Médiathèque Jean Renoir de Dieppe. Fonds ancien et local. BOITE 1 M 3. Monuments. Monument de 1870. Monument aux morts rue Camille Saint Saëns. Travaux divers. 1920 à 1950.

Marché entre Fernand Rimbert, maire de Dieppe, et Ernest Dubois, statiaire, le 18 octobre 1923 à Paris, le 19 octobre 1923 à Dieppe.

Entre les soussignés :

Monsieur Fernand Rimbert, agissant en sa qualité de Maire de la Ville de Dieppe, en vertu d’une délibération du Conseil municipal du 19 octobre 1923, d’une part

Et Monsieur Ernest Dubois, statuaire, 15 rue Mansart à Paris d’autre part,

Il est convenu ce qui suit :

Mr Ernest Dubois s’engage à faire le monument de la Victoire conformément à sa maquette présentée, qui est au neuvième de l’exécution, sur l’emplacement prévu, à l’extrémité du square Carnot, pour le prix forfaitaire de 225 000 francs, l’architecture étant en pierre d’Euville et les figures en bronze, les fondations étant faites par la Ville et à ses frais jusqu’au ras du sol, ainsi que l’aménagement de la place, enlèvement de la grille et raccordement de la grille au monument, plantations nouvelles, enlèvement du kiosque et de l’urinoir existants actuellement.

M. Dubois aura droit au paiement au fur et à mesure de l’avancement des travaux, et ainsi qu’il est dit ci-dessous :

1) Un 10e en commençant, soit 22 500 Frs

2) Quand le modèle du groupe principal sera achevé en terre glaise et accepté par la commission dans son atelier, 15 rue Mansart 40 000 Frs

3) Quand le groupe sera moulé et remis au fondeur 20 000 Frs

4) Quand la pierre sera commandée 25 000 Frs

5) Quand les modèles des deux figures seront achevés et acceptés en terre glaise dans son atelier 20 000 Frs

6) Quand ces figures seront moulées et remises au fondeur 10 000 Frs

7) Quand les pierres seront taillées, moulurées et sculptées, et vues par la commission 20 000 Frs

8) Quand le groupe sera en bronze et accepté par la commission 25 000 Frs

9) Quand les figures des extrémités seront fondues en bronze et acceptées par la commission 5 000 Frs

10) Quand les pierres seront toutes rendues à Dieppe ainsi que les bronzes et que le montage du monument sera commencé 15 000 Frs

11) Le 10e dans le mois qui suivra le complet achèvement du monument constaté par la commission 22 500 Frs

Total égal 225 000 Frs

M. Dubois paiera en outre tous les frais relatifs au présent marché.

Fait à Paris le 18 octobre et à Dieppe le 19 octobre 1923.

Médiathèque Jean Renoir de Dieppe. Fonds ancien et local. BOITE 1 M 3. Monuments. Monument de 1870. Monument aux morts rue Camille Saint Saëns. Travaux divers. 1920 à 1950.

DEVIS ET DESCRIPTIONS

Courrier d’Ernest Dubois au maire de Dieppe, le 12 septembre 1923 : devis descriptif et estimatif.

Monsieur le Maire

Comme suite à la visite que la Commission a bien voulu faire pour voir le monument commémoratif de la grande guerre, j’ai l’honneur de vous soumettre le devis descriptif et estimatif du dit monument. Toute la partie architecturale serait en Roche d’Euville dite de marbrier, les figures seraient en bronze. La figure de 1914 symbolise la résolution, la volonté de vaincre, celle de 1918 la moisson des lauriers, le groupe central, le triomphe, les poilus ont conquis la victoire et la fixe définitivement dans les plis du drapeau. Un crédit de 200 000 F était prévu et serait suffisant si les figures sont en pierre d’Euville comme l’architecture. Comme artiste je n’hésite à dire que c’est la matière qui me séduisait par l’unité de teinte et de silhouette générale du monument, mais il y a à craindre pour la durée des sujets sculptés dans la pierre, c’est pourquoi je crois devoir proposer le bronze pour les figures, c’est ainsi la durée indéfinie acquise, mais le bronze nous amène à un supplément de vingt cinq mille francs.

