Dossier d’œuvre architecture IA27002665 | Réalisé par
Real Emmanuelle (Contributeur)
Real Emmanuelle

Chargée de recherches à l'Inventaire général du patrimoine culturel de Haute-Normandie, puis de Normandie, depuis 1992. Spécialité : patrimoine industriel.

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  • patrimoine industriel, patrimoine industriel du bassin hydrographique de l'Andelle
filature de coton dite la Grande filature, puis scierie Barbotte et Cie puis Douville, puis usine de rouissage et de teillage de lin Opsomer
Œuvre étudiée
Copyright
  • (c) Région Normandie - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton bassin hydrographique de l'Andelle - Romilly-sur-Andelle
  • Hydrographies la Lieure (affluent de l'Andelle)
  • Commune Ménesqueville
  • Lieu-dit La planche bottée
  • Cadastre 1835 A 560  ; 2018 A 595
  • Dénominations
    filature, scierie, usine de préparation de produits textiles
  • Précision dénomination
    filature de coton, fabrique de galoches et de talons de bois, usine de teillage et de rouissage de lin
  • Appellations
    la Grande filature, scierie Barbotte, scierie Douville, linerie Opsomer
  • Parties constituantes étudiées
  • Parties constituantes non étudiées
    logement patronal, bief de dérivation, vanne

En 1822, MM. Jacques Durand et Guillaume Viel (commerçant et maire de Charleval), propriétaires indivis d’une prairie traversée par le Fouillebroc, située à Menesqueville au lieu-dit de la Planche Bottée, déclarent l’intention d’y faire construire deux usines hydrauliques, l’une à usage de filature de coton et l’autre de moulin à papier. Ils prévoient, pour le bon fonctionnement de leurs établissements, l’ouverture d’un canal de dérivation de 4 m de largeur et la création d’une chute en rétablissant un barrage établi initialement pour les irrigations. L’année suivante, sans attendre l’autorisation préalable, Guillaume Viel lance la construction d’une filature du coton. Informée de son projet, l’administration des Forêts, craignant que les ouvriers de la nouvelle usine occasionnent des déprédations sur la forêt royale très proche, l’enjoint à suspendre ses travaux jusqu’à obtention de l’autorisation exigée par l’ordonnance royale de 1669 visant à protéger les ressources forestières du Royaume.

La construction de la Grande filature, c’est ainsi qu’elle est surnommée, est finalement autorisée par l’ordonnance royale du 6 janvier 1826 à condition que les deux propriétaires, Guillaume Viel et Jacques Durand, établissent un canal de dérivation de 4 m de largeur, comme prévu initialement. L’usine, édifiée à cheval sur la rivière, consiste en un vaste bâtiment en brique comprenant huit travées et s’élevant sur trois niveaux plus les combles. Au début des années 1840, Adèle Lecerf (héritière de Jacques Durand), devient avec Guillaume Viel propriétaire indivis de l’usine dont ils confient l’exploitation à M. Deshayes. D’après l’enquête industrielle de 1847, la Grande filature a une valeur locative de 5 500 F, paye une patente de 549 F. La valeur annuelle des matières premières qui y sont utilisées s’élève à 117 000 F et la valeur annuelle des produits finis se monte à 197 000 F. L’usine emploie à cette date 90 personnes dont 25 hommes, 40 femmes et 25 enfants, et totalise un équipement de 6 000 broches. Par arrêté préfectoral du 19 août 1853, modifiant l’ordonnance royale de 1826, ils sont autorisés à modifier le régime de leur filature, notamment à relever de 50 cm le niveau légal de la retenue de l’usine afin de ne pas pâtir du manque d’eau par temps de sécheresse et à porter la dimension du déversoir à 6 m de longueur.

En 1869, la filature Viel et Lecerf est exploitée par M. Grancher et est équipée de 8 200 broches. L’usine est au chômage depuis plusieurs mois lorsqu’elle est rachetée en 1889 par M. Lamaury, et fait l’objet de nombreuses plaintes des propriétaires voisins dans la mesure où ses vannes étant constamment levées, les eaux de la Lieure se trouvent en dessous du niveau du repère légal, occasionnent des dégradations aux berges et suppriment les petits lavoirs. Le conseil municipal demande alors au nouveau propriétaire de maintenir au niveau du repère légal les eaux du bief de son usine ou bien d’abandonner tous ses droits d’eau en remettant la chute de son usine au domaine public.

