Dossier collectif IA14005232 | Réalisé par
Hébert Didier
Hébert Didier

Chercheur à l'Inventaire général du patrimoine culturel de Basse-Normandie de 1993 à 2012, associé à l'étude sur le canton de Cambremer (Calvados), puis en charge des études sur les stations balnéaires de Deauville et Trouville (Calvados).

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  • enquête thématique régionale, casinos en Basse-Normandie
  • patrimoine de la villégiature
les casinos en Basse-Normandie
Auteur
Copyright
  • (c) Région Normandie - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

  • Dénominations
    casino
  • Aires d'études
    Calvados, Manche, Orne

Le développement des casinos en Basse-Normandie est directement lié à la redécouverte, au 18e siècle, des vertus thérapeutiques des bains de mer, en Angleterre d'abord puis en France. En 1754, un pavillon de santé est implanté à Brighton, premier exemple d'une station balnéaire, sur le modèle d'une station thermale. En 1776, une maison de santé est fondée à Dieppe par Louis Laurence et Pierre Grieu, séduits par la réussite de Brighton et par les théories médicales vantant les bienfaits thérapeutiques des bains de mer. Ces premiers établissements, construits en bois et à l'architecture très simple, étaient entièrement dévolus à la médication. En 1809, Jean-Baptiste Deparis aménage à Dieppe un établissement de bains dans un ancien hangar de chantier naval. Abritant des cabinets avec baignoires et douches, mais aussi un salon réservé au repos et aux activités de salon, tels la conversation, la lecture et les jeux, il inaugurait l'association du thérapeutique et du ludique au sein d'un même édifice.

En 1822, l'architecte Pierre Chatelain conçoit les plans des Bains froids de Dieppe, composés d'une galerie reliant des pavillons ; ce type d'organisation restera l'un des topiques de l'architecture des grands casinos jusqu'à la Première Guerre mondiale. L'édifice abritait des espaces de soins, mais aussi des salons dévolus aux plaisirs dits de société (lecture, billard, musique) et un restaurant ; avec ses toits en terrasse et son jardin, il invitait à la contemplation de la mer et à la promenade. L'ambivalence soins-distractions a perduré dans certaines stations balnéaires bas-normandes jusqu'au début du 20e siècle, à l'exemple de Granville, où le Grand Salon bâti en 1828 et reconstruit en 1858 (IA50002804) assurait la location d'équipements pour le bain (linge, cabines mobiles), veillait à la sûreté et à la décence des baigneurs grâce à l'agent de police qui lui était attaché et dispensait des mesures hygiénistes recommandées par son médecin-inspecteur. L'établissement conserva ce lien avec la cure marine jusqu'à sa destruction en 1910 pour laisser place au casino de l'architecte parisien Auguste Bluysens.

En 1837, le Salon des Bains de Trouville inaugure un type d'établissement affranchi de toutes fonctions thérapeutiques, illustrant une mutation de l'usage de la plage qui, d'un espace médical, devient un lieu de rencontres et de divertissements, nouveaux moteurs du séjour en bord de mer. Ce casino offrait un lieu de réunion où l'on pouvait converser, jouer au billard et aux cartes, assister à des spectacles, des concerts ou danser. Cette césure entre soins et plaisirs s'est affirmée peu à peu et a amené certains exploitants à réorganiser leur établissement. Ainsi, à Cherbourg, les activités thérapeutiques ont été transférées en 1864 dans des annexes construites pour la circonstance, permettant ainsi de consacrer le bâtiment initial exclusivement aux loisirs. D'autres choisissent d'engager la reconstruction d'établissements plus monumentaux et plus somptueux, en vue également de satisfaire une clientèle fortunée, désireuse de retrouver sur le bord de mer son mode de vie. Ainsi, le Salon des bains de Trouville est remplacé en 1845 par le Casino-Salon, œuvre de l'architecte parisien Desle-François Breney, qui délaisse le bois au profit de la brique et de la pierre. Cette nouvelle génération d'établissements élargit l'éventail des loisirs proposés tout en les répartissant dans des lieux spécialisés, plus nombreux. Les fêtes - spectacles, concerts ou bals -, les jeux et la restauration étant les divertissements et services les plus appréciés, les espaces les plus somptueux leur sont consacrés. La salle des fêtes, désormais exclusivement dévolue aux bals, aux concerts et aux représentations théâtrales, occupait une place essentielle au sein de ces casinos.

