Dossier d’aire d’étude IA61000851 | Réalisé par
Lecherbonnier Yannick
Lecherbonnier Yannick

Chercheur à l'Inventaire général du patrimoine culturel de Basse-Normandie de 1982 à 2001. Spécialité : patrimoine industriel. Chef du service Régional de l'Inventaire de Basse-Normandie de 2001 à 2016, puis de Normandie jusqu'en 2018.

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  • patrimoine industriel, patrimoine industriel de l’Orne
présentation de l'étude d'inventaire du patrimoine industriel de l'Orne
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  • Aires d'études
    Orne

Le département de l'Orne a été créé au terme du décret de l'Assemblée constituante du 22 décembre 1789 et de la loi du 15 janvier 1790 organisant le découpage interne des provinces de l'Ancien Régime. Avec Alençon pour chef-lieu, il est alors subdivisé en six districts - Alençon, Argentan, Domfront, L'Aigle, Mortagne et Bellême -, que la constitution du 7 décembre 1797 (17 frimaire an VI) transforme en quatre arrondissements : Alençon, Argentan, Domfront et Mortagne. La loi du 1er juin 1942, rétablissant l'arrondissement de Mortagne (supprimé par décret du 10 septembre 1926 en même temps que celui de Domfront), donna au département les trois principaux cadres administratifs qu'il connaît aujourd'hui.

Cette organisation administrative, qui regroupe, au moment de l'étude, quarante cantons et cinq cent sept communes, masque une réelle et subtile diversité géographique. A la simplicité de l'assise géologique du département - la moitié Ouest reposant sur des roches primaires (en particulier granite, grès et schistes gréseux), la moitié Est sur des terrains jurassiques ou crétacés (calcaire et argile) - s'oppose en effet la complexité de plusieurs "pays", dépourvus de liens historiques et ayant chacun leurs propres caractéristiques : à l'ouest, le Bocage, au sol granitique et gréseux ; au centre, une région de plaines, bande transversale de calcaires jurassiques s'organisant le long de l'axe nord-sud Argentan-Sées-Alençon ; à l'ouest, le Bocage, au sol granitique et gréseux ; au nord-est, le Pays d'Auge, "bocage de luxe" aux profondes vallées, aux sols argileux, parfois limoneux ; à l'est, aux confins des départements de l'Eure et du Calvados, le Pays d'Ouche, marqué par un relief peu accidenté, des sols d'argile à silex et de sables siliceux et séparé par la rivière d'Avre de l'ancienne province du Perche, paysage de collines et de forêts, dont une partie couvre tout le sud-est du département.

Région de transition entre l'Ile-de-France et la Bretagne d'une part, le Maine et les régions côtières de la Manche d'autre part, dépourvue de villes importantes, à l'écart des grandes voies de communication, l'Orne n'est pas seulement ce département rural encore souvent décrit par les guides, fait de vertes prairies plantées de pommiers et poiriers où paissent les vaches et produisant fromages, cidre, poiré et eau-de-vie. Trois éléments, respectivement source de matières premières, de combustible et d'énergie motrice, ont très tôt permis l'implantation d'activités artisanales et industrielles. Les ressources minérales, en particulier les gisements d'argile, de calcaire et de minerai de fer, y sont réparties pratiquement partout et toujours faciles d'accès. La nature du sous-sol et le climat ont permis le développement de la forêt, qui, malgré d'importants défrichements dus notamment à la consommation de bois de feu par les industries et à l'extension des labours et des prairies naturelles, couvre encore environ 15% du territoire. Enfin, les précipitations, supérieures à un mètre par an, et la présence de vallées profondes, encaissées et sinueuses y créent un réseau hydrographique dense, bien alimenté et souvent torrentueux : l'enquête sur les moulins réalisée en 1809 précise ainsi que le département de l'Orne "est arrosé par plus de 300 cours d'eau principaux, dont 7 sont des rivières considérables et 28 présentent un volume d'eau de seconde classe".Champsecret. Usine de fabrication des métaux. Affinerie de Varenne. Vue d'ensemble des cheminées.Champsecret. Usine de fabrication des métaux. Affinerie de Varenne. Vue d'ensemble des cheminées.

Les recherches menées depuis 1982 par l'association Histoire et Patrimoine Industriels de Basse-Normandie ont révélé ou confirmé cette réalité industrielle. Effectué en 1984, le dépouillement systématique des états de section et du registre des augmentations et diminutions du cadastre ancien, ou cadastre napoléonien, a donné lieu au recensement de 2500 sites en activité entre 1820 et 1880. L'étude thématique sur la métallurgie normande, réalisée entre 1984 et 1989 sur l'initiative de l'Inventaire Général, a d'autre part montré que le procédé indirect de fabrication du fer, qui s'organise autour de deux ateliers distincts, le Champsecret. Usine de fabrication des métaux. Affinerie de Varenne. Haut fourneau.Champsecret. Usine de fabrication des métaux. Affinerie de Varenne. Haut fourneau.haut fourneau et l'affinerie, se met en place dès le dernier quart du XVe siècle dans le Perche, d'où il gagne progressivement les régions du Pays d'Ouche, de l'Alençonnais, du Houlme et du Bocage. Plusieurs indices suggèrent que l'implantation des verreries est tout aussi ancienne.

