En 1221, l’abbaye de l’Isle-Dieu reçoit par convention passée avec l’abbaye de Saint-Ouen dont elle dépend l’autorisation d’édifier dans sa basse-cour un moulin un blé alimenté par un bras dérivé de l’Andelle créé par les moines, moyennant une rente annuelle de 100 sols. Le 18 novembre 1691, les religieux de l’Isle-Dieu demandent à ceux de Saint-Ouen la modification de cette convention afin d’être autorisés à déplacer le moulin en dehors de l’enclos abbatial, suite aux nuisances engendrées par le cours d’eau qui entraîne le moulin tant sur les bâtiments abbatiaux que sur la santé des chanoines. La demande est refusée et le moulin est conservé au même endroit. La charte de 1221 est finalement ratifiée par l’abbaye de l’Isle-Dieu le 2 février 1711. Dès lors, les religieux de l’Isle-Dieu ne sont plus autorisés à recevoir leurs vassaux dans leur moulin : ces derniers doivent désormais porter leurs grains au moulin des religieux de Saint-Ouen établi à Perruel. Par ailleurs il leur revient de curer tous les ans le bief du moulin et de veiller à tenir ses écluses en bon état pour ne pas gêner le moulin de Perruel dépendant de Saint-Ouen.

Les baux de fermage étant de 3, 6 ou 9 ans, pas moins de 14 exploitants se succèdent sur le site entre la fin du XVIIe siècle et la fin du XVIIIe siècle. Outre le moulin à farine, le fermage comprend une écurie, un jardin et une pêcherie. Il implique également l’entretien du bief et du moulin (pour des menues réparations) par les bailleurs. Ainsi les travaux réalisés sur le moulin en 1779, date à laquelle il est reconstruit entièrement, par J. Masurier (date et nom portés sur l’édifice) ont été pris en charge par Louis Roberge, fermier du moulin de l’abbaye de l’Isle-Dieu de 1774 à 1783. L’estimation du moulin réalisée le 25 novembre 1790 avant sa vente comme bien national donne une description précise du bâtiment : il mesure 60 pieds de longueur sur 22 pieds de largeur et s’élève sur 21 pieds de hauteur. Il est construit en brique à l’exception du mur de tampane et des piles qui sont en pierre de taille et de grès. Sa charpente en bois porte une toiture couverte en tuile. Ses planchers sont en chêne. Il se compose de deux étages. Le rez-de-chaussée abrite le mouvant (moteur hydraulique), l’écurie et le cellier. Le premier étage sert de logement au meunier. Le moulin est alors loué et affermé pour la somme de 1 200 livres car le bâtiment est « de nouvelle construction ». Le tout est estimé à 25 500 livres.

Le 17 mai 1791, l’abbaye de l’Isle-Dieu est vendue en un seul lot avec un moulin à eau faisant de blé farine, comprenant boulangerie et autre bâtiments. L’ensemble est adjugé à Pierre Girault, bourgeois de Rouen, pour la somme de 230 200 livres. Le 25 octobre 1791, il est adjugé pour folle enchère à Jacques Nicolas Chaumont, négociant à Rouen. Il est ensuite rétrocédé par acte notarié en 1795 au négociant rouennais, Louis Thomas Quesnel, qui le met en location. En 1813, le meunier de l’Isle-Dieu a pour nom Jean Moniée (Monier). Un nouveau repère est fixé au moulin en 1821. Le cadastre napoléonien établi en 1835 mentionne Edouard Quesnel, son neveux, comme nouveau propriétaire du moulin et fait état d’un revenu annuel de 400 f. C'est le même Edourd Quesnel qui fonde à Perruel la filature de coton de l'Isle-Dieu en 1837 puis la filature la Rouge en 1845 et qui entre-temps investit également à Vascoeuil en rachetant en 1841 le moulin à blé établi sur la rivière du Crevon et la filature de coton la Blanche.

Le moulin à blé figure sur un plan de 1840, c’est la dernière mention de l’édifice dans les archives et on ignore s’il fonctionne encore après cette date. Associé à la ferme qui s’est installée sur les vestiges de l'ancienne abbaye, le moulin de l’Isle-Dieu est depuis longtemps reconverti en bâtiment agricole.