Dossier d’œuvre architecture IA27000586 | Réalisé par
Real Emmanuelle
Real Emmanuelle

Chargée de recherches à l'Inventaire général du patrimoine culturel de Haute-Normandie, puis de Normandie, depuis 1992. Spécialité : patrimoine industriel.

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  • patrimoine industriel, patrimoine industriel du bassin hydrographique de l'Andelle
indiennerie Liesse puis Hutrel puis Daliphard, puis usine de moteurs hydrauliques Blot, dite usine de la Bove
Œuvre étudiée
Auteur
Copyright
  • (c) Région Normandie - Inventaire général
  • (c) Collection particulière

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton bassin hydrographique de l'Andelle - Romilly-sur-Andelle
  • Hydrographies la Lieure (affluent de l'Andelle)
  • Commune Charleval
  • Lieu-dit La Bove
  • Cadastre 1836 D 20 à 31  ; 2019 AM 289
  • Dénominations
    usine d'impression sur étoffes, scierie, usine de construction mécanique, usine de matériel d'équipement industriel
  • Précision dénomination
    fabrique d'indiennes, usine de moteurs hydrauliques
  • Appellations
    usine de la Bove
  • Parties constituantes étudiées
  • Parties constituantes non étudiées
    bief de dérivation

En 1778, Martin Liesse, imprimeur dans la fabrique d'indienne rouennaise de Noël Fleury, décide de se mettre à son compte et obtient par bail du marquis Delafosse, deux vastes parcelles sur la commune de Charleval, au lieu-dit de la Bove, pour «y étendre toutes les toiles, indiennes et marchandises qu’il jugerait à propos », autrement-dit pour y fonder sa propre indiennerie. Le bail prévoit également la location d’une demeure voisine qu’il transforme, avec le consentement du propriétaire, en atelier d'imprimerie sur tables. L'indiennerie de Martin Liesse est implantée sur la Lieure dont l’eau claire et abondante est utilisée pour le trempage et le rinçage des toiles et comprend une dizaine de bâtiments : ateliers de gravure, d'impression, de teinture et autres dépendances. Pour compléter l'ensemble, Martin Liesse annexe des prairies voisines, y fait aplanir le sol et élever des digues dans le but de faire sécher à l'air libre toutes les toiles produites dans son établissement. Martin Liesse fait appel pour la gravure de ses planches à imprimer, au dessinateur-graveur Jean-Antoine Rigaud qui restera à son service pendant près de 20 ans, se réservant pour sa part le travail de colorisation. En 1783, lors du renouvellement du bail, un nouvel atelier est édifié.

Après la Révolution Française, Martin Liesse profite de la vente des biens nationaux pour se rendre acquéreur des immeubles qu'il louait jusqu'alors. En 1789, la fabrique emploie une centaine d'ouvriers et devient sous le Consulat l'indiennerie la plus florissante de la région. Elle totalise alors trente tables d'impression et occupe 300 ouvriers. Ceux-ci résident pour la plupart dans les communes environnantes mais logent à Charleval chez un maître de pension durant la période d'activité de la fabrique, soit de mars à novembre. En hiver, l'activité est arrêtée en raison des intempéries qui rendent impossible le séchage des toiles en plein air. L'indienneur profite donc de cette période de chômage pour s'approvisionner en calicots et en siamoises à la halle de Rouen où il tient une maison de commerce. C’est là qu’il écoule les 12 000 pièces imprimées que sa fabrique de Charleval produit chaque année.

A partir de 1806, la production régresse et tombe à 9 000 pièces par an. La fabrique emploie tout de même 260 ouvriers, et son équipement est estimé à 65 000 livres. C’est à cette époque que Martin Liesse s'associe à Jean-Baptiste Vacossin avant de se retirer définitivement des affaires. Malgré les efforts des deux associés, la fabrique n’occupe plus que 73 hommes et 21 femmes en 1810 et produit 4 000 mouchoirs par an. La faillite de l’entreprise ne peut être évitée et l’ensemble des biens fait l’objet d’une vente par adjudication le 3 novembre 1819.

