• enquête thématique régionale, céramique industrielle de Basse-Normandie
usine de grès Poterie Hamel
Œuvre étudiée
Auteur
Copyright
  • (c) Région Normandie - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Manche - Bricquebec
  • Commune Saint-Jacques-de-Néhou
  • Adresse rue Montrond
  • Cadastre 1955 C 319, 320, 946, 947  ; 2019 C 947, 1049, 1082
  • Dénominations
    usine de grès
  • Appellations
    Poterie Hamel
  • Parties constituantes non étudiées
    atelier de fabrication, logement

La fabrication

L’extraction de l’argile

La terre était extraite au Valdecie et dans la lande de Saint-Jacques-de-Néhou (terrains communaux). Hubert était plus particulièrement chargé de ce travail. L’argile était trouvée sous environ 0,3 à 0,4 m d’humus. "On trouvait la veine de terre" comme le note Louis Hamel1. Cette tâche se faisait à la bêche et à la houe. Disposée en tas, sur le site de la carrière, l’argile subissait un premier pourrissage sur place. L’argile était transportée par charrette jusqu’à la fabrique.

La préparation de la pâte

Arrivé à la poterie, le chargement était déversé dans le terrier situé dans la cour, au Nord de l’atelier proprement dit : c’est là [fosse quadrangulaire d’une cinquantaine de centimètres de profondeur] que pouvait pourrir l’argile.

Un mélange d’argile jaune de la lande de Saint-Jacques-de-Néhou et d’une argile plus malléable de couleur bleuâtre venant du Valdecie était pratiqué. En général, ces argiles comportaient beaucoup de pierres.

Pour préparer l’argile, la poterie Hamel disposait de trois appareils utilisés à cette fin. L’emploi de ces machines constituait une modernisation non négligeable.

Dans la cour de la poterie, près du terrier existait un malaxeur hippomobile appelé "tournous"2 formé d’un cylindre en ciment de 1,5 m de haut pour un diamètre de 1 mètre. Le mécanisme de cette machine se composait d’un axe central sur lequel étaient fixées des barres armées de dents formant peignes ; à la base, une sorte d’hélice forçait la terre à sortir par une trappe.

Dans cet appareil, la terre était pétrie humide. A l’intérieur de l’atelier, existaient deux broyeurs-laminoirs à cylindres animés par un moteur à essence.

L’un d’eux permettait l’affinage de la terre à pots, l’autre, pouvant être animé à la main servait plus particulièrement pour la fabrication des faîtières (ce dernier est conservé sur place, l’autre se trouve chez Mme veuve Alphonse Hamel).

Après ce broyage, où les derniers cailloux étaient éliminés, on confectionnait des "ballons" d’argile sur un établi disposé dans l’angle nord-ouest de la pièce.

Le façonnage

Louis Auguste Hamel, dès le début de son exploitation, avait abandonné les tours à bâton pour des tours à pied et des tours mécaniques. Ces tours mécaniques étaient actionnés au début à la manivelle : Alphonse Hamel, le plus jeune fils, était chargé de cette tâche ingrate.

A la fin de l’activité de la poterie, à la veille de la Deuxième Guerre mondiale, les tours étaient animés par un moteur à essence. A cette époque, deux tours étaient utilisés : l’un par Louis Auguste Hamel, l’autre par son fils Louis : ils étaient installés du côté sud de la pièce pour recevoir un maximum de lumière. Une fois tourné, le pot était décollé de la girelle avec un fil de fer.

Le séchage

Les pots fabriqués étaient ensuite mis à sécher peu de temps, avant d’être habillés (anses, becs etc) : Pierre était souvent chargé de ce travail. Toujours placés sur des planches, subissait un séchage définitif de durée variable selon la saison et les conditions atmosphériques. Par beau temps, les planches à pots étaient disposées dehors.

L’hiver, l’atelier était chauffé par une cheminée : les pots séchaient alors dans l’atelier ou dans le grenier ménagé au dessus. Il n’existait pas de véritable séchoir à proprement parler.

