Cette Bourse du Travail, jamais réalisée, devait être construite à proximité de l´Hôtel de Ville, dans un vaste quadrilatère compris entre les rues Henry, Fraenckel, Thiers et Lefort, sur un îlot sinistré, qui, bien que figurant dans le périmètre de reconstruction, ne fut pas numéroté et reçut finalement une autre affectation.Avant la Seconde Guerre Mondiale, la ville d´Elbeuf possédait déjà une bourse du travail, qui se trouvait dans la cour de l´Hôtel des Postes, rue Camille Randoing, mais ses installations étaient précaires et insuffisantes.Dans son modificatif au Projet d´Aménagement et de Reconstruction de la ville d´Elbeuf (daté du 20 septembre 1945), l´urbaniste François Herr annonça que cette enclave occupée par la bourse du travail serait rendue à l´administration des Postes, Télégraphes et Télécommunications pour qu´elle puisse s´étendre. Dans le même temps, une nouvelle bourse du travail, moderne et plus spacieuse, serait édifiée sur un îlot sinistré bordant la rue Henry.Sur cet îlot se trouvaient avant le conflit les établissements Guérin-Roze et Lemaire, spécialisé dans la fabrique de bonneterie, d´articles de ville et de plage et de costumes de bain. Ils avaient été gravement endommagés par le bombardement du 7 mai 1944.Lors de l´enquête publique sur le projet de Herr, qui fut menée auprès de la population d´Elbeuf du 7 au 16 septembre 1946, la future bourse du travail de l´îlot Henry ne recueillit que deux déclarations hostiles. Elles émanèrent des établissements Guérin-Roze et Lemaire en personne, qui, s´inquiétant de leur possible expropriation, jugèrent qu´un tel bâtiment serait bien trop disproportionné pour une cité de la taille d´Elbeuf.Leurs doléances ne furent pas retenues puisque le projet de bourse du travail subsista dans le dossier que Herr présenta au Ministère de la Reconstruction et de l´Urbanisme, officiellement approuvé le 30 avril 1947. En conformité avec son contenu, le quadrilatère formé par les rues Henry, Fraenckel, Lefort et Thiers fut donc affecté à un usage de service public.La construction de la bourse du travail prit néanmoins du retard. Le 26 mars 1948, lors d´une réunion à la mairie d´Elbeuf, les établissements Guérin-Roze et Lemaire firent savoir qu´ils avaient toujours le souhait de reconstruire sur leur ancien emplacement, si la municipalité se décidait à renoncer à ses premières intentions.
Mais cette dernière précisa ses desseins le 10 mai 1948, lors d´une nouvelle réunion du Conseil Municipal. La future bourse du travail comprendrait une grande salle d´une contenance de 3000 personnes au rez-de-chaussée ; à l´étage, elle accueillerait des salles plus réduites et les bureaux syndicaux. L´architecte local Raymond Laquerrière fut chargé de lancer une étude préalable. Lors d´une nouvelle délibération du 19 juillet 1949, le Conseil Municipal d´Elbeuf estima toutefois que la parcelle choisie dépassait de loin les besoins nécessaires à la construction de la future Bourse du Travail. Il renonça donc à la servitude d´usage public frappant l´un des immeubles de l´îlot, situé à l´angle sud-est du quadrilatère et dont le propriétaire était un certain M. Courtois.
En septembre 1949, le Ministère de la Reconstruction informa la mairie d´Elbeuf que si rien de concret n´était réalisé sur la parcelle, son droit de priorité à la reconstruction serait supprimé. La municipalité n´avait alors toujours pas stipulé clairement ses ambitions.Parallèlement, les héritiers Roze-Guérin-Lemaire insistèrent pour que la surface de la Bourse du Travail soit encore réduite, pour leur permettre de reconstruire eux aussi leurs locaux selon leurs besoins. Mais comme rien ne fut fait en ce sens, ils déposèrent un dossier de reconstruction sur la totalité de leur parcelle, sans tenir compte de la bourse du travail, auprès du Ministère de la Reconstruction et de l´Urbanisme, en 1951.Le 7 décembre 1951, le cas de la bourse du travail fut à nouveau examiné lors d´une réunion de coordination des travaux, qui se tint à Rouen. Etant donné le caractère monumental de l´édifice projeté, deux solutions furent proposées :
- revenir à la totalité de la réserve sur l´îlot entier et annuler toutes les rétrocessions de parcelles consenties
- ou changer d´emplacement pour bâtir la bourse du travail
Le 4 décembre 1952, la question fut examinée par le Ministère de la Reconstruction, qui finit par trancher : beaucoup de réalisations se présentaient alors comme bien plus urgentes. De plus, l´architecte en chef chargé de la Reconstruction d´Elbeuf, Marcel Lods, souligna combien la Direction de l´Architecture se montrerait hostile à un îlot comprenant à la fois de l´habitation et un bâtiment de nature différente. Selon lui, il serait plus sage de sortir la Bourse du Travail de l´îlot Henry et de l´édifier ailleurs, seule ou accolée à d´autres édifices publics.Le Conseil Municipal d´Elbeuf entérina cette décision le 7 mars 1952 : la réalisation de la Bourse du Travail sur l´îlot Henry soulevant trop de difficultés insurmontables, il fut décidé de la transférer sur une propriété communale sise au 61 cours Carnot.
Conservatrice en chef du Patrimoine