Le 7 janvier 1823, Jean-Baptiste Gabriel Decean, demeurant à Fleury-la-Forêt, demande l'autorisation à l’administration des Ponts et Chaussées d’aménager une chute d'eau au lieu-dit du Roule afin d'établir une filature de coton mue par une roue hydraulique placée sur la Lieure. Le pétitionnaire a racheté le terrain au Marquis de Frémont, dit Marquis de Rosay, et est alors propriétaire des deux rives de la rivière sur une longueur de 60 m. Son projet consiste à ouvrir un canal de dérivation sur la rive gauche de la Lieure pour y placer la roue qui doit actionner sa filature et à former une retenue au moyen d’un barrage établi en travers de la rivière. La perspective de telles transformations provoque l’opposition du Marquis de Rosay, à cette époque maire de la commune, qui craint que l’eau ne reflue dans les prairies et bois qu’il possède en amont. Cette opposition va retarder quelque peu le projet de Jean-Baptiste Decean. Celui-ci obtient enfin, par l'ordonnance royale du 21 décembre 1825, l’autorisation d’ouvrir sur sa propriété le canal de dérivation devant alimenter la filature projetée. En juin 1826, le procès-verbal de visite des travaux réalisé par l’ingénieur des Ponts et Chaussées atteste que le canal et la filature sont bien construits à cette date. L’usine est mise en activité la même année.
D’après l’enquête industrielle de 1847, la filature du Roule a une valeur locative de 4 000 F et est soumise à une patente de 299 F. La valeur annuelle des matières premières qui y sont utilisées s’élève à 80 000 F et la valeur annuelle des produits finis se monte à 123 000 F. L’usine emploie à cette date 45 personnes dont 14 hommes, 21 femmes et 10 enfants et est équipée de 33 machines et métiers, totalisant 2 000 broches. A cette date l’usine appartient à Mme Vve Manneville (fille de M. Decean) qui demeure 29 rue du Renard à Rouen et son exploitation est confiée à M. Pierre Grenier qui en est locataire. La même année, elle expose dans une lettre adressée au préfet que suite au passage de l’ingénieur des Ponts et Chaussées pour le replacement du repère de l’usine qui avait été enlevé, ce dernier estimant que sa prise d’eau était trop importante a donné l’ordre d’ouvrir les vannages de décharge. Il en résulte que l’usine, faute d’être suffisamment alimentée en eau, n’est plus en mesure de fonctionner. Mme Vve Manneville alerte le préfet des conséquences de cette décision qui "réduit à la mendicité le personnel de sa filature" et requiert l’obtention d’une prise d’eau un peu plus élevée. L’autorisation lui est accordée par le décret présidentiel du 6 novembre 1848. Elle peut ainsi relever de 20 cm la retenue d’eau fixée par l’ordonnance du 21 décembre 1825 qui règle l’usine. Celle-ci est alors dotée d’un nouveau repère.
En 1857, Jean-Charles Manneville, petit-fils de Jean-Baptiste Decaen, hérite de la filature qui compte alors 2 300 broches. Frappée par la crise cotonnière des années 1860, l’usine du Roule décline et est finalement mise en vente en juin 1874.
La filature et ses dépendances sont rachetées par Émile Gilles, boisselier de métier et demeurant à Rouen, le 24 mars 1877 pour la somme de 14 000 F, par acte passé devant Maitre Layer, notaire à Rouen. L'acte de vente précise qu’il s’agit d’un "établissement à usage de filature pouvant être mis facilement à tout autre usage, mu par une chute d'eau de la force de douze chevaux...". Cette propriété d'une contenance de quatre-vingt-seize ares (soit un hectare environ) est traversée par deux bras d'eau. Elle se compose d'un grand bâtiment divisé en deux parties, l'une à usage de filature, l'autre servant d'habitation et des diverses autres construction consistant en batteur, dévidoir, magasin, écurie et cellier, roue avec son hydraulique. Le tout est entouré de cour et jardin. Suite à cette vente, la filature est reconvertie en scierie-boissellerie où sont produits des objets de la vie quotidienne : brouettes, fléau, joug, chaufferette, sabots, boîtes… En avril 1901, M. Laval, directeur de la scierie Gilles-Alipray demande l’autorisation de détourner temporairement l’eau de la Lieure pour remplacer « la roue à palettes » de son usine par une turbine hydraulique plus puissante. Celle-ci lui est accordée par l'arrêté préfectoral du 3 juillet 1901.
La scierie du Roule ferme en 1937 et les bâtiments sont rachetés par la société Isodio, dont le siège est à Neuily, spécialisée dans la fabrication de pièces moulées en bakélite puis en acétate de cellulose (boutons, poignées..). Elle est notamment le fournisseur agréé du ministère des Armées, des PTT et des chemins de fer. Elle réutilise, pour son fonctionnement, la turbine hydraulique en place et lui associe une dynamo pour produire de l'électricité. Outre l'usine du Roule, la société Isodio rachète au même moment et dans le même but la scierie de Marcel Douville établie à Charleval sur la Lieure. En 1961, pour développer son activité, elle édifie dans le prolongement de l’ancienne filature, le long de la Lieure, un vaste bâtiment moderne en béton, à usage d'atelier de fabrication (moulage, polissage, mécanique). L'ancienne filature est alors transformée en habitations (3 logements), en laboratoire, vestiaire et cabinet d'aisance, les autres bâtiments servant de remises. La société Isodio cesse son activité en 1982. Après plus de 10 années d'abandon, l’usine du Roule est rachetée par un propriétaire privé et transformée en habitations.