En 1890, l’usine est remise en activité mais reconvertie en scierie. M. Lamaury en confie l’exploitation à M. Barbotte et Cie, fabricants de talons de bois. Par arrêté préfectoral du 23 mars 1899, ces derniers sont autorisés à reconstruire la roue et la vanne de décharge de l’usine. En 1919, la scierie mécanique est rachetée par Maurice Douville qui y fait installer une machine à vapeur en complément de la roue hydraulique déjà en place qui développe une puissance de 15 CV. Il y poursuit la fabrication de galoches jusqu’en 1928. Une villa à usage de logement patronal est édifiée à proximité de l'usine au début des années 1920.

En 1939, l’usine est temporairement reprise par la société Lorraine d’explosifs, puis en 1940 elle est transformée en teillage de lin par Georges Opsomer, un linier originaire de Belgique attiré par les primes mises en place par le gouvernement français au début des années 1930 pour relancer l'activité sur le territoire. Celui-ci est autorisé par l’arrêté préfectoral du 21 juillet 1949 à construire un atelier de rouissage (opération réalisée jusqu’alors à même le sol), à condition qu’aucun résidu ne soit déversé dans la Lieure. La nouvelle installation comprend également trois bacs en ciment de 80 m3 installés à 4 m de la rivière. Chaque bac comporte à la base une chambre de rouissage surmontée de deux réservoirs superposés contenant l’un de l’eau froide, l’autre de l’eau chaude à une température de 30° obtenue par condensation de la vapeur provenant de la chaudière actionnant le teillage. L'usine de rouissage et de teillage de lin Opsomer ferme au début des années 1960 et l’ancienne filature à étages est détruite peu après, lorsqu’un projet de pisciculture voit le jour sur le site.

La grande filature de Ménesqueville est aujourd'hui détruite. Elle consistait en un bâtiment en brique monobloc à étages (3 niveaux plus le comble) construit à cheval sur le cour d'eau. Sa façade ordonnancée de huit travées était percée de baies en arc plein cintre en pierre (au rez-de-chaussée) et de baies en arc surbaissé en brique (au premier et deuxième étages). Sur les façades, des moulures en brique marquaient les différents niveaux du bâtiment et une corniche couronnait l'ensemble. Les deux travées centrales de la filature était surmontées d'un fronton triangulaire dont la fonction était à la fois esthétique et utilitaire car percé d'une large baie cintrée permettant d'éclairer l'étage de comble, en complément des lucarnes formant saillie sur le toit. Celui-ci était pourvu d'un campanile dont la cloche servait à rythmer les journées de travail des ouvriers. La salle de la machine à vapeur, la chaufferie et la cheminée édifiées en 1919 lorsque l'usine est à usage de scierie étaient accolées au pignon nord-est de l'usine.

L'atelier et les bacs de rouissage construits en 1949 pour compléter l'usine reconvertie en teillage étaient édifiés en béton. Ils n'existent plus aujourd'hui.

Le chalet servant de logement patronal est le seul encore en place. Il consiste en un bâtiment en brique partiellement enduit comprenant un étage plus un étage de comble, édifié dans le style éclectique avec des décors de brique (linteaux des portes et fenêtres, bandeaux, corniches...). Il est desservi par un escalier hors-œuvre installé dans une tourelle à toit conique accolée à la façade.

  • Murs
    • brique enduit partiel
  • Toits
    ardoise
  • Étages
    1 étage carré, étage de comble
  • Couvrements
    • charpente en bois apparente
  • Élévations extérieures
    élévation ordonnancée
  • Couvertures
    • toit à longs pans pignon couvert
    • toit conique
  • Escaliers
    • escalier hors-oeuvre : escalier en vis
  • Énergies
    • énergie hydraulique produite sur place
    • énergie thermique produite sur place
  • État de conservation
    vestiges

Documents d'archives

  • AD Eure. Série S. Sous-série 18 S : 18 S 513. Cours d'eau et usines hydrauliques. Rivière de la Lieure. Ménesqueville.

    Pétition, 18 février 1822.
  • AD Eure. Série S. Sous-série 19 S : 19 S 31. Cours d'eau et usines hydrauliques. Rivière du Fouillebroc.