Voici dès lors comment se répartissent les frais d’exécution :

35 m3 Euville à 700 F 24 500 F

Taille, parement et ravalement 24 500 F

Bardage, fichage et montage 14 000F

Au sol du monument béton de cailloux et ciment 2 500 F

Gravure des noms et inscriptions 6 000 F

Armes de la ville tour de lauriers 4 500 F

Mosaïque 5 000 F

Modèle du groupe principal 50 000 F

Fonte en bronze du groupe 45 000 F

Modèle des deux figures 20 000 F

Fonte en bronze 15 000 F

Mise en place du monument et entourage 4 000 F

Honoraire de l’architecte 10 000 F

TOTAL 225 000 F

Je puis m’engager à forfait pour la somme de deux cent vingt cinq mille francs l’exécution du monument conformément à la maquette que vous avez vue, l’architecture en pierre d’Euville et les figures en bronze, pour deux cent mille si vous acceptez les figures en pierre comme l’architecture. Il reste bien entendu que la Ville voudra bien prendre à sa charge les travaux d’aménagement de la place, faire les fondations du monument qui sont en réalité peu de chose mais ignorant la nature du terrain je n’ai pu les prévoir, et comme il est d’usage en pareil cas j’ai pensé que la ville ferait place nette avec les fondations au ras du sol, raccordements de la grille du square et déplantations et plantations nouvelles pour encadrer le monument.

Dans l’espoir que le Conseil Municipal voudra bien adopter mon projet et ses conditions, je vous prie d’agréer, Monsieur le Maire, l’expression de mes sentiments dévoués et les plus distingués.

Ernest Dubois

Note et devis d’Ernest Dubois concernant le monument commémoratif de la Victoire [sans date, septembre 1923]

Ville de Dieppe. Monument commémoratif de la Victoire.

L’emplacement choisi à l’extrémité est du square Carnot se prêtant admirablement à un monument en forme d’édifice, ce parti fut adapté par l’artiste pour avoir la facilité d’écrire les noms des morts sur les murs de l’édifice qui se termine à chaque extrémité par une figure symbolique, l’une 1914 représente la résolution, l’autre 1918, la moisson des lauriers. Au centre, un groupe représentant la victoire conquise est fixée définitivement par les poilus dans les plis du drapeau. Le long de l’édifice court un bandeau de lauriers sur lequel sont inscrits en lettres saillantes les diverses étapes de la victoire, comme la marne, Verdun etc. Sous le bandeau tout autour de l’espace les noms des enfants de Dieppe tombés au champ d’honneur. Un emmarchement de trois degré donne accès à la plate forme du monument fait en mosaïque où se trouve dessinée une croix de guerre dans une couronne de lauriers, une bordure de fleurs prolonge cet emmarchement à chaque extrémité du monument. Toute la portée architecturale est projetée en pierre d’Euville, les figures symboliques et le groupe central peuvent être en pierre ou en bronze, si la pierre peut être préférable comme ensemble, le bronze l’est peut-être plus pour assurer la durée indéfinie du monument, la pierre devenant plus fragile au bord de la mer pour les figures.

Ci-contre le devis estimatif pour l’exécution du monument :

Pierre en Roche d’Euville dite de marbrier, 35 m3 Euville environ à 700 F 24 500 F

Taille et ravalement 24 500 F

Bardage, fichage et montage 14 000F

Au sol du monument béton de cailloux 2 500 F

Mosaïque 5 000 F

Gravure des noms huit cent environ et exécution 6 000 F

Armes de la ville tour de lauriers lettres sculptées 4 500 F

Modèle du groupe principal et moulage 50 000 F

Fonte en bronze 45 000 F

Modèle des deux figures extrémités 20 000 F

Fonte en bronze des figures 15 000 F

Mise en place du monument et entourage 4 000 F

Honoraire de l’architecte 10 000 F

TOTAL 225 000 F

Il est entendu que la Ville se chargera à ses frais de faire les fondations du monument jusqu’au ras du sol, de l’enlèvement de la grille actuelle et de son raccordement au monument ainsi que des travaux d’aménagement de la place soit enlèvement du kiosque urinoir etc. des arbres pouvant gêner et plantations nouvelles nécessaires pour encadrer le monument.

Ernest Dubois

PS : si le monument était tout en pierre avec les figures la dépense serait de deux cents mille francs. Le bronze pour les statues amène à deux cent vingt cinq mille francs.

Médiathèque Jean Renoir de Dieppe. Fonds ancien et local. BOITE 1 M 3. Monuments. Monument de 1870. Monument aux morts rue Camille

Saint Saëns. Travaux divers. 1920 à 1950.

Extrait du Registre des délibérations du Conseil Municipal de la Ville de Dieppe. Séance du 15 juin 1925. Monument commémoratif de la Victoire. 1) Inscription des noms. 2) Inauguration. (extrait).