La fabrique d’indienne est rachetée par Michel Hutrel, un entrepreneur rouennais, qui engage aussitôt sa modernisation : il fait percer sur son terrain un canal de dérivation de 230 m de longueur et d’1,5 m de largeur et y installe une machine à battre les toiles mue par une roue hydraulique. L'usine fonctionnant jusqu’alors sans autorisation administrative, Michel Hutrel demande en 1823 la permission de conserver son moulin à battre les toiles. Pour obtenir l’accord de l’administration, il se voit contraint à quelques réaménagements pour palier ses exactions : il est en effet accusé à raison d’avoir détourné l’eau de la rivière à son profit en créant sur son terrain ce bief de dérivation sans le consentement des propriétaires de la rive gauche et d'avoir construit sur ce canal un barrage en pieux et planches pour produire une importante chute. L’autorisation légale de conserver son moulin lui est finalement accordée par l'ordonnance royale du 23 avril 1829, à condition de remplacer le barrage illégal par un déversoir en maçonnerie de 2 m de large.

Après le décès de Michel Hutrel, ses héritiers s'associent à Victrix Delanos, commerçant à Rouen. L'usine est à nouveau réglementée par l'ordonnance royale du 7 mai 1840 qui modifie la hauteur de la retenue et du repère de l’usine fixée par la précédente ordonnance royale, et ordonne la construction d’un aqueduc maçonné à la naissance du canal de dérivation de son usine. La roue motrice est placée dans un coursier de 0,68 m de largeur. Parallèlement il fait édifier au voisinage de son usine, une cité ouvrière de 12 logements. Le 5 novembre 1841, l’indiennerie est transmise par héritage à la nièce de Michel Hutrel, Marie Françoise Engerant épouse Gallot puis Durand, mais la famille Delanos en assure toujours l’exploitation. D’après l’enquête industrielle de 1847, l’indiennerie Delanos fils dépense 189 000 f en matière première et dégage annuellement 254 250 f de valeur de production. Elle emploie à cette date 50 hommes et 47 enfants. En 1849, la fabrique d’indienne de Mme Vve Gallot est louée 4000 f et donne un impôt de 900 f. L’usine cesse de fonctionner comme indiennerie dans les années 1860 et ses installations sont reconverties quelque temps au travail de la laine et plus spécifiquement au dégraissage des draps.

En 1887, suite à la mise en vente par adjudication publique des biens de l'héritière de Michel Hutrel, l'ensemble des bâtiments industriels et une partie de la cité Hutrel sont rachetés pour la somme de 30 000 f par l'indienneur Auguste Daliphard qui exploitait depuis 1842 en association avec Nicolas Dessaint, l’indiennerie de Radepont fondée en 1800 par les frères Anty.

En 1890, Auguste Daliphard cède son usine à Isidore Blot, mécanicien constructeur qui occupait déjà, comme locataire, l'ancienne fabrique d'indiennes reconvertie en scierie et en atelier de construction mécanique spécialisés dans la fabrication de moteurs hydrauliques, roues et turbines. L’établissement d'Isidore Blot emploie une dizaine d’ouvriers au début du XXe siècle. Son fils, Edouard Blot (maire de Charleval de 1925 à 1945) poursuit l'activité de l'usine sous son nom jusqu’en 1942, puis sous le nom de Blot-Massien jusqu’en 1948. Durant toute cette période, la force hydraulique de la Lieure est continuellement sollicitée pour entraîner une grande partie des machines à bois. En 1948, l’usine de construction mécanique est reprise par MM. E. De Vriendt et F. Clybouw, puis rachetée en 1985 par la société Métalab. Le dernier atelier de l'usine de la Bove est finalement rasé en 2000 pour fait place à un supermarché.

