• enquête thématique régionale, céramique industrielle de Basse-Normandie
usine de grès Poterie Castel, puis Cheval
Œuvre étudiée
Auteur
Copyright
  • (c) Région Normandie - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Calvados - Trévières
  • Commune Le Tronquay
  • Adresse 10 route du Bois
  • Cadastre 1830 B 299  ; 2018 B 261, 247, 248, 201, 202, 203
  • Précisions
  • Dénominations
    usine de grès
  • Appellations
    Poterie Castel, Poterie Cheval
  • Parties constituantes non étudiées
    atelier de fabrication, four industriel, cheminée d'usine, hangar industriel, garage, laboratoire, magasin industriel, bureau, logement patronal

L’extraction et la préparation de la pâte

Il y a quelques années, de l’argile, extraite par M. Couture au Tronquay, a été mise en réserve par Yves Cheval au nord et à l’est du bâtiment de préparation de la pâte : cette terre à pot est utilisée pour la fabrication de l’usine. Cette argile rouge est préparée dans un atelier spécifique localisé dans la partie nord du bâtiment contenant le four rectangulaire.

La pièce contient deux terriers contigus d’une capacité totale de 10 m3. La terre arrosée pourrit avant d’être travaillée. Les objets façonnés, ratés et non cuits sont mis en terrier. L’argile y est d’abord rapidement marchée aux pieds, avant d’être passée dans un malaxeur-broyeur. Une fois malaxée et laminée, la pâte passe dans une étireuse-dégazeuse qui l’homogénéise et la conditionne en boudins. La pâte travaillée, ainsi mise en boudins, est entreposée avant emploi.

Le façonnage

Le façonnage se fait par tournage. À l’époque de René Castel, trois tours étaient utilisés. Aujourd’hui, un seul tourneur procède à ce travail sur un ancien tour mécanique électrifié.

Le potier assis sur le bâti du tour reçoit la lumière naturelle du côté gauche (orientation nord).

Tout d’abord, le tourneur plaque un ballon d’argile sur la girelle de son tour. Une fois le tour en marche, après avoir trempé ses mains dans de la barbotine, le potier presse la pâte avec ses doigts et la creuse (IVR25_19891401003X). Puis le tourneur monte progressivement l’argile lui donnant la forme de l’objet voulu (IVR25_19891401006X). La poterie est alors lissée et polie à l’estèque (IVR25_19891401007X).

Potier au tour. Fin du creusage.Potier au tour. Fin du creusage. Potier au tour. Tournage.Potier au tour. Tournage. Potier au tour. Ébauchage du goulot.Potier au tour. Ébauchage du goulot.

Une fois terminée, la poterie est détachée de la girelle avec un fil de fer et déposée sur une planche de séchage. Après un premier séchage à l’atelier, certaines pièces, comme les bouteilles à calvados, sont décorées d’appliques moulées en kaolin.

Des moules en plâtre étaient utilisés par Désiré Ygouf et René Castel pour modeler certains produits (ex : tabatières de poche) ou pour façonner des appliques de décor.

René Castel notait que sa belle-mère, Madame Anaïs Ygouf, aurait été à l’origine de la poterie fantaisie1. Des éléments d’argile blanche découpés et moulés à part étaient collés à la barbotine sur certaines formes : par exemple, les bouteilles à calvados avec l’inscription « Calvados », des pommes et des feuilles. Les ornements les plus fréquents étaient les fruits, les fleurs (roses à larges pétales) et les feuillages.

Le séchage

Pour le séchage, les planches à pots sont entreposées soit sur le sol dans une partie de la halle aux fours circulaires, soit sur des étagères en bois installées dans la pièce du four rectangulaire.

La cuisson

Jusqu’au milieu des années 1930, la cuisson des poteries était pratiquée dans des fours à flamme directe et à tirage horizontal. À partir de 1935, René Castel cuisait dans les deux fours circulaires à flammes renversées. Ces derniers qui étaient chauffés au bois jusqu’en 1964 sont encore utilisés : des brûleurs à mazout ont été mis en place.

L’enfournement

Les produits à cuire sont encastrés dans des empilements de plaques, de colonnettes et de briques en matériau réfractaire (mulcorite). Le sable étalé sur la sole empêche le collage des empilements sur cette sole. Une fois le chargement terminé, la porte d’enfournement est murée avec des briques maçonnées avec de l’argile.

La chauffe, le refroidissement et le défournement

Avec le mazout, la durée de cuisson est de 48 heures, alors qu’il fallait au moins 70 heures lorsqu’on procédait à la cuisson avec le bois. Chaque four consommait 70 stères de bois par fournée.

