Dossier d’aire d’étude IA00121341 | Réalisé par
Plum Gilles
Plum Gilles

Chercheur à l'Inventaire général du patrimoine culturel de Basse-Normandie entre 1992 et 1994, en charge de l'étude sur les stations balnéaires de Lion-sur-Mer et Hermanville-sur-Mer (Calvados).

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  • patrimoine de la villégiature, Hermanville-sur-Mer
présentation de la commune de Hermanville-sur-Mer
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  • (c) Région Normandie - Inventaire général

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    Hermanville-sur-Mer
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    • Commune : Hermanville-sur-Mer

La station balnéaire d'Hermanville - dite parfois Hermanville-la-Belle - est parfaitement indépendante du bourg ancien, avec lequel il y a même quelquefois rivalité. Ce n'est pourtant pas une création ex-nihilo, une ville nouvelle comme Houlgate ou Cabourg, avec leur urbanisme original. Son développement est lié à celui de Lion-sur-­Mer, avec lequel elle est confondue jusqu'à la fin du siècle. C'est d'abord l'ouest de la brèche d'Hermanville qui est construit dans les années 1870 et 1880, sans solution de continuité avec le bord de mer de Lion et parce que ce dernier est plein.

Son caractère - ou son absence de caractère - est pourtant original ; c'est celui d'une ville ruban isolé sur sa frange de dunes par la mer et des marais. L'histoire de la station commence donc avec l'achat des dunes par Charles Emmanuel Dubos, banquier de Rouen, et Brière-Vallée, de Paris, auprès de Blocqueville, ancien seigneur d'Hermanville (1). La transaction a lieu dès 1843, mais elle n'est reconnue qu'en 1863 (2). Blocqueville n'avait en effet en principe qu'un vieux droit de chasse et de pâture et les dunes étaient en fait du domaine public. Les habitants d'Hermanville y passaient pour aller pêcher, ou pour aller chercher le varech qu'ils y étendaient. C'est la volonté de Dubos et Brière-Vallée de lotir et donc la perspective de nouvelles ressources pour la commune qui décida les autorités à accorder la propriété des dunes à des particuliers, excepté quelques brèches assez larges pour permettre aux gens du pays d'y passer et d'y déposer le varech qu'ils récoltent.

Dubos et Brière-Vallée puis leurs successeurs Rémy Caban et Maruitte vendirent alors peu à peu des parcelles. La première maison construite, en 1867 (3), est celle de Vidieu, qui y habite à l'année et qui représente les propriétaires des dunes (4). Jusqu'en 1890, c'est avec lui que traitent tous les citadins qui veulent acheter un terrain pour faire construire.

Cette époque, le début de la lllème République, voit une évolution de la pratique de la villégiature balnéaire vers une satisfaction exclusive du dialogue avec la mer. Les premières stations comme Dieppe ou Trouville étaient vite devenues de véritables petites villes et des lieux de plaisirs mondains et, dès l'origine, le pittoresque du site et le côté pratique d'une petite ville avait attiré sans doute plus que le simple voisinage de la mer. Mozin a lancé Trouville en vantant ses paysages, Alexandre Dumas en vantant ses auberges et le monde des pêcheurs. A Hermanville il n'y a rien d'autre que la plage et la mer, mais avec l'avantage d'un accès direct et d'une complète liberté. C'est en quelque sorte une forme moderne de villégiature, fondée sur le repos, le sport et la liberté, et tournant autour de la plage même, plus qu'autour du bain et des salons. La transition a pu se faire curieusement par l'idée de sauvegarder la vie familiale. Dans les stations les plus réputés, les établissements de bains monopolisaient les plages et divisaient les sexes et donc les familles, sans être pour autant plus réputées pour leur moralité. De nombreux estivants cherchaient donc à les fuir et n'étaient pas mécontents de trouver un endroit un peu isolé. Ils évitaient ainsi les prix trop élevés tout en se trouvant directement sur la plage et en évitant ainsi l'inconfort des cabines. Rien n'empêchait même de s'aménager un établissement de bain particulier dans le soubassement de sa maison.