    Archives départementales de l'Eure, Evreux : 19 S 31
    Pétition, 18 février 1822.
  • AD Eure. Série S. Sous-série 18 S : 18 S 513. Cours d'eau et usines hydrauliques. Rivière de la Lieure. Ménesqueville.

    Plan de situation de l’usine projetée (B), 10 novembre 1822.
  • AD Eure. Série S. Sous-série 19 S : 19 S 31. Cours d'eau et usines hydrauliques. Rivière du Fouillebroc.

    Archives départementales de l'Eure, Evreux : 19 S 31
    Plan de situation de l’usine projetée (B), 10 novembre 1822.
  • AD Eure. Série S. Sous-série 19 S : 19 S 31. Cours d'eau et usines hydrauliques. Rivière du Fouillebroc.

    Archives départementales de l'Eure, Evreux : 19 S 31
    Lettre du premier commis des finances au préfet, 4 novembre 1823.
  • AD Eure. Série S. Sous-série 19 S : 19 S 31. Cours d'eau et usines hydrauliques. Rivière du Fouillebroc.

    Archives départementales de l'Eure, Evreux : 19 S 31
    Arrêté préfectoral, 28 juin 1825.
  • AD Eure. Série S. Sous-série 18 S : 18 S 513. Cours d'eau et usines hydrauliques. Rivière de la Lieure. Ménesqueville.

    Arrêté préfectoral, 28 juin 1825.
  • AD Eure. Série S ; Sous-Série 18 S : 18 S 512. Cours d'eau et usines hydrauliques. Rivière de la Lieure. Ménesqueville.

    Plan de situation de l’usine Viel et Durand (dite la Grande filature) et de l’usine Morin (dite la Petite filature), 21 mai 1836.
  • AD Eure. Série S ; Sous-série 19 S : 19 S 41. Cours d'eau et usines hydrauliques. Rivière de la Lieure.

    Archives départementales de l'Eure, Evreux : 19 S 41
    Pétition de M. Faucon, notaire, maire à Argueil et propriétaire d’une filature à Ménesqueville, 26 novembre 1841.
  • AD Eure. Série S ; Sous-série 19 S : 19 S 41. Cours d'eau et usines hydrauliques. Rivière de la Lieure.

    Archives départementales de l'Eure, Evreux : 19 S 41
    Procès-verbal de vérification de travaux, 28 décembre 1842.
  • AD Eure. Série S. Sous-série 18 S : 18 S 513. Cours d'eau et usines hydrauliques. Rivière de la Lieure. Ménesqueville.

    Procès-verbal de vérification de travaux, 28 décembre 1842.
  • AD Eure. Série S ; Sous-série 19 S : 19 S 41. Cours d'eau et usines hydrauliques. Rivière de la Lieure.

    Archives départementales de l'Eure, Evreux : 19 S 41
    Plan masse de la filature de MM. Viel et Lecerf, 15 janvier 1843.
  • AD Eure. Série S. Sous-série 18 S : 18 S 513. Cours d'eau et usines hydrauliques. Rivière de la Lieure. Ménesqueville.

    Plan masse de la filature de MM. Viel et Lecerf, 15 janvier 1843.
  • AD Eure. Série S ; Sous-série 19 S : 19 S 41. Cours d'eau et usines hydrauliques. Rivière de la Lieure.

    Archives départementales de l'Eure, Evreux : 19 S 41
    Arrêté préfectoral, 31 mai 1844.
  • AD Eure. Série S ; Sous-série 19 S : 19 S 41. Cours d'eau et usines hydrauliques. Rivière de la Lieure.

    Archives départementales de l'Eure, Evreux : 19 S 41
    Pétition, 8 novembre 1852.
  • AD Eure. Série S. Sous-série 18 S : 18 S 513. Cours d'eau et usines hydrauliques. Rivière de la Lieure. Ménesqueville.

    Situation en 1853.
  • AD Eure. Série S ; Sous-série 19 S : 19 S 41. Cours d'eau et usines hydrauliques. Rivière de la Lieure.

    Archives départementales de l'Eure, Evreux : 19 S 41
    Plan masse et situation, 29 juin 1853.
  • AD Eure. Série S. Sous-série 18 S : 18 S 513. Cours d'eau et usines hydrauliques. Rivière de la Lieure. Ménesqueville.