Le premier casino de Cabourg (IA14005214), construction en bois conçue en 1854 par l'architecte Charles Duval, comprenait ainsi une vaste salle de 30 mètres de long et de 12 mètres de large, avec fosse d'orchestre pour les spectacles et les bals. Le Casino-Salon de Trouville inaugure en 1865 son nouveau théâtre, éclairé par 600 becs de gaz et embelli par des peintures et des médaillons. La salle des fêtes du Grand Salon de Granville, reconstruite en 1858 par l'architecte Méquin, pouvait accueillir jusqu'à 500 spectateurs. Elle était séparée des autres pièces par des cloisons mobiles permettant de moduler l'espace en fonction de l'importance des manifestations. A l'extérieur, cette salle d'apparat se signalait par son volume, comme au casino de Villers-sur-Mer (1856) ou de Deauville (1864). Les premiers jeux pratiqués au sein des stations étaient le billard, les échecs, les dames, le whist et l'écarté. L'engouement des estivants pour les jeux de hasard, autorisés uniquement dans les villes d'eaux, a favorisé, sous le Second Empire, le développement de nouveaux jeux, –tels que le baccara, la boule, le chemin de fer et les petits chevaux, et donc des salons supplémentaires. L'apparition de Cercles de jeu à partir des années 1860 a permis de contrôler l'accès à certains jeux et de créer des espaces spécifiques. A Trouville, le Casino-Salon a isolé les Cercles dans une villa séparée, la Villa Breney, annexée en 1861.

A partir du Second Empire, le restaurant occupa une place essentielle dans la conception des établissements. Situé côté mer et doté de vastes verrières, il permettait de jouir d'une vue panoramique sur le paysage. La contemplation associée à la promenade, primordiale dès l'origine des établissements de bains, a été facilitée par la mise en place de circulations extérieures et intérieures : galeries couvertes ceinturant ou longeant le bâtiment (Deauville), jeux de terrasses (Casino-Salon à Trouville), galeries vitrées et/ou plate-forme sur le toit (Cherbourg). Le commerce constituait une autre des composantes incontournables des casinos réputés. Cette vocation marchande est inaugurée à Dieppe par l'architecte Amable Ravoisé, auteur en 1837 des deux galeries de boutiques, reconstruites en 1857 et 1886. A Trouville, l'Eden-Casino, né en 1888 de la reconversion de l'ancienne salle de Skating Rink en salle de spectacle et de jeux, regroupait un ensemble de magasins destinés à la vente de coquillages, de bibelots, d'ivoires et de maroquineries, un café et un atelier de photographie, unifiés par une galerie en bois réalisée en 1889 par les architectes caennais Jacques Baumier et Auguste Nicolas. Enfin, afin de répondre à l'évolution des goûts et des modes de vie, les dancings et les cinémas investissent les casinos, mais aussi les équipements sportifs, en particulier le tennis, le golf et le yachting, introduits par les Britanniques, ou encore la natation et la gymnastique. La multiplication et la diversification des activités offertes par les casinos, dans un cadre de rude concurrence, se traduit parfois par des agrandissements successifs ou l'adjonction d'annexes, à l'exemple du casino-salon à Trouville. Dans les stations les plus réputées, une reconstruction complète du casino s'est avérée nécessaire, donnant lieu à la réalisation de véritables palais, tels ceux élevés en 1912 à Trouville ou Deauville, respectivement dus aux architectes Alexandre Durville et Georges Wybo.

Dans les stations plus ordinaires, cataloguées par les guides touristiques du 19e siècle au rang de « stations de familles », les établissements rudimentaires des premiers temps perdurent pour certaines jusqu'à la veille de la Seconde Guerre mondiale, comme à Asnelles ou Arromanches. Ils suffisaient à la pratique de certains jeux et à l'organisation de bals, contentant une clientèle en quête de simplicité et de tranquillité, valorisant les activités de plein air, telles la promenade, les excursions et la pêche.

  • Période(s)
    • Principale : 19e siècle
    • Principale : 20e siècle

Sur les 67 stations balnéaires recensées sur le littoral de Basse-Normandie, 23 seulement ont été dotées d'un casino. Seules 12 stations balnéaires disposent encore d'un établissement de jeux en activité. 9 ont été construits au cours de la première moitié du 20e siècle ; 3 datent de la Reconstruction. Il existe également un casino lié à une station thermale.

  • Toits
  • Décompte des œuvres
    • repérés 61
    • étudiés 61
Date(s) d'enquête : 2008; Date(s) de rédaction : 2008
(c) Région Normandie - Inventaire général
Hébert Didier
Hébert Didier

Chercheur à l'Inventaire général du patrimoine culturel de Basse-Normandie de 1993 à 2012, associé à l'étude sur le canton de Cambremer (Calvados), puis en charge des études sur les stations balnéaires de Deauville et Trouville (Calvados).

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