Ses plans furent dressés en septembre 1959 par les deux architectes, avec l’aide de l’ingénieur Marcel Levant, spécialiste des éclairages et des cabines de projection. Le cinéma fut inauguré en 1963.

  • Période(s)
    • Principale : 3e quart 20e siècle
  • Dates
    • 1963, daté par source
  • Auteur(s)
    • Auteur :
      Lods Marcel
      Lods Marcel

      Diplômé de l'Ecole nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris en 1923, Marcel Lods, associé à Eugène Beaudoin, réalise plusieurs oeuvres majeures du mouvement moderne pendant l'Entre-Deux-Guerres (école de plein-air de Suresnes, maison du Peuple de Clichy). Architecte en chef de la reconstruction de Sotteville-lès-Rouen après la Seconde Guerre mondiale, il réalise de nombreux ensembles de logements dans l'agglomération rouennaise au début des années 1960.

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      architecte attribution par source
    • Auteur :
      Laquerrière Raymond
      Laquerrière Raymond

      Architecte elbeuvien.

      Base AGORHA :

      Matricule de l’Ecole des Beaux-Arts : 8241. Raymond Paul Victor Laquerrière, né à Elbeuf (Seine-Maritime) le 29 juin 1903, [fils d'Anatole Laquerrière (1863-ap. 1940) architecte à Rouen ?, lui-même fils de Jean Baptiste Laquerrière architecte à Rouen actif vers 1840 ?], élève d'Édouard Delabarre à l’École régionale d’architecture de Rouen, admis en 2è classe le 8 juillet 1924, obtient un total de 21 ½ valeurs dont 1 3è Médaille en dessin, 1è classe le 22 décembre 1926, obtient un total de 15 valeurs dont 1 Première Médaille en projet rendu et 1 Seconde Médaille en dessin, massier de l'atelier [en 1926], diplômé le 18 février 1930 (144è promotion, Une usine de chaussures) (architecte à Elbeuf [entre 1931 et 1967]; ensemble de logements et cinéma-théâtre à Elbeuf en 1951-62, avec Marcel Lods; membre de la S.A.D.G. en 1930, figure encore dans l'annuaire 1962, mais plus dans l'annuaire 1973; officier d'Académie (J.O. du 2 décembre 1934); Archives nationales de France, 19920445/126, feuille de valeurs)

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      architecte attribution par source

Bâti sur un plan rectangulaire et se développant tout en longueur sur l’unique parcelle de l’îlot F, le cinéma Grand Mercure d’Elbeuf, reconstruit par Marcel Lods et Raymond Laquerrière à partir de 1959, constituait une audacieuse architecture moderne faite de béton, de métal et de verre. Il se présentait sous la forme de deux blocs compacts :

- A l’arrière, un corps de bâtiment en béton, aveugle, couvert en terrasse et doté d’un essentage de métal rythmé par des travées, abritait une cabine de projection et une unique salle de spectacle de 1200 places (aujourd’hui divisée en plusieurs salles de plus modeste contenance)

- En façade, une galerie de verre en ellipse, soutenue par des pilotis et jouant sur la transparence, était dévolue à l’accueil du public. Elle formait un volume horizontal plus bas, accolé au précédent. Elle était encore visible dans les années 1970, comme en témoignent quelques cartes postales d’époque, et ce grâce à la perspective ménagée, à l’avant du cinéma, par un petit square garni de pelouses et d’arbustes.

Cet ensemble a été fortement remanié : dans les années 1990, la façade de verre originale a été masquée par une nouvelle façade, constituée par deux pavillons trapézoïdaux de béton encadrant une entrée surmontée d’une guérite en verre, dont la hauteur a permis de rattraper celle du reste du bâtiment. L’essentage de métal, à l'origine noir et blanc, a été repeint en violet. Quant au petit square, il a disparu, comblé par l’avancée de la nouvelle façade.

  • Murs
    • béton enduit
    • métal essentage
  • Toits
    béton en couverture
  • Plans
    plan massé
  • Couvertures
    • terrasse
  • Jardins
    groupe d'arbres, pelouse
  • Typologies
    bâti de la Reconstruction
  • État de conservation
    remanié
  • Statut de la propriété
    propriété d'une société privée

Documents d'archives

  • Archives Intercommunales de l'Agglomération, Elbeuf, 4 M ELB 156 : Cinéma-théâtre : avant projet de reconstruction, 1956-1959.

  • Archives Intercommunales de l'Agglomération, Elbeuf, 4 M ELB 157 : Reconstruction du cinéma-théâtre d'Elbeuf : correspondance et plan masse, avant-projet (1951-1957).

  • Archives Intercommunales de l'Agglomération, Elbeuf, 4 M ELB 159 : Cinéma-théâtre d'Elbeuf, reconstruction : plans.

Bibliographie

  • LODS, Marcel. L´esthétisme des constructions modernes, conférence du 30 novembre 1944, Paris, E. Desfossés, 1945, 24 p.

  • LODS, Marcel. Le Métier d´architecte, Entretiens avec H. Le Boterf, Paris, Editions France-Empire, 1976, 215 p.

  • UYTTENHOVE, Peter. Inventaire raisonné du patrimoine Marcel Lods (1891-1978), thèse de l´Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales de Paris, Paris, Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, 1991, 247 p.

Annexes

  • ARCHIVES MUNICIPALES D’ELBEUF : Série M (Edifices communaux, monuments et établissements publics)
Date(s) d'enquête : 2007; Date(s) de rédaction : 2007, 2024
(c) Région Normandie - Inventaire général
Philippe Emmanuelle
Philippe Emmanuelle

Conservatrice en chef du Patrimoine

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Chéron Philippe
Chéron Philippe

Chargé d'études à l'Inventaire général du patrimoine culturel depuis 1991. Ingénieur d'études (DRAC Haute-Normandie jusqu'à la loi de décentralisation), puis ingénieur et ingénieur principal, Région Normandie.

Spécialités : vitrail (correspondant du centre Chastel pour la Haute-Normandie), patrimoine rural, construction navale, patrimoine militaire (fortifications du mur de l'Atlantique dans le cadre du PCR mur de l'Atlantique), patrimoine aéronautique, patrimoines commémoratifs.

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