L'Hôme-Chamondot. Usine de flaconnage. Vestiges du four à verre.L'Hôme-Chamondot. Usine de flaconnage. Vestiges du four à verre.Ces travaux, ainsi que les enquêtes menées en 1982 et 1984 sur les usines hydrauliques des vallées de la Risle et de la Vère, permettent de brosser, à grands traits, l'histoire industrielle du département. Avec la grosse métallurgie, la petite métallurgie (aiguilles, épingles et fer tréfilé aux environs de L'Aigle, en pays d'Ouche, clous et serrures autour de Chanu et Tinchebray, dans le Bocage) et le textile (coton autour de Flers et de La Ferté-Macé, laine autour de Tinchebray) sont les activités principales. Profitant largement des possibilités offertes par l'énergie hydraulique, ces deux dernières passent du stade artisanal au stade industriel au cours des deux premières décennies du XIXe Saint-Sulpice-sur-Risle. Usine de quincaillerie, tréfilerie dite établissements Bohin. Machine à trier les aiguilles par taille.Saint-Sulpice-sur-Risle. Usine de quincaillerie, tréfilerie dite établissements Bohin. Machine à trier les aiguilles par taille.siècle. Des établissements complémentaires, souvent plus modestes, sont également présents : moulins à foulon, ateliers de teinturerie, de blanchiment et d'apprêt des étoffes autour des filatures et tissages, moulins à papier autour des usines métallurgiques, ceux du Perche et de l'Ouche produisant exclusivement un papier grossier, dit papier gris, destiné à l'emballage des produits de quincaillerie et de mercerie. A côté de ces grandes usines, regroupant souvent sur un même site plusieurs ateliers de fabrication, des logements ouvriers et patronaux, on ne saurait ignorer l'importance, tout au moins quantitative, des moulins à grains (759 vers 1825, 57 construits entre 1825 et 1880), des tuileries et briqueteries (120 fours vers 1825, 112 construits entre 1825 et 1880) et des fours à chaux (106 vers 1825, 178 construits entre 1825 et Tinchebray. Usine de quincaillerie dite usine de quincaillerie Mermier Lemarchand Réunis. Planche extraite du catalogue 2. Détail : Vue de l'usine de Tinchebray.Tinchebray. Usine de quincaillerie dite usine de quincaillerie Mermier Lemarchand Réunis. Planche extraite du catalogue 2. Détail : Vue de l'usine de Tinchebray.1880).

Faute d'une enquête de terrain systématique, les témoignages de ces activités, qu'il s'agisse des bâtiments ou des machines, restaient, à l'exception de quelques sites majeurs, méconnus. Si le dépouillement du cadastre napoléonien pouvait permettre de cartographier leur densité et leur répartition géographique, il ne livrait en revanche pas ou peu de données sur l'importance réelle des ateliers. De même, on ne savait que peu de choses sur l'histoire industrielle du département au cours des deux dernières décennies du XIXe siècle et de la première moitié du XXe siècle, époque d'implantation des usines extractives, des scieries et surtout de grandes usines laitières et cidricoles, la production de fromages, cidre et eau-de-vie ne s'exerçant jusqu'alors que dans le cadre d'exploitations agricoles. Entrepris en 1986 sur l'initiative de l'Inventaire Général, le programme de "repérage national du patrimoine industriel" a heureusement permis de combler ces lacunes. Il s'agit d'un recensement systématique des établissements industriels créés avant 1950 et conservant tout ou partie de leur bâti : chacun des 2500 sites identifiés à partir du cadastre napoléonien a ainsi été systématiquement reconnu, à la seule exception de ceux pour lesquels aucune trace ne figurait sur les cartes de l'Institut géographique national au 25000e. Le dépouillement des sources bibliographiques (en particulier La Revue Géographique et Industrielle, L'Illustration Economique et Financière, L'Orne, étude économique, bilan de l'enquête réalisée vers 1917 à la demande du Ministère de la Guerre par le sous-comité d'action économique départemental sous la présidence du préfet Desmars, les Bulletins de la Chambre Régionale de Commerce et d'Industrie, les travaux universitaires et quelques rares monographies d'entreprise) et iconographiques (factures et cartes postales anciennes notamment) a en outre permis d'identifier les établissements créés après Saint-Georges-des-Groseillers. Tissage. Tissage du Tremblay. - Salle de Tissage.- Carte postale.Saint-Georges-des-Groseillers. Tissage. Tissage du Tremblay. - Salle de Tissage.- Carte postale.1900.

A l'issue de cette importante enquête documentaire et de terrain, trois cent dix neuf établissements industriels ont été repérés et étudiés. Pour chacun d'eux, un dossier a été constitué, comprenant une fiche signalétique (dénomination, localisation, références cadastrales, datations, données historiques, description architecturale de l'usine et de ses parties constituantes), un état des sources disponibles (archivistiques, bibliographiques et iconographiques) et un dossier photographique (reproduction de documents anciens et campagnes de prises de vues). La documentation ainsi réunie est consultable sur la base Mérimée de la Direction du Patrimoine.