La température atteinte pour cuire les poteries est de l’ordre de 1 200°C. En fin de chauffe, dans la dernière heure, du sel est jeté par le côté du four (ouverture aménagée dans le murement des portes d’enfournement) et les carneaux situés au-dessus du four. Après quoi on arrête la chauffe et on ferme toutes les ouvertures du four. Une attente de quatre ou cinq jours est nécessaire pour parvenir à un refroidissement complet permettant le défournement. Les produits sont sortis du four, triés et placés dans des « cadres » en bois que l’on dispose dans les hangars de stockage.

À chaque fournée, on estime à une ou deux colonnes de pots le rebus extrait de chaque four, soit 2 à 3 % de la charge.

Ces fours circulaires sont entretenus régulièrement. Chaque alandier est refait en moyenne tous les dix ans. Des témoins - inscription dans la maçonnerie des alandiers - datent les réfections. Sur le grand four circulaire, on relève les dates suivantes : 14/11/88, 22/06/88, 20/04/85, 30/04/75.

La commercialisation

Dès sa création, la nouvelle poterie de Désiré Ygouf fut un établissement important.

La poterie disposait en 1895, d’un malaxeur à manège2 et employait 12 tourneurs. Elle faisait 90 fournées par an3.Pour cette période florissante de l’exploitation Ygouf, nous disposons d’un carnet de commandes de la poterie Désiré Ygouf pour l’année 18964.

Ce document permet de connaître les lieux de vente et les quantités commandées de chaque catégorie de poteries. À cette date, elle possédait un représentant qui parcourait les départements de la Manche et de la Bretagne prenant des commandes auprès des marchands de vaisselle, des épiciers et divers petits négociants.

A cette époque les commandes étaient des commandes de poteries utilitaires se vendant 6,5 F à 7,5 F le jet et les poteries artistiques étaient utilisées comme cadeaux publicitaires.

Les lieux d’origine des commandes étaient principalement situés dans le Calvados et la Manche ; quelques importantes commandes venaient aussi d’Ille-et-Vilaine et de Seine-Inférieure. Les commandes des autres départements normands - Orne et Eure - étaient négligeables.

Durant l’année 1896, les commandes les plus importantes portaient sur les bouteilles (556 jets de bouteilles de toutes sortes, environ 16 000 bouteilles), sur les terrines (956 jets soit 137 000 pièces), sur les pots à salaison (524 jets, soit 5 000 pièces), sur les mahons (442 jets, soit 3 300 mahons).

Parmi les autres commandes, on note les "sérènes" (257 jets), les cruches (90 jets), les pots à lard (174 jets), les barattes à beurre (52 jets), les soupières (20 jets), etc. Au total ce ne sont pas moins de 500 à 60 000 pièces. Alain Bavoux avance un calcul de la production annuelle de la fabrique : il estime qu’un tourneur pouvant poter 3 jets par jour, la production journalière était théoriquement de 36 jets5 soit 9 000 jets pour 250 jours de travail. La production annuelle de la poterie Désiré Ygouf aurait pu être de 90 à 100 000 pièces. Stockage de bouteilles à calvados.Stockage de bouteilles à calvados.

Ainsi à peu près de la moitié de la production se vendait sur commandes et l’autre moitié directement à la fabrique ou à l’exportation. Certaines poteries étaient expédiées en « cadres » par la gare de Littry, d’autres étaient directement livrées par les soins de la fabrique.

Aujourd’hui, les débouchés de l’usine ont bien changé. La poterie d’Yves Cheval ne possède pas de magasin de vente et écoule ses marchandises chez des grossistes et des distillateurs. Quant à la gamme des produits, elle s’est réduite à des pièces de vaisselle et des bouteilles de calvados vendues comme souvenirs (IVR25_19891401022X).

Actuellement seuls deux ouvriers polyvalents6 travaillent encore à la poterie : ils assurent toutes les opérations de la préparation de la pâte à la cuisson en passant par le tournage et la maintenance du matériel et des bâtiments. Depuis quelques années, Yves Cheval a annexé à la fabrique une entreprise commerciale distribuant du matériel informatique : cette dernière activité occupe tous les membres de la famille (son épouse, sa fille et son fils). Aussi le production potière devient, de jour en jour, un peu plus accessoire.

1Lailler, D, 1944, op.cit., p.11.2AD Calvados. P 8401.3Brébisson, R. (de). Histoire de la céramique à Bayeux et dans sa région. Mémoire de la société des sciences, arts et belles lettres de Bayeux, 1897. p. 83.4Du moins l’analyse qu’en donne D. Bavoux dans son mémoire, op.cit., pp. I 177 à 183. L’original n’a pu être retrouvé.5Brébisson, R. (de). 1897. op. cit., p 83. Dans la statistique de 1861-1865, le travail moyen d’un potier était évalué à 6 100 pièces pour 250 jours de travail. 6En 1936, René Castel employait encore 7 ouvriers.

