Étant donné son état de vétusté, le moulin banal de Charleval, est presque entièrement reconstruit en 1769 : le mur de tampane (c'est à dire le mur pignon traversé par l'arbre de la roue) est refait à neuf, de même que la charpente et le mécanisme « mouvant et tournant » placé au rez-de-chaussée, ainsi que l'étage servant alors de chambres (2) et de grenier. Le moulin à blé rénové est loué en 1783, séparément de la ferme seigneuriale, à Georges Viel. Au terme de son bail en 1792, ce dernier fait l'acquisition du bâtiment devenu bien national. En raison de son implantation à proximité de la place du marché, le moulin est dès lors dénommé moulin de Halle.
En 1821, le moulin à blé est racheté par M. Durand, propriétaire à Rouen. Deux ans plus tard, ce dernier formule le souhait d’établir, en face de son moulin, une filature de laine ou de coton qui bénéficierait du même repère placé à un mètre au-dessus du coursier. Le projet est autorisé par l'ordonnance royale du 31 mars 1824. Un plan de 1834 montre que les deux usines ont été réunies (la roue se trouvant désormais sous le plancher du moulin) et que seule l’activité textile a été maintenue. En 1835, la filature appartient à Georges Lamaury, médecin aux Andelys qui la loue à l'année pour la somme de 5 000 f. L'usine est à nouveau réglementée par l'ordonnance royale du 29 juin 1838 et bénéficie d’une chute de 2,45 m de hauteur. La filature Lamaury est détruite par un incendie en 1847.
Les vestiges de l'usine, propriété de Mme Veuve Lamaury, sont rachetés le 4 septembre 1888 par Lucien Charles Crespin, fondateur du moulin à blé de Ménesqueville en 1878. Celui-ci rend au site son usage primitif en y édifiant une minoterie dont il confie l'exploitation à son fils Gabriel. Devenu à son tour propriétaire des lieux en 1893, Gabriel Crespin (également exploitant du moulin à blé de l’Église situé immédiatement en aval) équipe l’usine d'une turbine hydraulique à axe vertical et fait installer des flotteurs régulateurs pour remédier aux fréquentes baisses de débit de la Lieure. Ces appareils agissent sur la vanne motrice pour procurer une force constante ce qui permet au moteur de conserver une vitesse régulière. La hauteur de chute n’est plus que de 1,90 m pour une puissance brute de 15 KW. Pour augmenter la capacité d’écrasement de sa minoterie, Gabriel Crespin y fait installer en 1902 une machine à vapeur demi fixe avec chaudière cylindrique horizontale à foyer tubulaire destinées à faire mouvoir des broyeurs à cylindres. En 1908, son fils Lucien Crespin hérite du moulin auquel il apporte bientôt quelques améliorations techniques. Ainsi en 1936 le minotier fait installer une chaudière Field construite par la société industrielle de Creil et vendue par les ateliers Brière et Robinson spécialisés dans les appareils de minoterie. Cette chaudière est destinée au réchauffage de l’air pour un conditionneur à blé. Lucien Crespin exploite la minoterie jusqu'à sa mort en 1958. L'établissement revient alors à ses neveux, Claude et Etienne Crespin, ce dernier en assurera la direction jusqu'en 1967.
Après cette date, le moulin est racheté par la Société Foncière et Immobilière de Charleval (Sofic) qui le cède rapidement à la société Lefébure Industries Réunies (LIR), spécialisée dans la fabrication de pièces moulées en matière plastique et le conditionnement des parfums. En 1988, l'entreprise abandonne le site qui est racheté par la commune. Jugé trop dangereux, il est détruit peu après.