Le plombage

Après le séchage, certaines pièces étaient recouvertes d’un enduit plombifère, mélange de plomb fondu et de cendre de bois. Ce dernier était saupoudré à l’état solide sur des pièces préalablement trempées dans de la barbotine très diluée.

La cuisson

L’enfournement

On déposait les poteries à l’intérieur du couloir du four, sur la sole recouverte d’un lit de sable fin. Une partie de la charge pouvaient être constituée de briques et de faîtières mises en place au fond du four, sur lesquels étaient disposées les plus grosses pièces (sinots, etc). Les grosses pièces servaient de "cazettes" pour les plus petites pièces.

A l’avant de cette partie du chargement, des pièces de petits et moyens formats étaient placées. Les cruches étaient empilées les unes sur les autres en plaçant entre elles une rondelle de terre cuite, d’un diamètre de l’ordre de 15 à 20 centimètres avec un trou central de 5 centimètres de diamètre, et épaisse d’environ un centimètre, appelée "roulette", non complètement fermée qui permettait à la chaleur de pénétrer à l’intérieur de l’objet (cf. lien web : pièces d'enfournement). Des "demoiselles" ou "pernettes", sortes de formes ouvertes comportant chacune une encoche, servaient à empiler certaines formes de cruches et de bouteilles : l’anse de la bouteille s’encastrait dans l’encoche tout en protégeant le goulot.

Le calage des pièces se faisait avec des tessons, souvent des fragments de terrines.

La chauffe

Le combustible employé pour la chauffe était principalement du bois de hêtre, parfois du bouleau. Coupé et débité en hiver, le bois était acheté à des particuliers. Le potier allait le chercher chez les vendeurs, au fur et à mesure des besoins. Entre les deux guerres, le bois était acheté 30 à 35 F le stère (un journalier était payé 5 F par jour). Le bois était stocké dans la cour, près du four. Une partie de ce combustible pouvait être mis à sécher le long et à l’arrière du four. Le bois était débité en quartiers d’un mètre. Une fournée était faite environ tous les mois, davantage par beau temps, et lorsque la demande était importante. La chauffe commençait un soir par le "petit feu" qui nécessitait trois ou quatre stères de bois, puis était poursuivie pendant par un "grand feu" durant environ 24 heures. Un chauffeur assurait en permanence l’alimentation en combustible et la surveillance. A l’arrière du four, existait une petite ouverture pour déposer des témoins. A la fin de la chauffe, une douzaine de kilogrammes de sel était jeté par la porte d’enfournement.

Le refroidissement et le défournement

Le four était ensuite entièrement fermé puis on attendait eux ou trois jours le refroidissement de la charge avant de défourner. Après ouverture progressive de la porte d’enfournement, on sortait les pots du four et on les entreposait dans la cour. De ces fournées résultaient de nombreux déchets.

Les produits et la commercialisation

La poterie de Louis Auguste Hamel produisait avant tout de la poterie d’usage et très peu de poteries fantaisie (sucriers, salières etc), ces derniers étaient généralement fabriqués sur commande.

Les produits les plus courants étaient les "sérènes" ou terrines à lait, les sinots ou pots à lard, les "gohains" pour transporter la nourriture aux travailleurs des champs, les pots à cidre, "guichons" tasses, "moques" à cidre, bouteilles, pots à miel, pots à beurre, etc.

Le père Hamel fabriquait aussi des briques et des tuiles faîtières sur commande, pour le commerce local.

Les poteries étaient commercialisées par le potier lui-même. Les briques et les tuiles faîtières étaient surtout vendues aux couvreurs et aux marchands de matériaux locaux.

La poterie proprement dite était écoulée dans les foires et les marchés du Nord-Cotentin. Pour ce faire, la poterie était transportée dans une grande carriole ou "maringotte" : les pots y étaient calés avec de la paille.

Louis Auguste Hamel allait ainsi aux marchés de Bricquebec (le mardi), des Pieux (le vendredi) et aux foires de Barneville, de Bricquebec et de Lessay. A cette dernière foire qui durait trois jours (10 au 12 septembre), Louis Auguste Hamel conduisait jusqu’à 5 à 6 carrioles de poteries.