  • Période(s)
    • Principale : 4e quart 18e siècle , daté par travaux historiques , (détruit)
    • Principale : 1er quart 19e siècle , daté par travaux historiques , (détruit)
    • Principale : 2e quart 19e siècle , daté par travaux historiques , (détruit)
    • Principale : 3e quart 19e siècle , daté par travaux historiques , (détruit)
    • Principale : 4e quart 19e siècle
    • Principale : limite 20e siècle 21e siècle , daté par travaux historiques , (détruit)
  • Dates
    • 1778, daté par travaux historiques
    • 1783, daté par travaux historiques
    • 1819, daté par travaux historiques
    • 1840, daté par travaux historiques
    • 1890, daté par travaux historiques
    • 2000, daté par travaux historiques
  • Auteur(s)

L'indiennerie comptait, dans les années 1830-40, une quinzaine de bâtiments de plan rectangulaire massif ou allongé. Deux d'entre eux était bâtis à cheval sur la Lieure et dotés chacun d'une roue hydraulique. Les autres étaient implantés le long de la Lieure ou du canal dit le rü des Prés, une dérivation de la rivière Andelle qui bordait le site à l'ouest. Cette configuration montre l'importance de l'eau dans l'activité d'indiennage, tant comme matière première que comme force motrice. A la fin du XIXe siècle, lorsque l'indiennerie est reconvertie au travail du bois et du métal, seuls les bâtiments dotés d'un moteur hydraulique sont conservés et reconvertis pour l'un en scierie, pour l'autre en atelier de mécanique. Seul ce dernier subsiste dans les années 1980 et consiste en un atelier en brique de deux étages et de 202,5 m2 de surface au sol (soit 22,50 m sur 9 m). Il est détruit en 2000.

  • Murs
    • brique
  • Toits
    ardoise
  • Étages
    2 étages carrés
  • Élévations extérieures
    élévation à travées
  • Couvertures
    • toit à longs pans pignon couvert
  • Énergies
    • énergie hydraulique produite sur place
  • État de conservation
    détruit
  • Statut de la propriété

Documents d'archives

  • AD Eure. Série E. Sous-série 4 E : 4 E 50/69 - Notaire de Charleval.

    Bail du marquis Delafosse à Martin Liesse pour l’établissement d’une fabrique d’indienne, 1778.
  • AD Eure. Série E. Sous-série 4 E : 4 E 50/70 - Notaire de Charleval.

    Renouvellement du bail du marquis Delafosse à Martin Liesse et construction d’un nouveau bâtiment de production, 1783.
  • AD Eure. Série M ; Sous-série 6 M : 6 M 1240. Statistiques industrielles et commerciales.

    Statistiques industrielles, 1806.
  • AD Eure. Série M ; Sous-série 6 M : 6 M 1240. Statistiques industrielles et commerciales.

    Etat des manufactures de toiles peintes, 1806.
  • AD Eure. Série M ; Sous-série 6 M : 6 M 1240. Statistiques industrielles et commerciales.

    Statistique industrielle, 1812.
  • AD Eure. Série S ; Sous-série 19 S : 19 S 41. Cours d'eau et usines hydrauliques. Rivière de la Lieure.

    Pétition Hutrel, 19 avril 1823.
  • AD Eure. Série S. Sous-série 18 S : 18 S 511. Cours d'eau et usines hydrauliques. Rivière de la Lieure. Charleval.

    Pétition Hutrel, 19 avril 1823.
  • AD Eure. Série S ; Sous-série 19 S : 19 S 41. Cours d'eau et usines hydrauliques. Rivière de la Lieure.

    Arrêté préfectoral, 9 octobre 1824.
  • AD Eure. Série S ; Sous-série 19 S : 19 S 41. Cours d'eau et usines hydrauliques. Rivière de la Lieure.

    Rapport de l’ingénieur des Ponts et Chaussées, 19 novembre 1824.
  • AD Eure. Série S ; Sous-série 19 S : 19 S 41. Cours d'eau et usines hydrauliques. Rivière de la Lieure.

    Plan de situation de l’usine de Michel Hutrel, 20 janvier 1824.
  • AD Eure. Série S. Sous-série 18 S : 18 S 511. Cours d'eau et usines hydrauliques. Rivière de la Lieure. Charleval.

    Plan de situation de l’usine de Michel Hutrel, 20 janvier 1824.
  • AD Eure. Série S ; Sous-série 19 S : 19 S 41. Cours d'eau et usines hydrauliques. Rivière de la Lieure.

    Ordonnance royale, 23 avril 1829.
  • AD Eure. Série S. Sous-série 18 S : 18 S 511. Cours d'eau et usines hydrauliques. Rivière de la Lieure. Charleval.

    Ordonnance royale, 23 avril 1829.
  • AD Eure. Série S ; Sous-série 19 S : 19 S 41. Cours d'eau et usines hydrauliques. Rivière de la Lieure.

