Le tableau (Inv. 2077) a été acquis par la Région Basse-Normandie le 3 mai 1994 pour un montant de 50 000 francs (7 622 euros) dans le cadre d'une commande publique de la collectivité pour une exposition - intitulée En regard de Guernica, de la fragmentation à l'anéantissement - organisée en 1994 à l'abbaye aux Dames à l'occasion du cinquantième anniversaire de la commémoration du Débarquement et de la Bataille de Normandie et plus précisément en hommage aux populations civiles. Les artistes devaient se référer à l’œuvre Guernica de Picasso.

Natif de Ségrie-Fontaine (Orne), Jacques Pasquier revient en Normandie pour s'établir à Caen en 1957 après quelques années passées à Paris. Dès lors, il mène une activité polymorphe qui le conduit, tout en poursuivant la peinture, à l'écriture, à la création de costumes et de décors pour le théâtre. Il réalise également plusieurs peintures murales en Normandie, s'initie à la gravure auprès de Jacques Gauthier puis à la lithographie avec Henri Thomas à l’École des Beaux-Arts de Caen dans les années 1960-1970 et produit des sculptures en terre cuite. Il joue un rôle important dans la vie artistique caennaise en ouvrant une galerie à Caen (1957-1962) où il expose non seulement ses œuvres mais aussi celles d'autres artistes. Ses voyages le conduisent dans le monde entier au cours desquels il ne cesse de créer. Artiste prolifique, il répond en 1994 à la commande de la Région désireuse de susciter des créations contemporaines en lien avec le bombardement de la ville de Guernica et l’œuvre mondialement connue de Picasso. Dans ce tableau, intitulé "Avril 94, n°1. Guerre", le profil de deux êtres en buste se font face. Ils ne sont que chair vérolée, d'un rose douteux, et dans leurs yeux ne filtrent que le néant de la destruction. Semblables dans leur inhumanité, ces clones disent l'absurdité de la guerre qui détruit tout. Monstrueux, ils en expriment à eux seuls la cruauté et le cynisme que le cadrage rend palpables et que renforce la technique (laque sur toile). Ce tableau est une fenêtre ouverte sur une interrogation posée en avril 1994, première d'une série restée sans réponse : pourquoi la guerre?

Après sa "période d'irisation" durant laquelle il expérimente d'autres outils comme le petit rouleau de mousse, Pasquier s'empare au début des années 1990 de la technique du dripping au moyen d'une boîte percée par laquelle s'écoule la laque sur la toile (ou le papier) positionnée au sol. Grâce à cette technique, l'artiste joue sur le dédoublement et la symétrie. Le tableau de la collection régionale, qui appartient à cette période, est particulièrement représentatif de cette expérimentation originale.