Natif de Falaise, André Lemaitre a peint dès sa prime enfance, suscitant l'admiration de son entourage. Il connaît à 7 ans un drame familial en apprenant le décès de son père, coiffeur de profession, au champ d'honneur à Verdun ; il en portera le deuil toute sa vie. Il devient pupille de la Nation en 1921. A l'issue de sa formation à l’École Normale de Caen, il est nommé instituteur à Saint-Contest puis à Canon en 1929, à Billy (canton de Bourguébus) en 1932, après son service militaire où il restera en poste 27 ans, et enfin de nouveau à Canon en 1963. En l'absence de formation académique, c'est la rencontre de personnalités qui va l'introduire dans le monde artistique, d'abord à l'échelle régionale puis nationale. A Canon, il fait la connaissance de Charles Toutain qui l'encourage à exposer au Salon des Artistes Bas-Normands et le présente à d'autres artistes locaux tels Pierre Levavasseur et l'abbé jean d'Aligault. Puis, sous l'Occupation, il expose, à l'instigation de Paul-Elie Gernez, à Paris au Salon d'Hiver et au Salon de l’École Française, plus tard au Salon d'Automne et à celui des artistes indépendants.

A ses débuts, l'artiste se révèle proche du courant impressionniste. La découverte des œuvres de Cézanne à l'exposition organisée en 1936 par le Musée de l'Orangerie à Paris bouleverse sa conception de la peinture suivant l'injonction du maître : "quand la couleur est à sa richesse, la forme est à sa plénitude" (à Émile Bernard). Il peint désormais en larges touches avec des pinceaux de plus en plus larges "pour capter vite et mieux son impression première". Durant la Seconde Guerre mondiale, il se tourne vers le fauvisme et en particulier Maurice Vlaminck dont il se sent proche. Comme pour lui, la peinture sert d'antidote à sa révolte et à ses frustrations : "Cette peinture forte et brutale zébrée d'éclairs me combla par ses excès". La pénurie de toiles le conduit à peindre sur isorel. Après guerre, il connaît un certain succès, vendant ses œuvres à Paris à de grands collectionneurs. Il démissionne de son poste d'instituteur pour se consacrer exclusivement à la peinture et acquiert une propriété à Cesny-aux-Vignes au sud-est de Caen en 1960. Dans son atelier, il affirme son style propre, puissant et vigoureux, formé de larges touches verticales, horizontales et obliques pour évoquer ce qui l'entoure avec un regard introspectif singulier. "Au fur et à mesure que je deviens savant, mon réalisme apparent se fond encore plus dans la couleur, ce n'est ni tout à fait réalisme ni tout à fait abstrait, c'est du réalisme abstrait". De sa "peinture gestuelle" naissent des compositions à la fois charpentées et sensuelles empreintes de mélancolie. En atelier, elles parviennent à maturité après un lent processus de méditation.

André Lemaitre a essentiellement peint dans la région qui l'a vu naître, de Falaise à Honfleur, en passant par la plaine de Caen et le Pays d'Auge. Il se veut le chantre de la Normandie "intime, rurale et silencieuse" (René Garrec), de ses bocages et de ses mares, de ses pommiers et de ses habitants. Il réalise aussi des natures mortes, des portraits et des nus, des compositions plus élaborées où il rend hommage à la grande histoire (Guillaume le Conquérant à Hastings, 1966), à la religion ou aux hommes qui ont compté pour lui (Courbet, Manet, Millet, Géricault...). Cependant, le sujet ne l'intéresse pas en tant que tel car il constitue pour lui un prétexte à "étaler la couleur". C'est la peinture seule qui devient le sujet du tableau, qui traduit les affects de l'artiste jouant sur les vibrations contrastées de "valeurs tactiles". Il laisse une œuvre prolifique de près de 4000 toiles. Le musée qui lui est dédié à Falaise a été créé en 2000. Le Département du Calvados détient une centaine d’œuvres de l'artiste ainsi que des objets lui ayant appartenu. Son œuvre a fait l'objet de nombreuses rétrospectives et a atteint une notoriété internationale. L'artiste a été récompensé de plusieurs distinctions, notamment en 1972 au Salon des Artistes français. La même année, il devient le Président des Artistes Bas-Normands.