    Ordonnance royale, 7 mai 1840.
  • AD Eure. Série S. Sous-série 18 S : 18 S 511. Cours d'eau et usines hydrauliques. Rivière de la Lieure. Charleval.

    Ordonnance royale, 7 mai 1840.
  • AD Eure. Série S. Sous-série 18 S : 18 S 511. Cours d'eau et usines hydrauliques. Rivière de la Lieure. Charleval.

    Arrêté préfectoral, 10 octobre 1844.
  • AD Eure. Série S. Sous-série 18 S : 18 S 510. Cours d'eau et usines hydrauliques. Rivière de la Lieure. Charleval.

    Plan de situation de la fabrique d’indiennes de la Vve Gallot située en amont du moulin à blé Lancelevée, 7 juin 1848.
  • AD Eure. Série S. Sous-série 19 S : 19 S 31. Cours d'eau et usines hydrauliques. Rivière du Fouillebroc.

    Lettre au préfet de l’Eure, 20 juillet 1849.
  • AD Eure. Série S. Sous-série 18 S : 18 S 511. Cours d'eau et usines hydrauliques. Rivière de la Lieure. Charleval.

    Arrêté préfectoral, 7 septembre 1885.
  • AD Eure. Série S. Sous-série 18 S : 18 S 511. Cours d'eau et usines hydrauliques. Rivière de la Lieure. Charleval.

    Arrêté préfectoral, 7 avril 1891.
  • AD Eure. Série S. Sous-série 18 S : 18 S 511. Cours d'eau et usines hydrauliques. Rivière de la Lieure. Charleval.

    Pétition Edouard Blot, 5 juin 1907.
  • AD Eure. Série S. Sous-série 18 S : 18 S 511. Cours d'eau et usines hydrauliques. Rivière de la Lieure. Charleval.

    Rapport de l’ingénieur ordinaire, 22 juillet 1907.
  • AD Eure. Série J ; Sous-série 1 J : 1 J 465. État récapitulatif des usines hydrauliques existantes au 31/12/1926 dans l’Eure.

    Information usine Blot.
  • AD Eure. Série W : Sous-série 18 W : 18 W 93. Administrations, depuis 1940. Installations classées. Charleval.

    Lettre à la préfecture de l’Eure, 16 février 1948.
  • AD Eure. Série W : Sous-série 18 W : 18 W 93. Administrations, depuis 1940. Installations classées. Charleval.

    Plan des ateliers De Vriendt et F. Clybouw, 1948.

Bibliographie

  • BN Paris-Richelieu-Louvois. O 600. Enquête industrielle, 1847.

    Usine d'impression sur étoffes Delanos fils.
  • PASSY, Louis. Rapport sur le progrès de l'Agriculture et de l'Industrie dans l'arrondissement des Andelys. 1862.

    p. 65
  • CHASSAGNE, Serge. Le coton et ses patrons. France, 1760-1840. Paris : EHESS, 1992.

    p. 106, p. 171
  • TAUPIN, Robert. Moulins et usines à Charleval. 1997.

    p. 4, 9-16
  • DORE, Mylène. Quand les toiles racontent des histoires – les toiles d’ameublement normandes au XIXe siècle. Rouen : Ed. des Falaises, 2007, 247 p.

    p. 56
  • BELHOSTE, Jean-François. La vallée de l’Andelle : histoire et archéologie industrielles (1780-1870). In Tisser l’histoire. L’industrie et ses patrons. Mélanges offerts à Serge Chassagne. Valenciennes : Presses universitaires de Valenciennes, 2009. 406 p.

    p. 44, 55

Périodiques

  • BELHOSTE, Jean-François. L'Andelle, une grande vallée textile normande. L'archéologie industrielle en France, 2008, n°53.

    p. 35

Annexes

  • Détail des sources
Date d'enquête 2015 ; Date(s) de rédaction 2016
(c) Région Normandie - Inventaire général
Real Emmanuelle
Real Emmanuelle

Chargée de recherches à l'Inventaire général du patrimoine culturel de Haute-Normandie, puis de Normandie, depuis 1992. Spécialité : patrimoine industriel.

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