A proximité de l’établissement briquetier d’Auguste Rocquancourt implanté dans la parcelle B298 de l’ancien cadastre (cette fabrique est entièrement détruite aujourd’hui), près de la route nationale, Désiré Ygouf, potier au Tronquay, fit construire en 1887, sur la parcelle B 299, une maison et une poterie. Cette fabrique allait devenir la plus importante du Tronquay, au début du XXe siècle. Avant de faire édifier cette usine, Désiré Ygouf fut ouvrier potier, puis potier au Tronquay. Il fut propriétaire exploitant d’une poterie localisée au hameau de la Tuilerie, parcelles cadastrées B521, 522 et 523 de 1868 à 1883 (AD Calvados. 3P 7325). Il avait trois ouvriers en 1880 et quatre ouvriers en 1883 (AD Calvados. P 8401).

La nouvelle fabrique, en 1903, elle comprenait : "Maison d’habitation composée de cuisine, salle, deux mansardes au-dessus à droite et à gauche, quatre appartements pour la fabrication à l’usage de la poterie, en arrivée et en retour d’équerre quatre autres appartements aussi pour l’usage de la poterie, Bâtiment comprenant cave et écurie avec grenier dessus, Un autre bâtiment composé de deux pièces, l’une à usage de braiserie, l’autre pour loger la poterie avec four à porcelaine (sic) au bout, Cour au centre des dits bâtiments et devant la maison, Un jardin légumier dans lequel se trouvent des cabinets d’aisance et une citerne (…) Le tout se tenant porté au cadastre section B, numéro 299". Après le partage anticipé du 23 décembre 1903 des biens de leurs parents, Auguste Ygouf et Émile Ygouf, fils de Désiré Ygouf devinrent propriétaires indivis de l’usine. En 1906, un bâtiment et un moteur sont portés comme constructions neuves (AD Calvados. 3P 7331). À partir de 1911, l’usine est propriété d’Auguste Ygouf, fabricant de poterie. La fabrique devient la propriété de René Castel en 1925, dix ans plus tard celui-ci fait édifié deux nouveaux fours et emploie 7 ouvriers en 1936. Le 17 juillet 1972, l’ensemble industriel passe à Yves Cheval, propriétaire-exploitant potier, et à son épouse Annick Caigneux.

Situé à environ 300 m au nord de la route nationale 172, la poterie d’Yves Cheval est actuellement constituée d’un ensemble de cinq bâtiments ou corps de bâtiments (cf. Lien web plan d'organisation de la poterie). L’accès à l’usine se fait de la route D178 par un chemin de desserte long d’une centaine de mètres.

En arrivant dans la cour de la fabrique, on observe devant soi un grand corps de bâtiment présentant sur son élévation ouest, développée sur environ 35 m, la façade d’une maison précédée d’une verrière et de bureaux (IVR25_1989140999X), et derrière des pièces de stockage. Cet ensemble forme un bâti avec corps central et pavillon de chaque côté, composé d’un rez-de-chaussée et d’un niveau sous comble. Cette construction est établie avec des briques recouvertes d’un revêtement de ciment.

La couverture est un agencement de toits à deux versants, habillée de tuiles mécaniques. Une photographie du début du siècle permet de saisir l’évolution de ce bâti. Dans la description donnée par l’acte de 1903, une partie du bâti que nous venons de décrire était en « usage de poterie ».

Accolé à cet ensemble, s’organisent les bâtiments actuels de production. D'ouest en est, nous trouvons, toujours accolés les uns aux autres deux bâtiments à toits à deux pans orientés nord-sud dans leur plus grande longueur.

Le premier possédant des murs enduits de ciment est une halle à charpente métallique couvert en fibrociment. Ce bâtiment renferme deux fours circulaires à flamme renversée dont le tirage est assuré par une grande cheminée cylindrique construite en brique et établie dans la surface du hall. Ces deux fours ont été construits en 1935. Ils sont édifiés en briques mécaniques, des cercles de fer les ceinturent afin de prévenir toute fissuration ou éclatement durant l'opération de cuisson (IVR25_19891400978V).

Les alandiers au nombre de six pour chacun d’eux (IVR25_19891401002X) sont distribués à intervalles réguliers suivant le périmètre, à l’extérieur du laboratoire. Ces alandiers sont murés extérieurement et des brûleurs à fuel y sont adaptés. L’entrée dans chaque four se fait par une porte d’enfournement. Le plus grand de ces fours a un diamètre intérieur de 4,8 m, pour une hauteur maximale de 3,10 m et l’autre d’un diamètre similaire n’a que 2,5 m sous voûte. Le plus grand atteint 40 m3, tandis que le second a une capacité d’environ 30 m3. La sole de chacun de ces fours est faite de briques comportant un grand nombre de carneaux de section quadrangulaire (0,10 m x 0,05 m) qui permettent la circulation des gaz chauds (IVR25_19891401001X). Cette sole est couverte d’une mince couche de sable. Certains de ces carneaux peuvent être obturés dans les zones jugées trop chaudes.