Faute de débouchés et avec l’entrée en guerre en 1939, le métier fut abandonné.

1Entretien avec Louis Hamel.2Dalarun. p. 129

A la fin du XIXe siècle, le centre potier de Saint-Jacques-de-Néhou était sur son déclin : si en 1890, on y comptait encore huit potiers, il n’était plus que trois en 1906 (Auguste Travers dit Lefranc, Auguste Travers dit Lenoble, Hubert Hamel - AC. Etats nominatifs, 1890 et 1906). En 1906, Hubert Hamel exerçait son métier de potier avec ses deux fils Pierre, né en 1870 et Louis Auguste né en 1877. Ils étaient installés, jusqu’à la grande guerre, rue de Montrond. A la veille de la Première guerre mondiale, Pierre Hamel était devenu maître potier. Durant le conflit armé, les ateliers cessèrent toute activité. Après la guerre de 1914-1918, ne subsistait plus qu’un seul atelier que Louis Auguste Hamel créa rue de Montrond, près de l’école, en 1920-1921, deux ateliers et un four sont portés comme constructions neuves pour l’année 1925 (AC, matrice cadastrale, 1911-1955).

Louis Auguste Hamel exerça le métier de potier aidé de ses quatre fils : Hubert, l’aîné, Pierre, Louis (né en 1909) et Alphonse, le benjamin. Hubert tirait l’argile, Pierre habillait les pots, Alphonse préparait la terre, Louis tournait les pots avec son père. Ses trois filles, Marie, Maria et Madeleine s’occupaient de l’exploitation agricole jointe à la poterie, cinq – six vaches et quelques d’hectares de terre.

En 1939, l’atelier de Louis Auguste Hamel ferma ses portes, ses fils ayant été mobilisés. Le 9 novembre 1941, Louis Auguste Hamel mourut à l’âge de 64 ans. Après la guerre, l’atelier resta fermé. Son jeune fils Alphonse installa, près de l’église, une nouvelle poterie cuisant avec un four à flammes renversées : ce dernier décédait le 14 décembre 1977, avec lui s’arrêtait l’activité de poterie à Saint-Jacques-de-Néhou.

Installée près de l’école communale, la poterie de Louis Auguste Hamel se composait principalement d’un corps de bâtiments long d’environ 35 m parallèle à la rue de Montrond. Ce bloc bâti comportait de l’est à l’ouest, un étable-écurie, au centre deux habitations dont la maison du potier Louis Auguste Hamel et dans la partie ouest, l’atelier de poterie. Aujourd’hui, seule l’ancienne maison du potier est occupée agrandie par l’emplacement de l’atelier, tandis que la partie agricole sert de remisage et que l’autre habitation est abandonnée. Ce corps de bâtiment à un seul niveau, construit en pierres liées à la terre, est couvert d’une toiture à deux versants en ardoises.

Le four et la loge :

A l’écart de cet ensemble, à l’ouest, dans la cour, était construit le four à pots et la loge le précédant. Le four est détruit. En 1953, le four était encore visible « mais il était éventré et envahi par les ronces ». Depuis cette date, les vestiges du four ont été entièrement arasés pour laisser la place à un jardin légumier. Une photographie ancienne nous montre ce four qui fut construit en 1921 : une bonne semaine était nécessaire pour établir une telle construction. Ce four tunnel à tirage horizontal, bâti en briques et en torchis sur soubassements en pierres, d’une longueur d’environ 6 à 7 m. pour environ 3 à 4 m. de largeur, était orienté nord-sud. Un passage d’homme permettait l’accès de la loge, située au nord, au four – porte d’enfournement et porte de foyer en même temps.

A l’intérieur du four, à l’entrée, était une aire d’environ 0,8 m de côté, pavée de briques formant le foyer. La sole pleine du four, horizontale, était surélevée de quelques dizaines de centimètres par rapport à la fournaise. Les fumées et les gaz de combustion s’évacuaient par la partie postérieure du four constituée en grille ou têtière. Aucune cheminée ni carneaux n’existaient dans la voûte de ce four. Implantés de chaque côté des parois du four, à l’extérieur, quatre piquets en bois permettaient, avec l’aide de deux chaînes en fer, de ceinturer la maçonnerie de façon à éviter les fissurations et l’éclatement. Ce four devait être représentatif des fours traditionnels utilisés dans le Cotentin.