Les apports de ce repérage sont multiples. Ceux ayant trait à notre connaissance des techniques de production, thème sur lequel les documents écrits sont souvent discrets, ne sont pas les moins négligeables. La démonstration est particulièrement évidente pour la meunerie : l'analyse architecturale des bâtiments a ainsi permis de distinguer trois types de bâtiments, mettant chacun à profit un procédé de mouture particulier (mouture à la grosse, mouture à l'anglaise, mouture industrielle), que le cadastre recense sous le seul terme de moulin. De même, l'étude des vestiges bâtis des tuileries et briqueteries a bien montré le caractère artisanal de l'activité céramique ornaise que laissait supposer le nombre d'établissements en activité au XIXe siècle : parmi les 15 fours tuiliers ou briquetiers subsistant au moment du repérage, un seul four HoffmannArgentan. Briqueterie Saint-Martin. Four industriel.Argentan. Briqueterie Saint-Martin. Four industriel. a été reconnu, à Argentan. Mais l'enquête de terrain a aussi révélé différents types de pièces de séchage, qu'illustrent notamment les tuileries de L'Hôme-Chamondot, de Voré à Rémalard et de la Maison Neuve à Sévigny. C'est encore l'enquête de terrain qui, pour les fours à chaux, a permis de vérifier les hypothèses établies à partir des données cadastrales : ceux qui ont été recensés par le cadastre n'étaient que partie constituante d'exploitations agricoles auxquelles ils fournissaient de la chaux d'amendement. Seule la ville d'Ecouché conserve le témoignage d'une production industrielle (fours de Bellevue, désaffectés, et usine de la Société des Chaux et Engrais). Le repérage a également souligné le rôle essentiel de l'hydraulique, la permanence des sites et confirmé l'importance des activités textiles et métallurgiques.

Au-delà de la connaissance du patrimoine industriel, le repérage a donné lieu à la mise en oeuvre d'un programme raisonné de protections au titre des Monuments historiques. Dix usines en activité ou désaffectées, sélectionnées en tenant compte à la fois de leurs qualités architecturales, de leurs équipements (aménagement hydraulique, présence de moteurs énergétiques et de machines de production) et de leur apport à la compréhension et à l'évolution des techniques, sont ainsi venues s'ajouter aux protections existantes (Aube. Affinerie. Atelier de fabrication, four d'affinage.Aube. Affinerie. Atelier de fabrication, four d'affinage.forges d'Aube et de Varenne à Champsecret, fourneaux du Champ-de-la-Pierre et de Saint-Denis-sur-Sarthon, filature de Rochefort à Tinchebray et aiguillerie de Mérouvel à L'Aigle) : les moulins de Tercey à Saint-Loyer-des-ChampsSaint-Loyer-des-Champs. Moulin de Tercey. Moulin à farine.Saint-Loyer-des-Champs. Moulin de Tercey. Moulin à farine., de Buré et de Couterne ; les tuileries des Chauffetières à L'Hôme-Chamondot, de Voré à Rémalard et de la Maison Neuve à Sévigny ; la filature de la Martinique à Athis-de-l'Orne ; la tréfilerie Bohin à Saint-Sulpice-sur-Risle ; le moulin à papier de Mâle. Témoignage unique de l'utilisation de l'énergie vapeur dans le département, la machine à vapeur des anciens établissements Prout (Maisons France-Confort, à Alençon), avec ses chaudières et sa cheminée, a également été proposée à la protection.

Entrepris en 1986 sur l'initiative de l'Inventaire Général, achevé en 1994, le programme de « repérage national du patrimoine industriel », a consisté en un recensement systématique des établissements industriels créés avant 1950 et conservant tout ou partie de leur bâti. Les recherches documentaires ont permis d'identifier dans l'Orne 2500 sites actifs au 19e siècle ou au début du 20e siècle. Les prospections de terrain ont donné lieu à la constitution de 319 établissements, en activité ou désaffectés.

Bibliographie

  • LECHERBONNIER, Yannick. Patrimoine industriel, Orne. Service Régional de l´Inventaire Général de Basse-Normandie, Direction Régionale des Affaires Culturelles. Caen, Développement Culturel en Basse-Normandie, 1994 - 144 p. Coll. Indicateur du patrimoine.

Périodiques

  • La Normandie monumentale et pittoresque, Orne, 1896.

Date(s) d'enquête : 1982; Date(s) de rédaction : 1989
(c) Région Normandie - Inventaire général
Lecherbonnier Yannick
Lecherbonnier Yannick

Chercheur à l'Inventaire général du patrimoine culturel de Basse-Normandie de 1982 à 2001. Spécialité : patrimoine industriel. Chef du service Régional de l'Inventaire de Basse-Normandie de 2001 à 2016, puis de Normandie jusqu'en 2018.

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