Aucun mur de déflexion n’existe devant les foyers : la paroi du four est simplement percée de carneaux formant grille à la sortie des alandiers. Ceci permet de briser la flamme. À l’origine existaient des hottes intérieures ou murs de déflexion qui ont été supprimés avec le passage au fuel en 1964. La voûte du four en coupole comporte un carneau central. Parois et voûtes des fours sont particulièrement vitrifiées sous l’action des chauffes successives. Comme nous venons de l’indiquer, le tirage de ces fours est assuré par une seule grande cheminée indépendante des fours et relayée à eux par des canaux souterrains sur lesquels, comme sur la cheminée, sont disposés des registres facilitant le réglage du tirage. Dans la halle des fours existe, dans la moitié nord du bâtiment, un zone libre servant au séchage. Au nord de la halle des fours circulaires est établi l’atelier de tournage. Ce bâtiment en appentis d’une dizaine de mètres de longueur et abondamment éclairé au nord par des larges baies ou verrières (cf. Lien web plan organisation des ateliers).

Le second bâtiment situé à l’est de la halle des fours porte une toiture couverte de tuiles mécaniques. Il contient du sud au nord, un four à flammes renversées de plan rectangulaire, construit par René Castel et qui n’est plus utilisé (IVR25_19891400973V). Ce four au gaz comporte six alandiers. A l’angle sud-est du bâtiment et à l’extérieur, est édifiée une cheminée cylindrique en briques ayant servi au tirage de four quadrangulaire. Dans la même pièce que ce four, existe une zone de séchage matérialisée par des clayonnages en bois. Au nord, se trouve une seconde pièce qui est l’atelier de préparation de la terre. Dans les deux bâtiments que nous venons d’évoquer, les sols sont cimentés.

Au sud-est et au sud-ouest de ce vaste ensemble - maison, bureaux, ateliers et halle des fours - et isolés de ceux-ci, existent deux hangars charpentés en bois, à toiture à deux pans couverts en tuiles mécaniques et hourdés de briques (IVR25_19891401000X). Ces bâtiments servent au stockage des produits cuits.

Enfin, à l’ouest et au nord-ouest, deux bâtiments à un seul niveau construits en schiste et couverts de toitures à deux pans servent de remises et de garages.

  • Murs
    • brique enduit
    • brique
    • schiste
  • Toits
    tuile mécanique, ciment amiante en couverture
  • Étages
    rez-de-chaussée, 1 étage carré, étage de comble
  • Couvrements
    • charpente métallique apparente
    • charpente en bois apparente
  • Couvertures
    • toit à longs pans demi-croupe
    • toit à longs pans pignon couvert
    • appentis
  • Statut de la propriété
    propriété privée
  • Intérêt de l'œuvre
    à signaler
  • Éléments remarquables
    four industriel

Documents d'archives

  • AD Calvados. P 8401.

  • AD Calvados. 3P 7325. Le Tronquay. Etat de section, [s.d.].

  • AD Calvados. 3P 7331. Le Tronquay. Matrice cadastrale des propriétés bâties, 1911-1954.

  • Acte notarié de partage des biens de Désiré Ygouf et de sa femme, par Maître Faudemer, à Littry, en date du 23 décembre 1903. (Collection particulière, Yves Cheval, Le Tronquay).

Bibliographie

  • BAVOUX, Alain. Potiers et poteries : Le témoignage photographique de la carte postale. Condé-sur-Noireau : Editions Charles Corlet, 1983.

    p. 177 à 183.
  • LALLIER, Dan. Monographie : Mission en Normandie. Unité de description 20130452/7. 1944. (Archives nationales. Fonds Marcel Maget).

    p. 11.

Périodiques

  • BREBISSON, R (de). Histoire de la céramique à Bayeux et dans sa région. Mémoires de la Société des sciences, Arts et Belles Lettres de Bayeux, 1897.

    p. 83

Documents multimédia

  • TOUMIT, François. Un patrimoine exceptionnel à préserver ! Site de la Céramique traditionnelle en Normandie, mise en ligne le 23 janvier 2019.

Date(s) d'enquête : 1989; Date(s) de rédaction : 1989
(c) Région Normandie - Inventaire général
(c) Histoire et Patrimoine Industriels de Basse-Normandie (HPI)
(c) Association des amis de la poterie de Ger