A l’avant du four, au nord, existe encore actuellement un petit bâtiment de plan quadrangulaire (5m x 6,5m) s’ouvrant à l’est par une porte et éclairé à l’ouest par une fenêtre, tandis qu’une cheminée était placée sur son pignon nord et que la porte d’enfournement se trouvait dans le pignon sud. Utilisé comme garage, ce bâti a été percé d’une large porte au nord pour laisser passer une automobile. Cette loge, édifiée en pierres jointoyées à l’argile, comporte une toiture à deux pans couverte de tuiles mécaniques couronnée de tuiles faîtières à boutons. Les piédroits des ouvertures et la cheminée sont faits de briques. Un grenier sous combles aménagé sur la loge était accessible par le dessus du four grâce à une porte disposée au haut du pignon sud. Ce grenier servait de braisière.

L’atelier :

Revenons à l’atelier de poterie attenant à la maison. L’élévation nord est percée par une porte et deux fenêtres, tandis que sur la façade sud trois petites baies étaient ouvertes pour éclairer les plans de travail (tours disposés près du mur sud). Toujours sur l’élévation sud, un petit abri fait saillie et communique avec l’atelier par une porte : ce réduit contenait un moteur à essence servant à actionner les tours et le broyeur disposé dans l’angle sud-est de la pièce. Le four de Louis Auguste Hamel était simplement éclairé, au sud, par un petit carreau (20 cm x 40 cm) et le tour de son fils Louis recevait la lumière par une fenêtre plus large. Auprès du tour de Louis Hamel, une petite niche était ménagée dans le pignon ouest afin de placer le petit matériel du potier. Le grenier situé au-dessus de l’atelier servait de séchoir. Dans la cour, au nord de l’atelier étaient installés un broyeur hippomobile et un terrier extérieur. Ces installations ont complètement disparu.

  • Murs
    • pierre
  • Toits
    ardoise, tuile mécanique
  • Étages
    1 étage carré, étage de comble
  • Couvertures
    • toit à longs pans
  • Énergies
    • énergie thermique produite sur place
  • État de conservation
    établissement industriel désaffecté
  • Entretien avec Louis Hamel, réalisé à Saint-Jacques-de-Néhou par Philippe Bernouis, 1989 [Louis Hamel a alors 80 ans, il est le seul des frères Hamel à être encore en vie].

Documents d'archives

  • AC Ger. Etats nominatifs, 1890 et 1906.

  • AC Ger. Matrice cadastrale, 1911-1955.

Périodiques

  • DALARUN, Marcel. Les potys de Mourot [potiers de Saint-Jacques-de-Néhou]. Parlers et traditions populaires de Normandie, N°56, Saint-Jean 1982, p. 127-133.

  • DALARUN, Marcel. Un artisanat disparu : Les potys de Mourot. Parlers et traditions populaires de Normandie, N°57, Saint-Michel 1982, p. 27-32.

  • LEPELLEY, Georges. [Articles sur la poterie de Saint-Jacques-de-Néhou]. La Presse de la Manche, 3, 10, 13, 19, 22, 24, 29 octobre et 2, 20, 25 novembre 1953.

Documents multimédia

  • TOUMIT, François. Des vases à fleurs de Néhou. Site de la Céramique traditionnelle en Normandie, mise en ligne le 4 février 2019.

  • TOUMIT, François. Le pot cochon de Néhou. Site de la Céramique traditionnelle en Normandie, mise en ligne le 12 février 2019.

Date d'enquête 1989 ; Date(s) de rédaction 1989
(c) Région Normandie - Inventaire général
(c) Histoire et Patrimoine Industriels de Basse-Normandie (HPI)
(c) Association des amis de la poterie de Ger
Tiercelin Evelyne
Tiercelin Evelyne

Association des amis de la poterie de Ger

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