    Plan de situation de la Grande filature de MM. Viel et Lecerf et du moulin amont appartenant à M. Lemarchand, 29 juin 1853.
  • AD Eure. Série S ; Sous-série 19 S : 19 S 41. Cours d'eau et usines hydrauliques. Rivière de la Lieure.

    Archives départementales de l'Eure, Evreux : 19 S 41
    Arrêté préfectoral, 19 aout 1853.
  • AD Eure. Série S. Sous-série 18 S : 18 S 513. Cours d'eau et usines hydrauliques. Rivière de la Lieure. Ménesqueville.

    Arrêté préfectoral, 19 aout 1853.
  • AD Eure. Série S ; Sous-série 19 S : 19 S 41. Cours d'eau et usines hydrauliques. Rivière de la Lieure.

    Archives départementales de l'Eure, Evreux : 19 S 41
    Plan de situation du moulin Marchand et de la Grande filature Viel-Lercerf, 2 mars 1865
  • AD Eure. Série M ; Sous-série 6 M : 6 M 1243. Statistiques commerciales et industrielles (1859-1880).

    Liste des filatures en activité en 1869.
  • AD Eure. Série S ; Sous-série 19 S : 19 S 41. Cours d'eau et usines hydrauliques. Rivière de la Lieure.

    Archives départementales de l'Eure, Evreux : 19 S 41
    Rapport de l’ingénieur des Ponts et Chaussées, 6 janvier 1890.
  • AD Eure. Série S. Sous-série 18 S : 18 S 513. Cours d'eau et usines hydrauliques. Rivière de la Lieure. Ménesqueville.

    Situation en 1890.
  • AD Eure. Série S ; Sous-série 19 S : 19 S 41. Cours d'eau et usines hydrauliques. Rivière de la Lieure.

    Archives départementales de l'Eure, Evreux : 19 S 41
    Rapport de l’ingénieur des Ponts et Chaussées, 10 mars 1899.
  • AD Eure. Série S. Sous-série 18 S : 18 S 513. Cours d'eau et usines hydrauliques. Rivière de la Lieure. Ménesqueville.

    Arrêté préfectoral, 23 mars 1899.
  • AD Eure. Série S. Sous-série 18 S : 18 S 513. Cours d'eau et usines hydrauliques. Rivière de la Lieure. Ménesqueville.

    Pétition de Mme Crespin, 5 septembre 1919.
  • AD Eure. Série J ; Sous-série 1 J : 1 J 465. État récapitulatif des usines hydrauliques existantes au 31/12/1926 dans l’Eure.

    1,50 m de hauteur de chute, 10 kw de puissance brute.
  • AD Eure. Série S. Sous-série 18 S : 18 S 72. Cours d'eau et usines hydrauliques. Rivière de l'Andelle. Fleury-sur-Andelle.

    Rapport de l’ingénieur des Ponts et Chaussées sur les chutes d’eau inemployées, 30 juillet 1941.
  • AD Eure. Série W ; Sous-série 18 W : 18 W 225. Administrations, depuis 1940. Installations classées. Ménesqueville.

    Arrêté préfectoral, 21 juillet 1949.
  • AD Eure. Série W ; Sous-série 18 W : 18 W 225. Administrations, depuis 1940. Installations classées. Ménesqueville.

    Plan de situation de l’usine de Teillage de M. Opsomer, 1/2500e, 1948.
  • AD Eure. Série W ; Sous-série 18 W : 18 W 225. Administrations, depuis 1940. Installations classées. Ménesqueville.

    Plan masse détaillé de l’usine de Teillage de M. Opsomer, 1/500e, 1948.
  • AD Eure. Série W ; Sous-série 18 W : 18 W 225. Administrations, depuis 1940. Installations classées. Ménesqueville.

    Plan détaillé des bacs de rouissage de l’usine de Teillage de Mr Opsomer, 1/100e, 1948.

Bibliographie

  • BN Paris-Richelieu-Louvois. O 600. Enquête industrielle, 1847.

    Exploitant : DESHAYES

Annexes

  • Détail des sources.
Date(s) d'enquête : 2016; Date(s) de rédaction : 2018
(c) Région Normandie - Inventaire général
Real Emmanuelle
Real Emmanuelle

Chargée de recherches à l'Inventaire général du patrimoine culturel de Haute-Normandie, puis de Normandie, depuis 1992. Spécialité : patrimoine industriel.

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