Maison dite villa Tamaris. Elévation nord, sur mer, et est.Maison dite villa Tamaris. Elévation nord, sur mer, et est.Dans les années 1870, toutes les maisons édifiées sur les dunes d'Hermanville se situent entre celle de Vidieu et Lion-sur-Mer : Tanagra, les Tamaris, la Mouette et le Goéland en particulier. Jusqu'en 1891 encore, seul l'ouest de la brèche d'Hermanville est concerné. La station balnéaire d'Hermanville est alors confondue avec Lion-sur-Mer qui est le vrai centre (5). Une demande d'établissement d'une pierre sur la digue pour vendre le poisson reste sans suite : celle de Lion est trop célèbre parmi les estivants pour supporter une rivale, prévue d’ailleurs prudemment à la limite de Lion (6).Maison jumelée dite le Goëland et maison dite la Mouette. Elévation nord sur mer.Maison jumelée dite le Goëland et maison dite la Mouette. Elévation nord sur mer.

Hermanville prend cependant de plus en plus d'importance par rapport à Lion-sur­-Mer. En 1882 Henri Gravier, ancien préfet du Calvados, se fait construire la maison la plus importante du pays à l'angle de la brèche (7). Il se préoccupe beaucoup du développement d'Hermanville, construisant plusieurs maisons, se préoccupant de la voirie, créant une association de riverains pour la création d'une digue. Cette association connaît des débuts difficiles à cause de l'individualisme des différents propriétaires qui hésitent à se voir imposer une politique d'ensemble de construction (8), mais un accord est trouvé en 1890 qui lui permet de diriger la vie de la station et de louer elle-même la plage au lieu de la laisser à un établissement de bains (9).

En 1891, l'année où l'arrivée du tramway Decauville permet enfin la désserte du bord de mer par un transport public, est entamée au bord de la brèche la construction de la partie est de la station avec la construction de la maison de Guiot, médecin à Caen (10). Cette partie ne sera achevée que très tard dans l'entre-deux-guerres. La place ne manquant pas, il n'y avait guère de raison de construire en arrière du bord de mer et donc de créer un réel urbanisme. Un embryon, mais qui est resté comme tel, apparaît pourtant vers 1882 autour de la brèche (11). Magron se fait alors construire une maison à l'endroit où la brèche se resserre pour devenir la route menant de la mer au vieux bourg. Cette maison sera répétée de l'autre côté de la brèche, créant ainsi une entrée architecturée à une place débouchant sur la mer. On espère peut-être alors un développement vers l'intérieur rejoignant le vieux bourg. Mais en fait, seuls les terrains autour de la place seront construits. Entre cette place et Lion, le front de mer entre la digue et l'ancienne route est occupé à peu de chose près en totalité, mais on ne trouve longtemps au sud de cette même route que des constructions modestes et très dispersées.

En 1908, dans l'espoir que cela favorisera le développement de la station, on accepte la proposition de Sarraute, négociant à Paris, de créer un casino et un hôtel (12). Mais l'opération restera très modeste et se révélera peu rentable. Elle n'a pas été adoptée sans une certaine opposition des propriétaires :

La majorité des Riverains, propriétaires des villas, se déclaraient satisfaits de pouvoir vivre en paix sur une "Plage de famille", sans avoir à compter avec le voisinage d'un établissement mondain, tapageur et d'un caractère particulier.

Un Casino, c'est l'opérette, c'est le café luxueux, c'est le restaurant de nuit, c'est la griserie des rencontres faciles ; un Casino, c'est le jeu.

Les Etablissements de cet ordre sont un écueil pour les jeunes gens, voire même pour les hommes mûrs, en raison du désœuvrement auquel les esprits les plus rangés ne savent pas toujours se soustraire durant une villégiature. (13)

A l'est de la brèche, la plus grande largeur des dunes permet en 1927 un développement d'un type nouveau avec la création de lotissements créant une profondeur par rapport au front de mer. Les maisons qui y sont construites, très modestes, présentent toutes un style similaire dérivé du cottage anglais, assez pittoresque mais très semblable à ce qui se fait dans la banlieue de Caen. Elles sont pourtant encore construites en très grande majorité par des parisiens. Les propriétaires créent en 1930 une Association syndicale pour les lotissements d'Hermanville-la-Belle et Isaville à Hermanville qui a pour but l'installation d'égouts et l'amélioration et l'entretien des chemins et des conduites d'eau, de gaz et d'électricité. A côté de la ligne des grandes villas est ainsi créée une nouvelle entité relativement indépendante, à laquelle les bains de mer n'apportent plus aucune originalité visible.