M. le Maire, M. Thoumyre : Chaque jour, vous voyez les lignes du monument se préciser davantage. Le moment est venu de nous préoccuper de la date à laquelle aura lieu l’inauguration. Il est d’autant plus nécessaire d’en fixer la date que les Anciens Combattants feront coïncider leur Congrès avec cette inauguration du monument et qu’ils ont besoin de la connaître d’avance pour lancer leurs convocations. J’ai donc réuni la Commission du Monument, et nous nous sommes mis d’accord, en principe, sur la date de 13 septembre prochain. Cette date nous est à peu près imposée, parce que, d’une part, le monument sera complètement terminé dans les derniers jours d’août, et que le premier dimlanche de septembre est réservé pour l’inauguration du monument Guy de Maupassant à Miromesnil, et, d’autre part, parce qu’il ne convient pas de reculer à fin septembre cette inauguration, à cause des intempéries, la cérémonie devant se dérouler en plain air. Je vous propose donc de ratifier le choix fait par votre commission.

Le Conseil approuve, à l’unanimité.

La seconde question à résoudre est celle de l’inscription des noms sur le monument. Une Commission spéciale, vous vous en souvenez, avait été chargée de se prononcer sur ce point. En même temps, une consultation des groupements intéressés a été faite : Veuves de Guerre, Pupilles de la Nation, Anciens Combattants et Mutilés. Ce référendum a donné 750 voix de majorité en faveur de l’inscription des noms. Seuls les Anciens Combattants ont trouvé une majorité contre cette inscription. Ils se sont d’ailleurs inclinés, dans la commission extramunicipale, qui s’est réunie le 12 juin, devant la majorité. J’ajoute que M. Dubois, le sculpteur auteur du monument, ayant entendu parler de la décision prise, m’a écrit une lettre dans laquelle il insiste sur l’inscription des noms, dont l’absence détruirait l’idée d’ensemble qui a présidé à la conception du monument, des emplacements ayant été réservés pour recevoir cette inscription. Je consulte le Conseil Municipal sur ce point.

M. F. Rimbert : Au premier abord, j’étais partisan de l’inscription, mais devant l’opposition qui a été faite par les Anciens Combattants, qui représentent, somme toute, la majorité des intéressés, devant les difficultés de toutes sortes, qui se sont élevées dans d’autres villes, notamment à Bordeaux, où un procès a été intenté à la Ville parce que des noms avaient été omis, devant le manque d’entente des intéressés, Combattants, Mutilés et Veuves de Guerre, je préfère m’abstenir dans ce débat.

M. le Maire : Je dois vous répondre. Nous n’ignorons pas ces difficultés, et nous savons que le Conseil d’Etat a émis des jugements qui ont formé jurisprudence, et qui ont déterminé que seuls les noms des soldats dont l’acte de décès porte les mots « Mort pour la France » doivent être inscrits sur les monuments commémoratifs. Or, c’est le Tribunal lui-même qui se prononce à cet égard. Par conséquent, le nom de tout dieppois, dont l’acte de décès comportera cette mention, figurera de droit sur le monument. C’est le système qui a été adopté par les villes du Havre et de Lyon. Au Havre 5000 noms figurent sur le monument et à Lyon on en compte 8 à 10000 je crois. Certes des protestations de la part des familles ne sont pas impossibles, mais vous pouvez compter sur l’Administration municipale pour agir avec la plus grande impartialité.

M. Malfilatre : La mention « Mort pour la France », les mutilés titulaires d’une pension qui décèdent par la suite ne l’ont pas. Lorsque la famille viendra vous demander l’inscription, qui s’occupera de leur faire obtenir cette mention ? Or, il me semble qu’un mutilé à 80 %, mort de ses blessures, aurait le droit de figurer sur ce monument.

M. le Maire : C’est une question que vos groupements doivent solutionner en s’adressant aux parlementaires. Je trouverais parfaitement juste qu’un mutilé qui meurt de ses blessures ait le droit à cette mention « Mort pour la France ».

M. Giffard : Dans ce cas, il faudrait réserver une place sur le monument pour ceux qu’il y aurait lieu d’inscrire par la suite.

M. le Maire : C’est prévu, notamment pour ceux qui seraient omis. Je crois d’ailleurs que tous les noms ne pourront pas être inscrits pour le jour de l’inauguration. Il faut que cette inscription soit faite très sérieusement. Nous allons publier par la voie de presse, un avis invitant les familles à faire connaître si elles désirent que le nom des leurs soit inscrit.

M. Giffard : Par conséquent, et c’est la réponse à l’observation de M. Malfilatre, la famille de celui dont le droit sera reconnu postérieurement, sera certaine que son nom figurera également sur le monument.

M. le Maire : Messieurs, que ceux qui sont d’avis que l’on doit inscrire les noms des morts sur le monument veuillent bien lever la main ?

Approuvé, à la majorité. MM. Gueirard, Lecat, Richard déclarent voter contre ; MM. Benet et Rimbert déclarent s’abstenir.

[…]