Sources

(1) AD Calvados : S 1527 P.V. d'expertise du 5-4-1958.

(2) Arrêté préfectorale du 9-7-1863.

(3) AD Calvados : 3P 4482. Matrices cadastrales.

(4) AD Calvados : 633 EDT 41/3. Association amicale des riverains d'Hermanville-sur-Mer ; exercice 1889-1890, notice nécrologique.

(5) La Construction Moderne publie en 1886 deux articles sur des villas à Lion-sur-Mer qui sont situées sur le territoire d'Hermanville, comme l'avait fait Lacroux dans La brique ordinaire quelques années plus tôt.

(6) AD Calvados : S 1527. Lettre du maire au directeur de l'Enregistrement et des Domaines du 21-8-1874 annonçant l'autorisation du préfet, et lettre du directeur de !'Enregistrement au préfet du 22-5-1880 demandant la résiliation du bail du fait de l'absence de réalisation du projet.

(7) AD Calvados: S 1527. Lettre de Gravier au préfet datée 7-6-1882.

(8) AD. Calvados : S 1538. Lettre de Gravier au préfet le 20-02-87. S 2437. Syndicat d'Hermanville et Lion-sur-Mer; divers 1883-87.

(9) AD Calvados: S 1538. Plage d'Hermanville.

(10) AD. Calvados: S 1527. Demande d'alignement.

(11) AD Calvados : S 1538. Bornage des dunes : plan du 10-8-1882.

(12) AD. Calvados : M 3697. Casino d'Hermanville-sur-Mer.

(13) AD Calvados : S 1539(a). Circulaire imprimée datée 13-08-1909 et signée Henry Jouin.

Documents d'archives

  • AD Calvados. 633 Edt 34/1 : Discours prononcé lors du décès de M. Hébert, ancien maire, 1905.

  • AD Calvados. 633 Edt 34/4 : Casino ; demandes d'exploitation, cahier des charges, 1907-1913.

  • AD Calvados. 633 Edt 34/15 : Situation sanitaire de la station ; rapports d'enquête, 1908.

  • AD Calvados. 633 Edt 39/8 : Baux de location d'immeubles et de terrains, 1905-1942.

  • AD Calvados. 633 Edt 39/9 : Acquisition par adjudication d'immeubles et de terrains, 1918.

  • AD Calvados. 633 Edt 39/10 : Aliénation de terrains maritimes, 1887-1892.

  • AD Calvados. 633 Edt 39/11 : Location par adjudication d'une partie de la plage, 1934.

  • AD Calvados. 633 Edt 39/12 : Plan de maison, s.d.

  • AD Calvados. 633 Edt 41/1 : Plage et brèche Hermanville. Location de cabines, écoulement des eaux, défense contre la mer, 1910-1951.

  • AD Calvados. 633 Edt 41/3 : Association syndicale des riverains de la plage d'Hermanville, 1833-1927.

  • AD Calvados. 633 Edt 41/4 : Association syndicale d'assainissement des marais de Colleville, Hermanville et Ouistreham, 1822-1884.

  • AD Calvados. 633 Edt 44/14 : Remembrement, plan, 1948.

  • AD Calvados. 633 Edt 44/15 : Urbanisme, permis de construire. Plans, 1929-1949.

  • AD Calvados. 633 Edt 44/16 : Association syndicale autorisée d'Hermanville-sur-Mer et Isaville, 1926-1940.

Bibliographie

  • PELVILLAIN, Hervé, LECHERBONNIER, Yannick, CORBIERRE, Pascal, DECAENS, François. Villas de Lion-sur-Mer et Hermanville-sur-Mer - Calvados. Caen : Développement culturel en Basse-Normandie, 1996. (Itinéraires du Patrimoine, n° 125), 22 p.

Date(s) d'enquête : 1993; Date(s) de rédaction : 1993
(c) Région Normandie - Inventaire général
Plum Gilles
Plum Gilles

Chercheur à l'Inventaire général du patrimoine culturel de Basse-Normandie entre 1992 et 1994, en charge de l'étude sur les stations balnéaires de Lion-sur-Mer et Hermanville-sur-Mer (Calvados).

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